Web 2.0 l'internaute prend la main !
La deuxième révolution de l'Internet est en marche. Et, avec elle, émerge la promesse d'un ordre socio-économique fondé sur de nouvelles valeurs : communautés, partage de biens, contribution à la création, gratuité et liberté, autant de notions-clés qui structurent et définissent la culture Web 2.0. Au centre, des milliards d'internautes reliés en réseau. Ils contribuent à façonner un écosystème de valeurs qui jette les bases d'un nouvel ordre sociétal
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Hier, il y avait le règne de l'Internet, désormais, il y aura le royaume
des internautes. Bienvenue dans l'ère du Web 2.0, nouvelle “Res” sociale,
technologique et, pourquoi pas, économique, qui promet de bouleverser l'ordre
établi des choses de ce monde. Après la démocratisation du commerce
électronique, du haut débit, et le développement des services au soutien de la
consommation en ligne, place au Web nouveau ! Un Web fait par les internautes,
pour les internautes. C'est en ces termes que l'ont peut résumer le phénomène
dont tous, soudain, se gargarisent à l'envi. Des sites marchands aux agences de
marketing, des blogs aux acteurs du monde politique, des penseurs aux
chercheurs… toute œuvre, tout projet doit désormais afficher une extension
Web 2.0. Sous peine de se voir frappé de ringardise récalcitrante, ou, pire, de
mort subite. Car, au-delà du phénomène de mode, c'est tout un nouveau tissu
socio-économique qui se dessine avec, en son centre, l'internaute 2.0, un
citoyen actif, créatif et réactif, affranchi de sa seule fonction consumériste.
Enfin libre.
Des systèmes intelligents
Flux RSS, blogs, vlogs, Ajax, XML et autres “folksonomies”, les attributs naturels de l'Internet 2.0 ont instauré une nouvelle grammaire. Qui décline, à travers sa suite technologique, l'homme en réseau, conjugué au temps du Web 2.0. Prouesses technologiques, nouvelle bulle économique… De quoi parle-t-on au juste ? A quoi attribuer ce regain d'engouement des acteurs de l'Internet qui, soudain, encapsulent tout dans ce Web 2.0 ? La définition donnée par Tim O'Reilly, éditeur du blog “Radar”, fait référence sur Wikipédia, l'encyclopédie collaborative en ligne : pour l'éditeur, la clé de compréhension de cette évolution du Web réside dans l'intelligence collective. « Le Web 2.0 repose sur un ensemble de systèmes plus intelligents qui (…) rendent possible la syndication et la coopération des données et des services. Le Web 2.0, c'est le moment où les gens réalisent que ce n'est pas le logiciel qui fait le Web, mais les services. » Des services en veux-tu en voilà, basés, tous, sur une approche collaborative d'utilisateurs/contributeurs en réseau toujours plus nombreux, le Web en regorge. Stars du moment, des sites et applications comme NetVibes (agrégateur d'applications bureautiques), BitTorrrent (site de téléchargement fleuve de fichiers audio et vidéo), Flickr (service de partage photos), DailyMotion (plate-forme de partage vidéo), Myspace (vie en communauté), Wikipédia (connaissance collective), Yoono (bookmarks partagés), Wikio (information collaborative)… Autant d'innovations au succès d'audience époustouflant, entraîné à la hausse par simple effet de buzz. Dans son dernier relevé d'avril, la seule communauté Myspace revendiquait 36 millions de visites mensuelles. De quoi faire pâlir les géants de l'Internet (Yahoo !, Google, MSN…). Dénominateur commun à chacune de ses émanations Web 2.0 ? Une approche résolument orientée utilisateur, combinée à la gratuité de l'usage pour modèle économique. Rien de révolutionnaire, à première vue. Pourtant, de l'avis de tous, avec la démocratisation de ces usages, rien ne sera plus comme avant. Les conséquences de l'appropriation de ces services par les internautes, irréversibles. Au point que certains n'hésitent pas à soutenir la thèse d'une révolution, de même ampleur que celle de l'électricité ou de l'aviation. « Internet 2.0 n'est pas un phénomène de mode mais une révolution qui va restructurer l'organisation sociale et ses pratiques consommatoires », avance Benoît Héry, vice-président de l'agence Grrrey !. Restructuration dont les signes précurseurs se manifestent à travers le retour en grâce de formes primitives de consommation et d'échanges basées sur l'entraide, le troc, le deal, « qui permettent à chacun de rétablir une relation de proximité au sein d'une communauté », analyse-t-il. L'effet le plus visible ? Une liberté sans précédent, pour la première fois à portée du quidam qui choisit tout, sa communauté, le moment de sa consommation, ses marques favorites et, demain, sa pub.
Contre-balancement du pouvoir
D'où émerge, progressivement, une culture de la décision, en rupture avec la précédente dans laquelle l'individu devait se contenter d'absorber un message délivré par le haut. Les applications Web 2.0 lui offrent la liberté de créer sa propre information, ses propres moyens de production et de médiatisation, et de les partager avec d'autres. Finie l'époque de la soumission au diktat des marques ? Révolus les discours portés par des leaders d'opinion ? Pas de doute pour le vice-président de Grrrey !, « la société des numéros et des clones est définitivement morte. Lui a succédé celle du “soi et les autres”, un modèle social fondé sur la vie en communauté, le partage des biens et, notion fondamentale, le dialogue en réseau, en temps réel ». Plusieurs avancées technologiques ont permis le basculement de société du Web 1.0, celle de l'émergence d'Internet comme canal de distribution complémentaire, à l'étape actuelle : celle de l'Internet comme centre névralgique d'où se ramifient les conditions d'un nouvel ordre sociétal. Premiers symptômes : les blogs. Ces journaux en ligne partagés, à la fois intimes, à la fois publics, n'en finissent plus d'essaimer, indépendamment de l'intérêt collectif pour les contenus qu'ils véhiculent. Mais c'est au blog que revient le mérite d'avoir permis la renaissance d'un véritable dialogue entre l'auteur et les lecteurs. En France, près de trois internautes sur dix consultent des blogs et un internaute sur dix en a déjà créé un. C'est sous la pression de ce déchaînement de la libre expression que la notion du nouveau pouvoir de l'utilisateur fait alors son apparition. Mais de quel pouvoir parle-t-on ? Pour François-Xavier Hussherr, directeur du département Nouveaux Médias de Médiamétrie, qui consacre un ouvrage à cette question, « l'homme dispose, aujourd'hui, de technologies pour agir et influer sur des sujets particuliers comme ce fut récemment le cas dans l'affaire de la loi sur la licence globale où, pour la première fois de l'histoire, le pouvoir législatif a été influencé par l'opinion d'une association de bloggers experts de la question ». Car, au pouvoir de l'expression, le Web 2.0 associe un pouvoir de médiatisation de cette expression « qui se traduit par une forme d'hypercommunication », dixit le directeur. Et entraîne deux phénomènes : la confiance grandissante de monsieur-tout-le-monde pour l'avis du quidam et sa défiance, de plus en plus marquée, à l'égard des sources officielles. Les mass médias face aux médias des masses Dans La révolte du pronétariat, Joël de Rosnay soutient que les nouveaux modes massifs d'expression, appelés “médias des masses”, en opposition aux mass médias, finiront par supplanter peu à peu certains des vecteurs traditionnels des mass médias (télévision, radio…). En cause, un renversement de modèle : de la gestion de la rareté organisée par les grands diffuseurs de contenus pour, précisément, forcer l'utilisateur à passer par leurs vecteurs, on bascule à un modèle de gestion de l'abondance des contenus, créés, diffusés et commercialisés par les utilisateurs en réseau. Et ce renversement risque d'être d'autant plus rapide que les moyens de production et de diffusion sont à la portée de tous, à moindre frais. Une illustration parmi les plus frappantes de l'année 2005 : l'ascension fulgurante de Wikipédia. En un an à peine, l'encyclopédie collaborative a vu son audience progresser de 256 %. Une envolée qui tient, essentiellement, à l'effet de buzz plébiscitaire des utilisateurs, et non à l'efficacité publicitaire. Fait inquiétant pour les médias traditionnels, l'absence de plan de communication devient la règle pour tous les acteurs de l'Internet se réclamant du Web 2.0 . La devise : si l'internaute ne crée pas spontanément un buzz autour d'un service, c'est que ce service risque de ne jamais séduire qui que ce soit. A quoi bon, dès lors, tenter d'influencer le verdict des utilisateurs à grands renforts de campagnes de pub et de marketing au risque de provoquer des effets de rejet au sein des communautés ?
Nouveau défi pour les marques
Même inquiétude côté marques, où l'avènement du Web 2.0 remet en cause les méthodes de conquête et de fidélisation client. « En se fabriquant son propre univers, l'internaute n'a plus besoin de se rendre sur le site de la marque ou du distributeur. Les Widget, par exemple, lui permettent de transformer une marque, un produit ou une boutique en une application qu'il va loger dans son univers après en avoir sélectionné les contenus. Peu à peu, l'utilisateur désertera les gros carrefours hier incontournables. Du coup, le modèle publicitaire doit imaginer la manière de diffuser de la pub sur ces nouvelles applications », analyse Grégoire Baret, directeur du planning stratégique chez Nurun. Hors de leur écosystème habituel, quel salut pour les marques ? « Il faut rendre le public acteur, faire en sorte qu'il s'approprie la marque ou le produit pour qu'il en devienne un ambassadeur volontaire », revendique-t-il. Le nouveau défi pour les marques ? Se faire adopter, et non plus s'imposer. « Ce qui se dessine, c'est un marketing inversé où c'est le consommateur qui compose son menu, provoquant la fin du message média, et l'émergence d'un micro-marketing qui s'attaque à des profils et non à des audiences massives », insiste le directeur.
PS3 et S-MAX aux mains des internautes
« Nous sommes confrontés à un phénomène de société qui révèle le besoin d'expression de chacun, comme l'avait déjà anticipé la télé-réalité, constate pour sa part Matthieu Delesseux, co-fondateur de l'agence Duke. Les individus disposant des moyens pour s'exprimer s'en saisissent, et nul ne peut désormais ignorer cette réalité, les marques encore moins que d'autres. » Précurseur dans l'adoption de cette nouvelle approche participative et partisan de la libre expression du consommateur, Duke avait, dès 2005, parié, pour le lancement de la PS3, sur une campagne dont la médiatisation serait entièrement confiée aux internautes. C'est sans recourir à aucun des leviers marketing traditionnels et en l'absence de tout effet d'annonce que fut lancé BlogStation, une plate-forme dédiée aux amateurs de jeux vidéo. Essai transformé. En quelques mois, des milliers de lecteurs sont venus consulter les contenus des aficionados de la PS3. Bénéfices secondaires : une aura de modernité conférée à la marque et une meilleure connaissance client. Cerise sur ce gâteau : un budget ridicule, pour un effet retentissant. Plus récemment, c'est Ford qui reprend le flambeau pour S-MAX, son tout dernier véhicule vedette. Pour en promouvoir le lancement, la marque a parié sur une campagne 2.0 déployée sur Yahoo, cinq semaines durant ! Au programme, un dispositif à rouages concentriques, débouchant sur une sélection auto-ciblée de dix finalistes. A la clé, un Ford S-MAX en dotation pendant dix jours, à tester en situation réelle dans les rues de la capitale. Relais de l'opération, des carnets de bords consultables sur 360°, la plate-forme de blogs de Yahoo ! où les pilotes d'essai partageaient, chaque jour, leur expérience, leurs récits de voyages étant ensuite notés par le public de 360°. En prime pour le vainqueur final, un S-MAX flambant neuf. « C'est la plus aboutie des opérations participatives qu'on observe chez Yahoo !, les précédentes se réclamant du Web 2.0 ne dépassaient pas le stade de la personnalisation, alors que Ford est allé jusqu'à remettre aux mains de l'internaute les clés de l'opération », s'enthousiasme la directrice marketing du portail, Carole Zibi. N'est pas 2.0 qui veut.
Quel modèle économique ?
Autre question : dans une économie qui place la gratuité en modèle, comment générer des bénéfices suffisants pour durer ? Quelles sources de revenus exploiter ? De l'aveu même de Pierre Chappaz, fondateur du moteur de recherche d'informations collaboratif Wikio, l'objectif n'est pas de fabriquer une “cash machine”. Pour autant, l'ex-fondateur de Kelkoo en convient, à terme il faudra dégager des bénéfices de Wikio. Après la phase bêta, le moteur devrait intégrer, lui aussi, des liens promotionnels à ses pages, unique source de revenus que Pierre Chappaz envisage d'exploiter. Pour lui, les liens, « c'est le coup de génie du siècle ». La gratuité du modèle n'est, en fait, qu'apparente. Même si, nouveauté intéressante, ce n'est plus l'utilisateur du service qui paye, mais l'annonceur qui espère lui vendre un autre produit. Ainsi que le soutient Joël de Rosnay, en réalité, ce qui est gratuit, c'est une sorte de produit d'appel qui incite les consommateurs à payer, ensuite, un service différent. Bref, le bénéfice se situe toujours en marge du flux marchand traditionnel. C'est d'ailleurs le cas de tous les modèles 2.0 qui, à l'instar de Wikio, exploitent les liens publicitaires pour non seulement proposer la gratuité aux utilisateurs, mais dégager d'importants bénéfices. « Sur Google, les liens pub représentent 12 % des clics des internautes », rappelle Pierre Chappaz. Et les acteurs de l'Internet n'ont pas attendu le 2.0 pour adopter ce modèle.
Le Web 2.0 vu par Benoît Héry, vice-président de l'agence Grrrey !
« Des agences bancaires qui ont passé la main à leurs clients pour la gestion de leur compte en ligne et se
dédient désormais à des projets spécifiques. Des chaînes hertziennes aux diffusions remises en cause par le podcasting et des bouquets numériques inquiets de voir les FAI débarquer dans la TV. Des publicitaires perturbés par l'importance croissante prise par Internet dans les
dépenses de communication des entreprises et qui
menacent de détrôner les trois grands médias, cinéma, affichage, voire radio. Des consommateurs, treize millions en France, qui, via des pratiques de commerce primitives comme le troc ou les enchères obligent le commerce à revoir ses règles et à repenser ses marges. Des politiciens recrutant en ligne leurs militants et proposant la participation à l'élaboration de programmes, des jeunes dont la socialité passe essentiellement par l'Internet. Non, le Web 2.0 n'est pas réductible à un simple phénomène de mode. C'est une révolution, d'ampleur aussi importante que celle de l'apparition de l'électricité, qui a permis le développement industriel, ou de l'invention de l'aviation qui a
remodelé la géographie et le rythme des échanges. Au cœur de cette révolution, Internet, comme centre névralgique duquel partent et vers lequel convergent l'ensemble des actions de l'individu et des agents économiques. Où que l'on aille, où que l'on regarde, Internet est au cœur des pratiques, des mutations et des projets d'avenir. Ce n'est plus un simple nouveau média dont il est question, et, comme l'a affirmé Greg Stuart, directeur de l'IAB, ceux qui s'obstineraient à le réduire à sa seule dimension de lieu de contenus complémentaires vont être complètement dépassés car, bien plus qu'un média, Internet est un canal de distribution pour toutes les formes de médias existantes. Un constat évident : après avoir migré au cœur de nos usages, Internet s'installe de façon structurante au centre des stratégies des marques. Pour être efficaces, c'est désormais autour de cette base qu'elles doivent construire leur discours. »
Frédéric Colas (SixandCo) et Damon Crépin-Burr (Agence7seven )
« A terme, les internautes vont exiger de monnayer leur présence en ligne » . Le président de SixandCo et le directeur de création de Agence7seven (Groupe FullSIX) décryptent les nouveaux enjeux, pour le marketing, du Web 2.0.
L'essentiel du Web 2.0 pour une agence de marketing services ?
Damon Crépin-Burr : Pour la première fois, c'est la culture qui fait le marché et non pas le marché qui fait la culture. En l'occurrence, on parle de la nouvelle culture du pouvoir pris par les consommateurs qui s'affirme comme culture dominante.
Les conséquences à retenir ?
Frédéric Colas : Dans l'univers de la pub et du marketing, le discours produits va se faire de plus en plus sur des sujets profonds. La réflexion change, plus qu'un concept qui fait vendre, la question qui nous taraude, c'est comment apporter de la valeur ajoutée au discours publicitaire. Qui se résume par la célèbre formule “brand message, not branded message”. Avant d'être sexy, le message de marque doit être vrai, alors que le “branded message”, lui, se contente d'accrocher le consommateur.
Une illustration de cette vérité ?
FC : Un cas récent pour Tropicana, marque qui se positionne sur la notion de plaisir. Mais dont le prix est plus élevé que celui des marques concurrentes. Au lieu de glorifier la super marque, nous avons pris le parti d'admettre que Tropicana, c'est plus cher, puis d'expliquer au consommateur pourquoi. Car il y a de vraies raisons inhérentes à la qualité du produit. Nous nous sommes donc attachés à dégager les valeurs qui fondent cette vérité de la marque avant de nous exténuer dans une créativité glorifiante de ce produit.
Le marketing 2.0, c'est quoi pour SixandCo ?
FC : C'est un marketing conscient de cette notion de pouvoir pris par le consommateur. Nous avons basculé d'un marketing subi à un marketing choisi où le consommateur cautionne davantage le discours d'un autre consommateur que celui de la marque, même si ce consommateur accepte toujours que la marque le fasse rêver. Une illustration pertinente : le blog sur la grippe aviaire, BirdFlue, mis en place par un seul individu, a très vite attiré les experts scientifiques qui n'avaient pas eu l'occasion de s'exprimer librement dans les médias traditionnels et qui ont profité de ce blog pour être entendus et compris du public.
Ce qui change, fondamentalement, dans l'approche marketing 2.0 ?
DCB : Il n'y a pas si longtemps, le marketing interactif plaçait le consommateur au centre du dispositif relationnel, mais c'est déjà obsolète. Le consommateur ne doit pas être au centre, mais à l'origine de toute réflexion marketing, soit devenir le casse-tête de la marque ou du créatif. Le Web 2.0 fait entrer le marketing dans l'ère numérique, totalement. Ce qui veut dire que, pour SixandCo par exemple, le consommateur est intégré au processus de création. Et cela suppose une nouvelle organisation des agences où la meilleure n'est plus celle qui réunit les meilleurs créatifs de la place parisienne, mais celle qui sait écouter le marché.
La prochaine étape ?
DCB : A terme, les internautes vont exiger de monnayer leur présence en ligne, avec des “infomédiaires”
qui vont gérer, pour
les consommateurs, la rémunération des données de l'internaute.
Zlio parie sur la prescription à l'achat
“Vous n'avez rien à vendre, Zlio vous rémunère”. Un rien provocatrice, la formule de Jérémie Berrebi résume pourtant bien l'esprit Web 2.0 selon Zlio. Ce nouveau service, basé sur un réseau social, prône la consommation recommandée comme nouvelle religion consommatoire. « C'est de la prescription à l'achat, rémunérée », indique le fondateur. Le principe : chaque membre peut recommander n'importe quel type de produit ou de marque aux autres communautaires. Exploitant le principe du book marking (favoris), le conseiller référence sur Zlio les produits ou marques pour lesquels il s'estime compétent à la recommandation. Ainsi, pour qualifier son achat, chaque consommateur peut exploiter ce réseau de recommandations. Comme toujours, la gratuité est la règle pour l'usager qui bénéficie, ici, d'un conseil avisé ou supposé tel, pour aiguiller sa consommation vers les produits en phase avec ses attentes. En revanche, les prescripteurs, eux, sont rémunérés à la transformation, si le conseil débouche sur un achat. Après les comparateurs de prix et les guides d'achat, voici une nouvelle forme d'intermédiation entre marchands et “consonautes”. Structurellement, le site fonctionne sur le même principe qu'un réseau d'affiliation classique. A la différence près que ce ne sont pas, ici, des bannières à encourager l'acte d'achat, mais des conseillers rétribués pour leur expertise. Pour garantir la pertinence et la sincérité de la prescription, encore un accessoire Web 2.0 : le système de classification de la confiance. Il s'établit naturellement à mesure que la pertinence des conseils apportés est cautionnée par l'avis des utilisateurs. Modèle économique : il repose sur les commissions reversées par les marchands et sur le référencement des marques dans les blogs des Zlionautes. En effet, chaque fois qu'une marque ou un produit sont mentionnés dans le blog d'un membre, un lien entre le blog et le marchand peut alors être déployé. En cliquant sur ce lien, l'utilisateur est redirigé sur le site proposant ce produit. « C'est un excellent moyen de faire remonter la position des marchands dans les moteurs de recherche », précise Jérémie Berrebi. Lancé en avril, Zlio revendique vingt-cinq partenaires et une liste d'attente où se bousculent, déjà, quarante sites e-commerce.
Rémy Guilbert, planneur stratégique chez Human to Human
« Les marques doivent conserver leur force de proposition » Aux marques qui tentent, armées des méthodes habituelles, d'infliltrer les zones de dialogue en ligne, Rémy Guilbert préconise la prudence. Et quelques astuces…
Quels conseils donnez-vous aux marques qui souhaitent utiliser les blogs dans leur stratégie de communication ?
Rémy Guilbert : Qu'il faut prendre certaines précautions, avec les blogs. Par exemple, si on conçoit des produits sur le principe du plébiscite, ça ne marche pas. Les marques doivent conserver leur force de proposition. Les erreurs fatales sont d'ailleurs fréquentes, et toutes, invariablement liées à l'utilisation de procédés conventionnels pour des objectifs conventionnels. C'est le cas, encore très fréquent, des marques qui avancent masquées sur les blogs et échouent lamentablement, ou des marques qui valorisent ostensiblement les produits ou services sur les blogs. Résultats : au mieux l'indifférence, au pire le rejet. Enfin, considérer que toute marque est légitime sur ce canal, ce qui n'est évidemment pas le cas.
Quels sont les critères de cette légitimité ?
RG : Disons que sont illégitimes les marques qui n'opèrent pas dans un marché passionnel, sauf si leur domaine d'activité concerne un sujet sociétal. Sont illégitimes, aussi, les opérations mass market qui veulent toucher une population la plus large possible comme on le fait en télé. C'est le cas de la campagne pour le 118 218 où les blogs étaient censés jouer les relais d'une campagne massivement diffusée sur d'autres médias. Or, dans la mesure où cette campagne empruntait un discours très grand public, les réactions le sont aussi, et les blogs ont fini par être perçus comme un succédané de service clients. Une catastrophe, tous les mécontents en ont abusé pour se déchaîner contre la marque. La participation du public à une campagne est un axe intéressant, mais la seule communication intelligente sur Internet est celle qui adresse une population qualifiée et impliquée. Ford l'a bien compris et, dans sa campagne S-MAX, la marque a pris soin d'éliminer 80 % du public initialement convié à l'événement.
Ces nouvelles approches publicitaires remettent-elles en cause la logique mass médias ?
RG : Effectivement, il y a remise en cause, mais pas au point de voir disparaître la publicité traditionnelle qui, au contraire, peut être renforcée par la participation des internautes. Si on continue d'investir un million d'euros en pub télé, je vous garantis que ça continue de marcher.