Un surfeur sachant surfer...
Chez Yahoo, les sites sont indexés à la main par une équipe de surfeurs professionnels. Portrait de l'un d'eux, ancien libraire ayant troqué les livres contre la souris.
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On peut être un pure player pionnier du Net et tout faire à la main. C'est
le cas chez Yahoo France, l'outil de recherche le plus employé de l'Internet
francophone. L'annuaire recense environ 140 000 sites dans sa base de données.
Ils sont soumis au portail par les entreprises elles-mêmes, leurs agences de
publicité ou les prestataires de référencement. C'est là qu'entre en scène
Alexandre Delcourt, trente ans, trois ans de surf, passionné de littérature et
d'aéronautique. Ses deux missions : présenter l'information en créant des
catégories, et indexer les sites. Ce 12 novembre pluvieux, Alexandre est occupé
par le crash de l'Airbus sur le quartier du Queens à New York. « J'ai créé un
"full coverage" avec les dernières dépêches. A gauche, un "squelette" rassemble
les autres articles et les documents multimédia », détaille-t-il. Malgré leur
langage un peu crypté, les surfeurs de Yahoo France sont avant tout des
professionnels qui suivent un certain nombre de règles. « Ainsi, pour
l'indexation, il existe trois critères, explique Alexandre. Le site doit être
en langue française, il faut respecter la législation et posséder un contenu
suffisant. » C'est-à-dire sans liens morts, images cassées ou rubriques "en
construction". Mais n'est pas surfeur qui veut. « Pour faire un bon surfeur, il
faut réunir plusieurs qualités. Les principales sont la curiosité, l'esprit
synthétique et la précision », indique Alexandre, qui est d'ailleurs chargé de
trier les CV des aspirants surfeurs. Bien que le taux de refus de référencer
un site paraisse encore élevé (environ un tiers des sites soumis), le Web
francophone a beaucoup changé en trois ans. « Les sites se sont
professionnalisés et nous, nous avons amélioré nos façons d'agencer la base »,
précise le surfeur. Ainsi, avec les nouvelles rubriques "produits et services
pour les particuliers" et "produits et services pour les professionnels" créées
dans la catégorie "commerce et économie". Alexandre Delcourt s'occupe aussi de
la sélection de la semaine. Il choisit les sites qui lui plaisent et rédige un
petit commentaire. Tâche « plutôt amusante », selon lui. Mais suivre
l'actualité du Net est un vrai métier qui réclame des réflexes. « Le Seigneur
des Anneaux va sortir sur les écrans français début décembre. Ce matin, j'ai
indexé un site sur l'acteur principal. Il faut savoir anticiper les attentes
des internautes », explique-t-il, passant d'un écran à l'autre avec dextérité.
Contrairement à une idée reçue, le surf sur le Net n'est pas une activité
solitaire. Chez Yahoo France, le port du casque de baladeur n'empêche pas le
travail en équipe. La communication entre les surfeurs est obligatoire pour que
soit respectée la cohérence dans l'organisation de l'annuaire. « Si je veux
changer la présentation de ma catégorie "littérature", je préviens mes
collègues par mail et ensuite on débat. Et il faut savoir argumenter », raconte
Alexandre. Toujours en éveil, le surfeur repère l'adresse d'un site sur une
affiche du métro, va voir les sélections des autres annuaires, lit la presse.
Il peut devenir ainsi lead surfer (chargé de projets), ou surfing manager. A
condition de surmonter le "coup de pompe des six mois". Explication : « Tous
les six mois, on a une petite crise de fatigue. Mais ça passe vite, l'ambiance
est bonne et on se répartit les catégories par affinité. Moi, par exemple, je
ne suis pas très attiré par la science, mais j'adore l'aéronautique. Mon
collègue responsable de la catégorie "sciences" m'a passé cette rubrique. De
mon côté, je lui ai confié le théâtre, qu'il adore. » La multiplication des
sites a fait évoluer le recrutement des surfeurs. Des profils généralistes du
début, on est passé aux candidats maîtrisant une ou deux spécialités. « On
s'est rendu compte que l'on ne pouvait plus être bon partout », avoue
Alexandre.