Singer les pratiques de la concurrence pour justifier sa nouvelle politique consumériste
Astreint à l'atteinte de la rentabilité dès l'année 2002, LibertySurf a réajusté son modèle économique vers des formules payantes. Pour se démarquer des suiveurs et s'extraire progressivement de la gratuité, sa dernière campagne publicitaire a joué la carte de la liberté, adulte et sans engagement, à travers la caricature délirante des offres concurrentes.
Je m'abonneA propos de LibertySurf
Née au printemps 1999, la
marque LibertySurf s'est historiquement positionnée sur le marché prometteur
des fournisseurs d'accès à Internet, marché fracturé dès sa naissance en deux
principaux segments : l'accès payant d'une part (France Télécom, AOL,
Infonie...) et l'accès gratuit (LibertySurf, Free, Freesurf, Freeserve...). Sur
ce second créneau, les candidats ont vite proliféré dans l'optique de
démocratiser l'usage d'Internet et de recruter le plus grand nombre d'abonnés,
en faisant levier sur la gratuité de l'accès au réseau. Pour ravir le
leadership sur ce segment, LibertySurf s'est inspiré du modèle Wanadoo et a
opté, dès le départ, pour une stratégie d'image copieusement soutenue par de
nombreuses campagnes de communication. « Nous avons identifié les deux
principaux facteurs-clés du succès de Wanadoo, leader national de la fourniture
d'accès payant au Web : la puissante caution de l'image de France Télécom d'une
part, mais aussi et surtout la densité de son réseau d'agences qui à la fois
crédibilise l'offre commerciale et inspire confiance en la marque », explique
Caroline Puechoultres, directrice marketing et communication au sein du groupe
LibertySurf. Fort d'un actionnariat d'envergure (Kingfisher, EuropatWeb...)
qui lui a apporté son savoir-faire marketing, mais également de la force de son
réseau de distribution (3 500 magasins) et la forte notoriété des marques qu'il
regroupe (Darty, Conforama, But...), le FAI s'est rapidement hissé au deuxième
rang du marché français des fournisseurs d'accès à Internet dont il détient
aujourd'hui 19 % des parts (35 % pour Wanadoo) avec 1 million d'abonnés actifs
(2 millions pour Wanadoo). Au moment de l'introduction en bourse en mars 2000,
les actionnaires historiques (EuropatWeb, Kingfisher) ont cédé leurs
participations au FAI italien Tiscali SPA, actuellement actionnaire majoritaire
de Liberty Surf Group dont il détient 94,5 % des parts.
Objectif de la campagne : véhiculer les nouvelles valeurs du groupe
Depuis son
lancement, LibertySurf a régulièrement fait campagne pour soutenir chaque étape
de son développement. « Plus on arrive tard avec une marque, plus l'on se doit
d'avoir une communication percutante », confie Caroline Puechoultres. Trois
grandes campagnes nationales, déployées sur tous les supports médias, ont déjà
soutenu cette stratégie de communication d'impact qui s'exprimait,
initialement, à travers les deux valeurs phares du groupe : la liberté de
l'abonné et la gratuité de l'accès au réseau. « Nous nous trouvions alors dans
une démarche de développement où il nous fallait accroître la notoriété de la
marque et créer la confiance en faisant rêver l'internaute. Aujourd'hui, la
donne n'est plus la même. Il faut davantage donner des preuves de la qualité de
nos services pour rassurer nos abonnés comme nos actionnaires », poursuit
Caroline Puechoultres. En effet, suite à son rachat par Tiscali SPA, la société
a subi de profonds remaniements qui se sont soldés par un changement progressif
de son modèle économique. Liberté oui, gratuité non, tels sont les ingrédients
de cette nouvelle politique axée sur la rationalisation et la rentabilité.
Parti d'un modèle vicié par la gratuité partielle de l'offre commerciale,
LibertySurf tente à présent de revenir à une situation plus rentable via des
offres packagées, attractives mais pas suicidaires. Objectifs à la clé :
atteindre l'équilibre financier à la fin de l'année et la rentabilité courant
2002. Pour soutenir ces ambitions, la dernière campagne du groupe s'est
focalisée sur deux facteurs-clés : l'attractivité de l'offre forfaitaire à
coûts maîtrisés (50 heures pour 95 francs en promotion pour une durée limitée)
et le non-engagement de l'abonné, toujours libre de changer d'opérateur ou de
formule d'abonnement.
Plan médias
Le déploiement de la
campagne télé prévoyait plusieurs étapes. Entre le 27 mai et le 17 juin, les
trois films ont été diffusés sur l'ensemble des chaînes hertziennes, câblées et
du satellite (Paris Première, LCI, RTL9, Canal Jimmy, Comédie, 13e Rue, Série
Club, Planète, TF6, TV5, Voyages...), alors que la deuxième vague, entre le 1er
et le 12 juillet, a assuré la présence de la marque uniquement sur les chaînes
hertziennes hors M6 et Canal +. Déclinée en presse spécialisée, dans les
magazines internet (Web Magazine) et revues informatiques (Micro Hebdo, PC
Expert), ainsi qu'en radio avec un spot promotionnel de 20'', la campagne télé
devait redémarrer pour un nouveau cycle dès le mois de septembre et se
poursuivre, par vagues régulières, jusqu'à la fin de l'année.
Axe créatif : être à côté des internautes sans les enchaîner
Fin 2000,
le constat était clair : fort d'une image de marque au ton jeune et moderne, en
parfait accord avec les attentes de la cible des internautes, LibertySurf avait
réussi à s'imposer en leader des FAI gratuits sur le marché français. « Il nous
fallait désormais devenir le leader tout court en s'extrayant de la notion de
gratuité et faire levier sur d'autres valeurs », explique Caroline
Puechoultres. Réalisée par le tandem FCB Netbrand et Rouge, la dernière
campagne du FAI récupère, tout en la faisant évoluer, la notion de liberté
chère à la marque. « Il s'agit maintenant d'une liberté adulte, sans
engagements ni contraintes mais assistée de nombreux services ; une liberté qui
ne passe pas par une prise en otage de l'abonné pour le fidéliser », commente
Guillaume Pannaud, directeur de l'agence de publicité. Incarnée par
"Forfaittor", odieux symbole du "Forfait ras-le-bol", la notion de "liberté
adulte" s'est exprimée à travers trois spots publicitaires au ton
humoristiquement provocateur. En effet, la campagne prend appui sur les
faiblesses des offres forfaitaires concurrentes qui, typiquement, enferment
l'internaute par le biais de contrats d'engagement parfois étouffants. Chacune
des sagas pousse à l'extrême la vie piégée des abonnés aux "mauvais forfaits".
Déguisé lui-même en contrat d'abonnement, "Forfaittor" s'applique à saboter le
quotidien de ses hôtes par un comportement de cancre débile. Tour à tour, il
incarne le "forfait gourmand" qui dévore sans retenue le dîner de ses
hébergeurs, le "preneur d'otages" où il évoque sans ambiguïté la contrainte de
l'engagement à long terme, enfin, l'imposteur parasite trône au domicile de
l'internaute mais refuse carrément de l'assister dans ses recherches. En
montrant du doigt les pratiques jugées "abusives" de la concurrence,
LibertySurf signe ses trois spots par un nouveau slogan : "On vous préfère en
liberté".
Résultats
Excellents en termes de
recrutement, les retours de campagne courant juin ont généré 40 % d'abonnements
supplémentaires par jour. En termes de notoriété, les résultats en post-test
quantitatif ont dépassé les normes Ipsos, aussi bien en impact et en
mémorisation qu'en agrément et compréhension du message, alors que la notoriété
globale auprès de l'ensemble de la population est passée de 42 % (décembre
2000) à 48 % fin juin. Bien que l'annonceur s'avoue très satisfait de
l'opération, le caractère culotté, à la limite du diffamatoire des films
publicitaires n'a visiblement pas ravi certains concurrents. Ainsi AOL et
Club-Internet ont-ils déposé une plainte contre LibertySurf pour publicité
mensongère et dénigrement comparatif et mensonger. Seul le premier chef
d'accusation a été retenu à la charge du FAI qui devra, lors de la prochaine
vague télé, ajouter à l'un de ses film une référence visuelle précisant le
caractère promotionnel de l'offre. Chez LibertySurf, on se félicite d'avoir mis
le doigt dans la plaie. « Nous devrons nous acquitter des frais de justice de
Club-Internet (15 000 F). Néanmoins, ces réactions prouvent que notre campagne
a fait levier sur ce qui fait mal et que les concurrents se sentent menacés »,
conclut Caroline Puechoultres.
Repères
1999 : Création de Liberty Surf Group et naissance de l'accès gratuit au Web. Acquisitions : nomade.fr, l'annuaire de recherche francophone ; AXS Télécom (premier opérateur télécom acquis par un FAI) ; respublica.fr, site communautaire francophone. 2000 : Acquisitions de Ecila, moteur de recherche ; Film Non Stop, bouquet de sites dédiés au cinéma, dont le site Monsieur Cinéma ; toobo.com, comparateur de prix ; chez.com, site de pages persos ; francemail.com, site d'e-mail gratuit ; cartespostales.fr. 12 mars 2000 : Retrait des actionnaires historiques (EuropatWeb et KingFisher), rachat du groupe par le FAI italien Tiscali SPA. 16 mars 2000 : Introduction en Bourse au règlement mensuel (premier marché). Janvier 2001 : Acquisition de Freesbee, le fournisseur d'accès gratuit et rapide à Internet. Acquisitions transfrontalières : prise de participation au capital de X-stream, FAI pionnier du gratuit au Royaume-Uni ; acquisition du portail Hispavista.