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Roland Coutas, P-dg de Telemarket « La vraie révolution Internet aura lieu dans le secteur de la grande consommation »

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Du Minitel à l'Internet, de LaSer à Galeries Lafayette… à l'indépendance, le cybermarché n'a toujours pas atteint la rentabilité. Mais, pour Roland Coutas, le nouveau président de Telemarket, le succès et les bénéfices ne devraient pas tarder. Explications.

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e-commerce & VAD : Après la cession de TravelPrice à Lastminute en 2003, vous avez repris du service, il y a six mois, dans l'alimentaire en ligne, l'un des secteurs les plus difficiles où l'e-commerce peine à s'imposer. Quelles motivations vous y ont conduit ?

Roland Coutas : Après la revente de TravelPrice qui, au passage, a été une très belle opération, j'ai pris une bonne année de congé sabbatique. J'ai eu le temps de la réflexion. Et je reviens sur le marché avec l'absolue conviction que la vraie révolution Internet aura lieu, je dis bien “aura”, dans le secteur de la grande distribution et de la grande consommation, et, dans un second temps, dans la banque. D'où mon enthousiasme à reprendre les rênes de Telemarket, premier site de l'alimentaire et grande consommation en France.

Pourtant, l'alimentaire peine encore à enflammer les foules alors que pratiquement tous les autres secteurs ont réussi à prouver aux consommateurs l'intérêt du on line. Comment expliquez-vous votre… révélation ?

R. C : Plusieurs raisons à cela. Dans un premier temps, l'e-commerce a explosé dans des secteurs comme le tourisme parce que ce sont des domaines immatériels. Puis ce fut le tour de l'informatique, des loisirs, etc. Mais il était totalement utopique d'envisager le même phénomène dans l'alimentaire avant aujourd'hui, parce que c'est le domaine le plus intime. Rendez-vous compte, ce sont les produits que les mères de famille achètent pour leurs enfants ! Il fallait donc laisser au consommateur le temps de comprendre que, faire ses courses en ligne, c'est mieux qu'en supermarché. Et surtout, il fallait attendre la démocratisation du haut débit. Troisième raison : seuls peu d'acteurs peuvent créer ce type de business parce qu'il demande d'énormes investissements et qu'il est très complexe. En outre, un supermarché, en ligne ou ailleurs, c'est toujours lié à une centrale d'achat. Or, en France, il n'y en a que cinq.

Votre expérience du e-commerce s'est faite dans l'univers du tourisme, domaine immatériel. Quel rapport avec l'alimentaire ?

R. C : Vous savez, en 2000, je me souviens que tous les acteurs, les analystes et cabinets d'experts, etc., s'accordaient pour dire que le problème du commerce électronique, c'était la logistique. Moi je réponds que c'est un problème de e-commerce, point.

Plus concrètement…

R. C : Je veux dire par là que l'Internet est un nouveau canal, avec ses règles propres, et que les règles habituelles que l'on applique et qui fonctionnent pour les autres canaux de distribution ne sont pas toutes applicables au commerce électronique. De nouvelles règles, notamment en matière de traitement du client, devaient dès lors être inventées et ce n'était pas envisageable en 2000. Voilà pourquoi les géants de la grande distribution ont obtenu les résultats que l'on connaît avec leurs cybermarchés. Ils se sont tous plus ou moins égarés, ont tous englouti des sommes colossales pour, ensuite, tout abandonner parce que aucun d'entre-eux n'a trouvé le bon modèle. Et surtout, aucun d'entre eux n'a attendu le bon moment.

L'année 2006 serait-elle ce bon moment ?

R. C : Je le souhaite et je l'espère, mais je ne m'avancerai pas trop avant 2007 parce que, pour ce type de secteur très particulier, le timing n'est forcément pas le même que pour les autres. En revanche, ce que j'ai constaté au cours du dernier semestre 2005, c'est qu'il se passe clairement quelque chose.

Quelque chose de relatif à vos récents résultats, par exemple ?

R. C : En effet, nous avons enregistré une forte croissance sur la période. Commandes et chiffre d'affaires ont bondi de 35 %, en particulier au cours des trois derniers mois.

C'est ce qui vous laisse envisager une explosion prochaine du cybermarché ?

R. C : Ce n'est qu'un premier signe qui vient renforcer mes convictions. Mais il y en a bien d'autres, beaucoup plus concrets. Il suffit de regarder au-delà de nos frontières, aux Etats-Unis ou en Angleterre par exemple, où des acteurs comme Ocado, Tesco… ont atteint la rentabilité au bout de deux ans à peine. Aujourd'hui, Tesco, c'est 7 000 commandes par jour ! Autant de preuves que l'indicateur à retenir pour comprendre l'évolution de ce marché, c'est le time to market. En France, ce moment arrive, comme toujours, loin derrière ces deux pays mais nous n'en sommes plus très loin.

Quels sont les principaux facteurs de succès qui expliquent la réussite des cybermarchés anglais et américains ?

R. C : Ça marche parce que faire ses courses en ligne, c'est bien mieux qu'en magasin. Quand vous trouvez en ligne tout ce que vous trouvez en magasin, que les prix sont identiques, voire inférieurs, que toutes les promos habituelles sont transposées on line, que vous évitez les queues aux caisses, la guerre des chariots, le parking et, en plus, que l'on vient livrer vos courses chez vous, dans votre cuisine, il n'y a pas photo. Le cybermarché, c'est forcément mieux, ça ne peut pas ne pas marcher !

Pour autant, tout ce que vous dites était déjà vrai en 2000 et la révolution n'a pas vraiment eu lieu. Alors quid ?

R. C : Tout est une question de temps. Les gens doivent s'habituer et nous devons les éduquer en recréant dans le cybermarché une vraie vie de supermarché, les inconvénients en moins. Lorsque les consommateurs auront compris tout cela, ils deviendront complètement addicts. Mais il y a mieux. Lorsqu'ils auront compris que le cybermarché est le meilleur moyen de garantir la sécurité alimentaire parce que la chaîne du froid est vraiment respectée, et pas seulement sur les surgelés, ils auront une autre vision des courses en ligne. Un point crucial que la plupart des consommateurs ignorent, par exemple, c'est que la chaîne du froid n'est pas une exclusivité des surgelés et qu'elle s'applique à tous les produits frais. Saviez-vous ce qu'il se passe dans un pot de yoghourt frais resté plus d'une demi-heure dans votre coffre de voiture ? Des milliards de bactéries s'y développent aussitôt. Nous ne communiquons pas assez sur ce sujet, mais un jour viendra où les consommateurs trouveront tout aussi absurde de laisser un pot de crème fraîche une heure hors du frigo que de recongeler un produit décongelé. Alors, ils commenceront à comprendre l'intérêt d'un Telemarket qui les livre sans aucune rupture dans des cartons scellés, avec toutes les mesures d'hygiène et de sécurité garanties.

La sécurité alimentaire sera donc, pour vous, un levier marketing en 2006 ?

R. C : Elle en fait partie. Nous allons, par exemple, communiquer sur la fraîcheur de nos produits. Peu de nos clients savent, à l'heure actuelle, qu'un filet de bar n'est pas encore pêché au moment où il est commandé sur Telemarket. Et ça, c'est le résultat d'une politique d'absence de stocks. Le cybermarché, en réalité, c'est de la vente directe, en flux tendus. Mais il y a d'autres arguments… croustillants, côté hygiène. Saviez-vous qu'un fruit ou un légume acheté au supermarché a été touché, dans la même journée, par 35 personnes différentes en moyenne ? Il est évident que de tels arguments vont finir par avoir un impact sur les comportements du consommateur. De plus, en cas de contamination alimentaire, le cybermarché sait qui sont ses clients, qui a acheté quoi. Dans la récente affaire des steaks avariés, nous aurions pu, en un rien de temps, prévenir tous les clients qui les avaient achetés grâce aux bons de commandes. Alors voyez-vous, lorsque les clients seront bien conscients de tout cela, et que tous ces avantages, c'est pour le même prix qu'en magasin, ils finiront par se dire que les courses du samedi à l'hypermarché, c'était vraiment une absurdité.

Cependant, les frais de livraison demeurent un frein majeur pour de nombreux consommateurs. Comment envisagez-vous de le lever ?

R. C : Effectivement, communiquer sur la livraison à domicile n'est plus un argument clé. Dire au client que, s'il opte pour l'achat à distance, on va lui demander au minimum 15 euros mais, en contrepartie, on va le livrer au domicile, c'est une sorte de pléonasme parce que, de fait, nous sommes là pour ça. Alors, nous avons fait d'énormes progrès de ce côté, le but étant de rendre les frais de livraison plus transparents, donc plus digestes. Avant tout, nous avons expliqué au client qu'il ne peut pas prétendre à la gratuité de la livraison sans un minimum de commande. Chez Telemarket, ce minimum d'achat a été fixé à 165 euros. Mais c'était encore trop onéreux pour de nombreux clients qui ne peuvent pas stocker. Alors, nous avons lancé le carnet de livraison, de cinq ou dix tickets - ce dernier coûte 39,40 euros -, ce qui ramène les frais, que nous avons rebaptisés en “participation à la livraison”, à 3,94 euros la livraison. Bingo !

Le carnet de livraison comme arme de recrutement client ?

R. C : Précisément. Et nous allons commencer par les clients qui ont déjà commandé une fois chez Telemarket mais n'ont pas renouvelé depuis. Nous venons de mener une enquête auprès de ces ex-clients et la chose intéressante qui en émerge, c'est qu'ils se disent tous très satisfaits mais aucun d'entre eux ne sait dire pourquoi il n'a pas renouvelé. Or, ce que nous savons par ailleurs, c'est qu'il faut quatre commandes chez Telemarket pour rendre le client addict. D'où le carnet de cinq tickets, ou celui encore plus avantageux de dix tickets.

Comment le public réagit-il à toutes ces initiatives ?

R. C : En fait, on se rend compte que l'autre difficulté du cybermarché, c'est l'habitude qui oppose une résistance au changement. Chez Telemarket, 30 % des clients commandent encore par téléphone, catalogue à la main, et c'est déjà un pas de plus vers le on line. Mais la réussite du cybermarché dépend aussi de notre capacité à modifier ces habitudes de consommation, surtout lorsque l'alternative est bien plus avantageuse pour le client.

Et, côté politique de prix, quelle est aujourd'hui la position de Telemarket ?

R. C : Comme pour le reste, aujourd'hui c'est nettement plus avantageux en ligne qu'en magasin parce que les prix sont exactement les mêmes ou inférieurs. Et c'est bien normal puisque la centrale d'achat est la même pour pratiquement tout le monde. Et puis, grâce à notre chaîne logistique automatisée, nous avons pu considérablement réduire les coûts de préparation de commande et de livraison.

Quels sont les objectifs majeurs à atteindre en 2006 ?

R. C : Evidemment, il reste fort à faire pour atteindre le break heaven et je pense que ça ne sera pas possible avant 2007. En revanche, nous allons tout faire pour doubler le nombre, que je ne divulguerai pas, de commandes par rapport à 2005. La croissance est telle que nous pouvons espérer y parvenir.

Et côté offre, quelles seront les principales évolutions en 2006 ?

R. C : L'offre a déjà bien évolué. Aujourd'hui, nous vendons en ligne tout ce que vous trouvez dans le supermarché urbain, y compris les produits hors alimentaire comme des textiles pour la maison ou les accessoires déco, etc. Quant à l'offre pro, elle décolle en flèche mais nous n'avons rien à annoncer dans ce domaine, notre priorité en 2006, c'est le B to C.

Quel mix marketing on line va soutenir ces objectifs ?

R. C : Nous allons ajouter le lien promotionnel pour faire du recrutement et nous allons abandonner l'affiliation qui a donné de très mauvais résultats avec toute une chaîne d'acteurs qui se rémunéraient au clic sur notre dos. Pour le reste, l'e-mail demeure un support pratique et efficace, mais nous pouvons là aussi nous améliorer. Autres projets, un programme de fidélisation mais qui sera sûrement réalisé en interne et une nouvelle version de notre boutique qui ne tient plus la route. Des ajustements aussi côté logistique des produits frais. Enfin, nous venons de lancer une campagne de recrutement en affichage mobile avec un message puissant : Telemarket vous offre 55 euros de courses pour découvrir les courses en ligne. Toute l'astuce étant dans le découpage de ce bonus. Il correspond, en fait, à quatre commandes de 15 euros à peu près. Ce qui va obliger l'internaute à revenir quatre fois chez nous. Après quoi, j'en suis persuadé, il ne pourra plus s'en passer.

Telemarket est, désormais, indépendant du groupe Galeries Lafayette qui vous l'a cédé. Quels avantages, ou inconvénients, dans ce contexte ?

R. C : Nous sommes passés de la technostructure à la vraie start-up, et c'est un vrai avantage parce que nous allons beaucoup plus vite. C'est fondamental pour une structure telle que Telemarket, les idées n'attendent pas quand le moment est venu. En fait, ce qui a longtemps pénalisé l'alimentaire en ligne, c'est d'être né trop tôt. L'idée était bonne, mais avoir raison trop tôt, c'est avoir tort. De même, il ne sert à rien d'avoir de bonnes idées si on ne peut pas foncer quand l'heure est venue.

En conclusion, comment résumez-vous les fondamentaux spécifiques du supermarché en ligne qui marche ?

R. C : C'est un ensemble de règles et de savoir-faire e-commerce. La première : connaître les possibilités et les limites de la technologie sachant que la technique doit toujours précéder et jamais suivre. La deuxième, c'est l'avènement du client-roi, celui qui, depuis l'arrivée d'Internet ne se laisse plus berner et qu'il faut accompagner et non plus violer à coups de pub. La troisième : le e-commerce est le règne du one-to-one, et c'est là où le bât a blessé la grande distribution qui est un génie du mass market mais un nain du one-to-one. Le client en ligne est unique, il faut savoir traiter cette unicité.

Parcours

Né le 17 décembre 1966, à Strasbourg. Marié, deux enfants. 1988-1996 : Producteur TV. Jusqu'en 2002 : Fondateur et P-dg de Travelprice.com (e-tourisme). 2005 : P-dg de Telemarket.fr

Telemarket

1985 : lancement sur Minitel. 2002 : revente par LaSer à Galeries Lafayette. 2004 : revente par Galeries Lafayette à ses dirigeants et à trois investisseurs (Roland Coutas, AGF Private Equity, Cita Gestion). > Derniers CA communiqués : 40 ME en 2003 et en 2004. > 20 000 m2 d'entrepôts à Pantin. > Livraison entre 7 heures et 22 heures sur Paris et région parisienne.

 
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Nathalie Carmeni

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