Pas de big data sans confiance du consommateur
La 95e édition de la convention annuelle de la Direct Marketing Association, du 13 au 18 octobre à Las Vegas, était placée sous le signe du big data et de l'engagement client. A cette occasion, plusieurs orateurs ont expliqué que, pour eux, l'exploitation des données personnelles imposait aux marketeurs d'instaurer, en échange, une relation de confiance avec les consommateurs.
Je m'abonneBig data, big challenge... « Vous avez entre vos mains le pouvoir de transformer le monde... », a déclaré Linda Woolley aux marketeurs lors de l'ouverture de la convention annuelle de la Direct Marketing Association (DMA) à Las Vegas du 13 au 18 octobre. « Et comment vous y parvenez? a poursuivi la présidente par intérim et CEO de la DMA Vous collectez, utilisez et analysez la data. Vous anticipez les intentions d'achat des consommateurs en devinant ce que les clients et prospects veulent. » Au point même qu'un Américain a appris après le grand magasin Target que sa fille était enceinte. En analysant les derniers achats de l'adolescente, l'enseigne lui avait envoyé, par mail, des bons de réduction pour des vêtements et lits de bébé... « Est-ce que nous sommes allés trop loin? », s'est demandé Jordon Cohen, vice-président en charge du marketing de Moveable Ink, un prestataire de l'e-mail marketing. Le président de la Federal Trade Commission (FTC), Jon Leibowitz en semble convaincu. Et le Congrès mène actuellement deux enquêtes auprès d'entreprises comme Acxiom et Experian sur l'exploitation des données collectées. Pour contrecarrer ces critiques, la DMA a annoncé la création du Data-Driven Marketing Institute (DDMI), un organisme de lobbying destiné à démontrer à Washington les bénéfices du big data pour les consommateurs et plus généralement pour la croissance économique. Linda Woolley a insisté: « Nous utilisons ces informations pour donner aux consommateurs ce qu'ils veulent et attendent. » La patronne de la DMA a expliqué que lorsque les sollicitations commerciales sont ciblées, les consommateurs y répondent positivement. Cependant, Linda Woolley a admis que nous n'étions qu'au début de l'ère du big data, et que les entreprises cherchent encore à développer une relation personnelle avec des clients qui souhaitent être reconnus et récompensés pour leur fidélité.
Même sentiment du côté de Bryan Pearson, qui est intervenu lors d'une des «Thought leadership series». Le p-dg de LoyaltyOne, entreprise spécialisée dans la création et la gestion de programmes de fidélité, considère que les entreprises sous-exploitent les données collectées sur leurs clients et échouent à créer une expérience consommateur personnalisée. Résultat, 78 % des sondés n'ont pas l'impression qu'ils retirent un bénéfice du partage d'informations personnelles avec les marques, selon l'étude réalisée par sa compagnie LoyaltyOne
Interview...
« La réactivité des marketeurs a considérablement augmenté »
Linda Woolley, CEO de la Direct Marketing Association (DMA)
Pourquoi les marketeurs s'intéressent-ils aux réseaux sociaux?
Parce que les consommateurs y disent sans détour ce qu'ils aiment et ce qu'ils n'aiment pas. Auparavant, il fallait s'appuyer sur des données transactionnelles et démographiques pour deviner les centres d'intérêt de la population.
Les marketeurs sont donc très attentifs à ce qui se dit sur les plateformes communautaires et tiennent compte des avis postés. Leur intention n'est absolument pas de se mettre les consommateurs à dos...
Le big data était l'un des thèmes principaux de la convention DMA cette année. Quel est son apport au marketing?
Les consommateurs veulent être reconnus et récompensés pour leur fidélité. Le big data permet d'adresser au consommateur des messages pertinents au bon moment. Nous nous trouvons encore dans une phase de transition: toutes les données collectées ne sont pas utiles, tout n'est pas analysé comme il le faudrait et, d'une certaine manière, nous ne savons pas toujours quoi faire des résultats obtenus. Mais cela change très vite. Ces prochaines années, nous allons rapidement apprendre à mieux exploiter le big data...
Quels sont les freins à la mise en oeuvre d'un marketing en temps réel?
La réactivité des marketeurs a considérablement augmenté. Mais la généralisation du marketing en temps réel est freinée par la difficulté à calculer son ROI, même si la situation évolue. Par exemple, aujourd'hui, nous ne disposons pas de beaucoup d'outils de mesure pour calculer la valeur d'un tweet, d'un «retweet»... Les compagnies souhaitent utiliser ces nouvelles technologies mais elles veulent aussi des résultats quantifiables. Là aussi, nous sommes dans une phase de transition.
La Federal Trade Commission et le Congrès s'inquiètent de la collecte de ces données...
Il y a beaucoup de mauvaise foi quant à l'usage qui est fait de ces données. Par exemple, le président de la FTC, l'organisme qui régule notre activité, répète en permanence que ceux qui achètent des friteuses sur Internet ne pourront plus prendre d'assurance santé... C'est totalement fou, mais les gens entendent ce discours, le croient et prennent peur. Nous devons donc faire de la pédagogie auprès des consommateurs, du Congrès et des régulateurs. Il faut distinguer les données. Votre santé ou votre situation financière sont d'ordre privé. En revanche, savoir quelle voiture vous conduisez, si vous avez un chien, des enfants... Cela vous appartient, mais ce ne sont pas des informations privées: vos amis et vos voisins le savent.
Que fait la DMA pour rassurer les consommateurs?
Nous avons mis en oeuvre un programme appelé DMA Choice, qui leur permet de ne plus être démarchés, et un programme similaire pour le Web, About Ads: les consommateurs peuvent refuser de recevoir des publicités ciblées sur Internet. Nous considérons qu'ils ont le droit de connaître l'utilisation que l'on fait de leurs données. Et nous estimons qu'ils doivent pouvoir décider s'ils veulent ou non recevoir des messages commerciaux. Nous n'avons pas besoin du gouvernement pour nous dire ce qu'il faut faire...
Comment se porte le marketing direct aux Etats-Unis?
A merveille. C'est même l'un des rares secteurs d'activité qui progresse! Car les marketeurs sont totalement à l'écoute des demandes des clients: ils proposent aux consommateurs ce qu'ils veulent En réalité, c'est le marketing direct qui tire la croissance économique (voir ci-dessous). C'est pourquoi l'Union européenne devrait faire très attention: sa politique anti-cookies comme les projets de renforcement de la législation sur les données personnelles auront un effet négatif sur l'activité