Modification des dispositions européennes relatives à la vente à distance
Rarement une proposition de directive aura fait l'objet d'autant de débats et de réserves. Il faut reconnaître que son objectif initial était ambitieux: la révision de l'acquis communautaire en matière de droit de la consommation, soit quatre directives à réviser.
Je m'abonneInitialement, il s'agissait d'imposer une harmonisation maximale afin d'encourager le développement du commerce électronique au sein de l'Union européenne. Finalement, et au vu des réserves suscitées par la première version, le principe d'application uniforme a été revu. Deux modifications sont intervenues dans la proposition de directive européenne adoptée en mars 2011: le champ d'application du texte a été réduit à la vente à distance et la vente hors établissements commerciaux et, d'autre part, il retient une application ciblée du principe d'harmonisation maximale laissant aux Etats, sur certains aspects, la possibilité de maintenir ou d'adopter des règles nationales offrant un niveau plus élevé de protection des consommateurs.
Malgré ces modifications, le projet ne fait pas l'unanimité, notamment parmi les e-commerçants et leurs instances professionnelles. Ils dénoncent essentiellement les modifications portant sur les obligations de livrer dans toute l'Europe et de remboursement dans le cadre de l'exercice du droit de rétractation.
L'obligation de livraison
L'article 22 bis tel qu'issu de la proposition de directive amendée prévoit, qu'«en cas de contrat conclu à distance, le consommateur a le droit d'exiger du professionnel la livraison d'un bien ou d'une prestation d'un service dans un autre Etat européen [ ...]».
Les professionnels auraient ainsi une obligation de livrer les produits dans l'ensemble des Etats membres, ce qui impliquerait des coûts de livraison élevés et difficilement supportables pour les plus petites entreprises d'e-commerce. Cependant, il convient de remarquer que cet article semble devoir être lu à la lumière de l'article 11, paragraphe 2 bis de la proposition, qui prévoit que: «les sites internet commerciaux indiquent clairement et lisiblement sur leur page d'accueil s'il existe des restrictions, quelle qu'en soit la nature, y compris pour les moyens de paiement, concernant la livraison vers certains Etats membres».
En l'état actuel de la proposition, l'e-commerçant pourrait restreindre la livraison vers certains Etats membres, à condition d'en informer très clairement le consommateur sur la page d'accueil de son site. Par ailleurs, le consommateur aurait, afin d'éviter qu'il ne soit reproché au professionnel un refus de vente, le droit d'exiger la livraison dans les pays faisant partie des restrictions, sous réserve que la livraison soit techniquement possible, que le consommateur accepte de supporter l'ensemble des coûts et que le professionnel ait chiffré préalablement les coûts.
Le nouveau droit de rétractation
Si l'allongement de la durée du droit de rétractation à 14 jours et les modifications des modalités d'exercice ne suscitent pas tellement de remarques de la part des professionnels, en revanche, il en est autrement de l'obligation de remboursement. En effet, la proposition de directive prévoit que le professionnel doit rembourser tout paiement reçu, y compris les frais de livraison dans les 14 jours suivants l'avis de rétractation du client. Si le consommateur a expressément choisi un mode de livraison autre que la livraison standard, le professionnel ne devrait pas avoir à rembourser les frais supplémentaires occasionnés. Les principaux reproches concernant ces modifications sont qu'elles ne permettraient pas aux professionnels d'obtenir une garantie d'avoir reçu le bien retourné avant de rembourser, même s'il est prévu, qu'en matière de vente à distance de biens, le professionnel peut subordonner le remboursement à la condition que le consommateur ait fourni une preuve d'expédition des biens.
Enfin, ils dénoncent la disposition qui prévoit que le consommateur supporte uniquement les coûts directs engendrés par le renvoi des biens si le prix des biens est inférieur à 40 euros. Cette modification impose au professionnel de prendre à sa charge les coûts directs de retour si le prix du bien est supérieur à 40 euros, ce qui risque de s'avérer financièrement insupportable pour les petits e-commerçants. Ainsi, si globalement, la proposition de directive modifiée semble réaliser un équilibre entre protection du consommateur et défense des intérêts des professionnels, une surveillance particulière devra être effectuée, dans les prochains mois, sur les modifications dénoncées par les professionnels, pour permettre d'identifier quelles seront à terme les obligations finalement retenues.
Maître Céline Avignon, directrice du département publicité et marketing électroniques, cabinet Alain Bensoussan