Médiamétrie A la mesure du Web
Audience. Pour s'imposer, l'institut aura bataillé ferme. Face à d'ardents concurrents, dans un premier temps, puis, après l'e-crach, à un marché devenu hostile au nouveau média. Retour sur neuf années d'acharnement statistique pour développer Internet.
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Des chiffres et des statistiques, des courbes, flatteuses, de progression
de l'audience, des clés d'accès à la nature profonde des médias et des clés de
lecture du comportement du public face à ceux-ci. Médiamétrie, c'est un peu
tout cela. Mesure de la démesure, anticipation des révolutions et décryptage
des mutations. L'institut est sur tous les fronts avec, pour exigence, de
garder l'œil rivé sur l'audience. La venue d'un nouveau média pouvait-elle
échapper à ses fourches Caudines ? La réponse est dans l'histoire qui s'écrit
depuis bientôt dix ans autour du média le plus étonnant du siècle, le
“worldwideInternet”. Dès 1997, Médiamétrie porte une attention plus
particulière au nouveau venu, alors que la population des internautes est
encore embryonnaire. Un premier outil de mesure, Cybermonitor, voit le jour.
Son application : certifier la fréquentation des services en ligne. Plutôt
rares, à l'époque, lesdits services… et tout aussi rares les internautes. Il
faudra attendre 1999 pour, véritablement, exister sur le créneau de l'audience
Internet. C'est d'ailleurs à cette époque que Médiamétrie convertit son
Cybermonitor en Cybermétrie, un outil site centric qui permet, via l'apposition
de tags sur les pages, de comptabiliser les visites, le temps passé par page,
la provenance de l'internaute, etc.
Première mesure
Autant d'indicateurs qui, même imparfaits, ont pour mission de rendre compte de la pertinence d'un site web auprès de sa cible, de ses concurrents et, plus important pour les annonceurs, du comportement de ses visiteurs. Au cours de cette même année, l'institut publie, grâce à Cybermétrie, la toute première mesure collective du trafic de l'Internet hexagonal, une étude à laquelle participent exclusivement les sites adhérents en souscription payante. Le projet est ambitieux pour Médiamétrie qui vise à rassembler, avant 2000, près de 250 sites à son panel. Mais il peine à faire l'unanimité auprès des acteurs du Net. En cause, la fiabilité du système de marquage qui rend compte, presque essentiellement, des visites et des pages vues mais qui ne dit rien, ou trop peu, des visiteurs. Qui sont les internautes ? Quelle est la fréquence de renouvellement de leurs visites sur un site donné ? Et, mieux, comment ces données sont-elles confrontées à celles des sites concurrents ? Autant de questions primordiales pour les portails qui tentent, à l'époque, d'affirmer leur modèle sur une base publicitaire. Et le débat sur la fiabilité des données fournies par notre mesureur se corse lorsque, un an après le lancement de Cybermétrie, Wanadoo/Voilà optent pour la sortie de ce classement jugé insatisfaisant. C'est la deuxième crise de rejet après celle, plus radicale, de Yahoo ! qui, dès le lancement de Cybermétrie, avait refusé d'apparaître dans les résultats de la mesure collective.
Triumvirat concurrentiel
Bref, les premiers pas sur Internet ne sont pas vraiment une partie de plaisir pour Médiamétrie qui doit endosser, aux yeux du marché, la responsabilité des investissements publicitaires sur les portails dans un contexte où, par ailleurs, s'affrontent trois rivaux armés jusqu'aux dents. Face à Médiamétrie, s'opposent en effet Net Value et Jupiter MMXI. Un trio d'excellence dans la mesure d'audience, chacun des impétrants ayant pris soin de s'adjoindre les services d'un acteur d'envergure dans l'univers des études. Le premier, Net-Value, détenteur de l'outil de mesure d'audience NetMeter avait, dès 1999, noué une alliance avec l'institut d'études Taylor Nelson Sofres. Son but : disposer d'un panel d'utilisateurs d'Internet en co-gestion afin de pouvoir mesurer à la fois l'audience des sites et le comportement des internautes. Quant à Jupiter MMXI, cet acteur était né du rapprochement de l'institut d'études Jupiter Communication et de la société de mesure d'audience MediaMetrix. L'idée étant, ici encore, de combiner les savoir-faire respectifs pour mesurer le comportement des utilisateurs du Net. A ce triumvirat s'est ensuite ajouté un nouvel acteur dont l'appétit pour ce marché a tôt fait de régler le débat. Et de mettre un terme définitif à la bagarre pour le leadership.
Rapprochement stratégique
En janvier 2000, la mesure d'audience est dans tous ses états avec des sites qui n'en finissent plus de proliférer et, en toile de fond, la bataille qui fait rage pour la mesure de tout ce qui bouge en ligne. C'est alors que Médiamétrie crée la surprise en annonçant son rapprochement avec ACNielsen-eRatings.com (joint-venture créé par ACNielsen Corp. et NetRatings Inc.) et NetRatings, pointure américaine de la mesure d'audience par panel. Qui souhaitait s'introduire en France pour y déployer sa propre méthodologie sous la marque Nielsen//NetRatings. De cet accord émane une nouvelle entité, Médiamétrie eRatings détenue à 50 % par Médiamétrie, NetRatings (30 %) et ACNielsen eRatings.com (20 %). De quoi donner du fil à retordre à MMXI et Net-Value. De fait, Médiamétrie est propulsé numéro 3 en France de la mesure d'audience par panel. Et numéro 1 de l'ambition, le but de ce partenariat étant de couvrir le marché de l'audience de 90 % des internautes à travers le monde. Tout cela, en un an à peine !
Monopole
A sa décharge, il faut dire que l'oncle d'Amérique ne manque pas d'atouts, avec ses technologies de mesure qui prennent en compte le nombre de sessions, le temps passé en ligne, le comptage des bannières vues, etc. Une étape clé dans la compréhension du média est ainsi franchie avec, pour premier effet, le déploiement d'un panel de 6 000 internautes au domicile suivi par le lancement du premier panel d'internautes mesurés sur le lieu de travail. Ensuite, tout s'accélère pour Médiamétrie. 2001 est ponctuée d'événements marquants : un Comité Internet est créé, les Baromètres des équipements multimédias et des usages voient le jour et l'année se scelle par le rachat de Jupiter MMXI par NetRatings. Un premier concurrent est ainsi neutralisé. Le deuxième, resté seul face au géant Médiamétrie-eRatings, a ses jours comptés jusqu'en septembre 2002, date qui coïncide avec la reprise de Net-Value par NetRatings. Montant de l'opération : plus de 18 millions d'euros. Pas cher payé si l'on considère que cette acquisition offre à NetRatings le monopole, en Europe, de la mesure d'audience Internet. Bingo pour Médiamétrie qui, affranchi de ces guéguerres inter-concurrentielles, amorce le développement d'une batterie d'outils précieux pour l'évolution du média. On passe ainsi de trois classements d'audience à un seul. Une nouvelle bien accueillie par le marché qui entrevoit dans ce monopole un gage de clarté et de fiabilité dans la mesure d'Internet.
Stoïcisme
Année de la déconfiture et des lendemains qui déchantent, 2003 reste pourtant placée sous le signe de l'innovation et du progrès chez Médiamétrie. Internet n'intéresse plus personne ? Qu'à cela ne tienne pour l'institut qui, stoïque, poursuit sans relâche sa réflexion sur l'analyse du média. Le plus significatif de ses questionnements : l'éternel débat entre mesure site centric (à partir du site) et user centric (à partir de l'utilisateur). La question sera réglée par la fusion des deux approches au sein d'une nouvelle structure, Médiamétrie-eStat, née du rapprochement entre Médiamétrie et eStat, société spécialiste de la mesure site centric. Principale émanation mutualisée : le lancement d'un classement des sites web CybereStat, qui se substitue à celui de Cybermétrie. On inaugure aussi, dans la foulée, le lancement des premiers fichiers de médiaplanning qui vont contribuer, et non peu, à associer Internet aux plans médias des annonceurs. Puis, en 2004, l'institut scrute tout ce qui touche au consommateur en ligne, à ses comportements d'achat, son profil, sa confiance dans l'e-commerce…
Vers le Web 2.0
Des chiffres clés pour le marché qui dispose, depuis 2004, d'une nouvelle étude très complète sur ces questions. Cette année-là est aussi celle de la consécration d'Internet en tant que canal marchand. D'où un partenariat avec l'institut d'études GfK pour la mise en place d'un baromètre récurrent sur les équipements multimédia, qui fait référence sur le secteur des produits high-tech. Arrive 2005, année explosive pour Internet qui compte désormais 24 millions d'utilisateurs en France, dont près de la moitié ont déjà acheté en ligne. Convaincre le marché de l'efficacité de ce média est un chantier désormais achevé. Il est temps de passer à la vitesse supérieure. Et d'élargir le champ de l'analyse. En ligne de mire, tous les supports numériques dont le plus prometteur, le téléphone mobile, fait l'objet d'une étude de référence renforcée. A venir, aussi, des études sur tous les usages numériques, le pod-cast, le blog, le streaming, la VOD, la télévision interactive… qui consacrent l'avènement du Web 2.0. Une nouvelle ère pour les utilisateurs, une nouvelle aventure pour le mesureur.
1997
Lancement de Cybermonitor
1999
Cybermétrie mesure le trafic d'Internet. 3,9 millions d'internautes en fin d'année en France.
2000
Joint-venture Médiamétrie - NetRatings. 6,5 millions d'internautes en France.
2001
La mesure de l'audience s'élargit au lieu de travail. Rachat de Jupiter MMXI par NetRatings. 13,8 millions d'internautes en France.
2002
Rachat de NetValue. 18,1 millions d'internautes en France. 5,4 millions d'e-acheteurs.
2003
Création de Médiamétrie-eStat. Lancement de CybereStat. 21,8 millions d'Internautes en France. 8,3 millions d'e-acheteurs.
2004
Lancement de l'étude “Les 30 Chiffres Clés de l'Internet”. 23,7 millions d'internautes en France. 10,6 millions d'e-acheteurs.
2005
Lancement d'un baromètre avec GfK. 26,2 millions d'internautes en France. 13,4 millions d'e-acheteurs
2006
Passage au Web 2.0. La mesure s'élargira aux flux RSS, blogs, podcasts… En attendant la convergence médias.
Interview François-Xavier Husser > Directeur du département Nouveaux Médias de Médiamétrie « 2006 sera l'année de l'aggrégation des contenus »
Vous venez d'annoncer l'avènement du Web 2.0. De quoi s'agit-il ?
On rentre à nouveau dans une bulle. Mais cette fois-ci, les fondamentaux sont bons. Plus sérieusement, le Web 2.0, c'est la deuxième révolution d'Internet. Celle où l'internaute, grâce à une conjonction de technologies, devient acteur de la production des contenus en ligne. Il est, de fait, contributeur de ce qu'il consomme sur ce média.
Comment avez-vous perçu ce basculement vers le 2.0 ?
Il n'y a qu'à regarder la plus forte progression de l'année : celle de Wikipedia, une encyclopédie en ligne un peu particulière puisqu'elle s'enrichit des connaissances des utilisateurs. Nous sommes passés d'une époque où l'on comptabilisait l'internaute en fonction de la page vue à une ère où la page est sans cesse réassemblée par l'internaute qui la consulte.
Ces réassemblages ne vont-ils pas compliquer la mesure du média ? Du coup, que doit-on mesurer et pour quoi faire ?
La mesure doit suivre le mode de consommation média du public et nous, nous nous sommes adaptés à ce nouveau contexte. En renforçant nos panels : celui des internautes au travail est passé de 600 à 1 400 utilisateurs, tandis que le panel au domicile atteint 6 500 internautes. En avril, nous lancerons un nouvel outil de mesure qui combine site centric et panel, ainsi qu'un nouvel outil de médiaplanning basé sur des fichiers plus performants, basés sur un nouveau découpage des cibles sociodémographiques. Il y en a 200 au total.
Qu'est-ce qui, à votre avis, marquera l'année 2006 ?
Jusqu'en 2005, il a fallu pousser les services en ligne mais, à présent, nous allons assister à la montée en puissance des usages collaboratifs qui va entraîner celle des contenus. 2006 sera l'année de l'agrégation de ces contenus, et c'est l'étape qui précède l'ère de la convergence des médias. Tout cela étant impulsé par les technologies de flux RSS, de streaming audio et vidéo, les podcasts, etc. Nos clients nous demandent déjà de mesurer ces flux et, d'ici deux mois, nous en livrerons les premiers classements, à commencer par les blogs.