Le son et l'image à la recherche de nouveaux modes de distribution
Des ex-start-up à la grande distribution en passant par des discounters, les produits bruns séduisent le commerce électronique. Mais ce nouveau marché est-il extensible à l'infini ?
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Le matériel télé, hi-fi et vidéo commence à peser son poids dans les ventes
sur le Web. Selon le cabinet Jupiter/MMXI, la Fnac est devenue cet été le
premier site français en audience, devançant même le leader européen Amazon. Ce
qui s'accompagne par une hausse des ventes de CD et de livres, mais aussi de
l'électronique grand public. Mais attention, ce nouveau marché n'est pas
dépourvu de pièges et pose un grand nombre de questions. Comment se montrer
compétitif avec les produits sur lesquels la grande distribution traditionnelle
pratique une politique commerciale agressive épaulée par des prix écrasés par
les grandes centrales d'achat ? Comment négocier les prix d'achat quand on ne
peut pas s'engager sur des volumes importants ? Comment séduire le
consommateur, déjà habitué à un niveau de services élevé y compris pour la
livraison et la garantie avec des techniciens qui viennent à domicile ? De
nouvelles stratégies naissent et parfois disparaissent. Parmi les enseignes
traditionnelles, Fnac, Darty, Boulanger et Cora sont présents sur le Web.
Carrefour a évoqué la possibilité de fermer son site spécialisé Multimédia qui
propose du "brun", pour regrouper l'ensemble des ventes sur le portail Ooshop,
voire de le transformer en un site de consultation à l'attention des vendeurs.
Grandes enseignes traditionnelles et nouveaux acteurs, chacun y va de sa
recette : gamme élargie ou prix discount, livraison sur rendez-vous ou service
minimum... « J'ai toujours cru que la télé et la hi-fi allaient marcher sur le
Web, affirme William Benmaor, un ancien de la Serap et aujourd'hui P-dg de
PlaneteDiscount. Nous en vendons depuis 1999. La télé et la hi-fi représentent
environ 30 % de nos ventes, derrière l'informatique. » Pour approcher le marché
de la télé-hifi-vidéo, PlaneteDiscount a dû adopter une approche
d'approvisionnement différente de celle pratiquée sur le marché du matériel
informatique, traditionnellement géré par des grossistes. « Pour la télévision,
nous nous adressons directement aux fabricants et aux constructeurs. Pour
acheter une imprimante Canon, vous allez chez un grossiste, mais pour un
caméscope Canon, par exemple, il faut appeler Canon. » Au lieu d'avoir affaire
à un grossiste qui gère tout, il faut pratiquer une approche multiconstructeur.
Ce qui présente quelques difficultés de gestion. Chez PlaneteDiscount, deux
cellules d'achat distinctes se chargent respectivement des grossistes et des
constructeurs. « Nous n'avons pas voulu passer par un grossiste pour la télé et
la hi-fi. C'est trop dangereux car nous risquerions de nous retrouver en
position de concurrence », confie William Benmaor. Dans l'entrepôt du site,
quatre personnes préparent environ trente commandes par jour. Les colis sont
plus gros que la moyenne car les postes de télévision deviennent de plus en
plus volumineux. Il n'est donc plus possible de passer par La Poste avec
Colissimo. Les sites doivent faire appel à des spécialistes comme Calberson ou
TAT. « Par ce côté, nous sommes très proches de la problématique du marché
classique des ventes à distance », estime William Benmaor. Pour se faire livrer
une grosse télévision, le client s'acquitte d'un forfait de 100 francs. « Nous
perdons de l'argent là-dessus. Heureusement, les marges sur la TV et hi-fi sont
meilleures que sur l'informatique. » Côté garantie, l'entreprise pense proposer
un système d'extension à la fin de l'année car il y aura alors une obligation
européenne de proposer une garantie de deux ans. « Nous attendons que cette
obligation soit étendue à la France pour déterminer les options de garantie que
nous allons proposer au-delà des deux années légales », poursuit William
Benmaor. PlaneteDiscount est également en train d'introduire un système de
gestion sans ressaisie. Une fois rentrées dans le formulaire sur le site, les
coordonnées de l'internaute vont alimenter automatiquement le bon de commande
pour le fournisseur, le bon de livraison et la facture. L'objectif est
d'arriver à un taux d'erreurs égal à zéro. Pour pénétrer le marché image-son,
verrouillé par les grandes enseignes, PlaneteDiscount a développé un
positionnement particulier. « Nous ne dérangeons pas les grandes enseignes,
donc on nous laisse tranquille pour la politique des prix, explique William
Benmaor. Sur le Web, on fait moins d'achats d'impulsion que dans un magasin
traditionnel car il y a toujours un temps de livraison. Donc, l'approche du
client n'est pas la même. Nous visons plutôt les grandes marques et les
nouveaux produits. Nous avons un circuit plus rapide pour les nouveautés que la
distribution traditionnelle. Cela nous laisse en moyenne quinze à trente jours
d'avance sur les autres. Parfois, cela permet de bénéficier de super prix au
lancement ou sur une fin de série. » Il y a aussi un autre avantage d'Internet
: le site est "élastique". « Je me souviens que, quand j'avais des magasins, le
fournisseur venait me voir avant Noël pour ajouter quelques nouveaux produits,
et je lui répondais "Dis-moi quels produits je dois sortir pour caser ceux-là,
sinon aide-moi à pousser les murs !" Et bien, sur le Web, ajouter quelques
pages avec des fiches-produits ne coûte rien. On peut effectivement repousser
les murs ! »
Marcopoly joue l'exhaustivité
Chez
Marcopoly, les produits bruns représentent environ un tiers des références mais
seulement un quart des volumes, derrière l'informatique et le blanc. « Notre
particularité, c'est de ne pas avoir de segmentation de l'offre, explique
Stéphane Cantin, directeur marketing chez Marcopoly. Nous recherchons plutôt
l'exhaustivité et proposons aussi bien du Goldstar et du Samsung que du Pioneer
et du Cabasse. Nous ne voulons pas choisir les gammes de prix à la place du
client. » Le marché est très centralisé autour des grandes marques ce qui rend
la négociation parfois difficile, et Stéphane Cantin de constater : « Nous
avons réussi à imposer aux fournisseurs la livraison à l'unité, et cela n'a pas
été facile. Nous vendons au même prix que les distributeurs traditionnels ou la
Fnac, pas au prix d'un discounter. L'exhaustivité est notre argument principal
et nous pouvons offrir aussi des produits rares, avec un design exceptionnel. »
Pour les services, Stéphane Cantin affirme s'inspirer de ceux proposés par
Darty ou Boulanger : une garantie de deux ans, une livraison sur rendez-vous,
etc. « Mais pour les prix, nous ne ressemblons à personne, affirme-t-il. En
fait, chez nous, il n'y a pas de liste de produits - elle serait trop longue à
afficher -, mais un moteur de requête. La gamme de produits est générée pour
chaque client de façon individuelle, en fonction de sa demande qui peut aller
jusqu'à une vingtaine de critères. En nombre de références, nous sommes
certainement plus riches que Darty. Nous avons l'exhaustivité d'un grossiste,
avec une amplitude de rapports fonction-prix très large. » Marcopoly négocie
les prix d'achat sans faire de stocks, uniquement sur la base des prévisions de
ventes, marque par marque et grande famille par grande famille. Il y a aussi
les négociations des "bons plans", par exemple un modèle qui a été fabriqué
mais qui n'a pas plu à la grande distribution... Chaque achat génère un bon de
commande destiné aux fabricants qui livrent alors le produit à l'une des
dix-huit plates-formes d'éclatement et de livraison. Ces plates-formes sont
sous-traitées par ABX (ex-Dubois). Elles servent le plus souvent de zone de
transit car il y a peu de stocks tampons. « Les produits bruns sont des
produits anxiogènes aussi bien pour le client que pour le vendeur, analyse
Stéphane Cantin. Ils sont coûteux à livrer, fragiles, lourds et pas chers. Une
mini-chaîne à 1 000 francs ou une télé de 36 cm sont épouvantables à livrer,
même si les livraisons en dessous de 1 500 francs d'achat sont payantes, avec
un forfait de 59 francs. A l'autre bout de l'échelle, il y a des
micro-caméscopes de chez Sony, à 24 000 francs pièce. Ces produits sont
tellement petits qu'ils se perdent, se volent, etc. » Stéphane Cantin admet
perdre toujours de l'argent sur la livraison. « Mais moins que quand la
livraison était gratuite ! », ajoute-t-il. L'installation et les réglages sont
proposés en options payantes. Le service après-vente fait appel à plusieurs
partenaires, en tout plus de 300 stations techniques agréées par les marques
correspondantes. La population des clients de Marcopoly est assez hétérogène :
la moitié des clients réside dans la région parisienne, le reste est plutôt
rural. « Nous avons moins d'attrait dans les villes de taille moyenne, là où
une surface spécialisée se trouve à cinq minutes en voiture, explique Stéphane
Cantin. En revanche à la campagne les clients apprécient les avantages de notre
offre. » A Paris et en région parisienne, le site touche une population
sensible à l'argument de ne pas se déplacer. Travailler avec une clientèle qui
ne veut pas se déplacer est un avantage. Mais aussi une contrainte forte,
estime Stéphane Cantin : « Avec cette population, je n'ai pas le droit de me
tromper. Le client a fait l'effort de chercher le produit qu'il lui faut sur
Internet. Il a pris le risque de payer par carte bancaire. La suite est à ma
charge. »
Darty, l'incontournable
L'un des leaders
nationaux de la distribution dans le son et l'image avec ses 184 points de
vente "en dur", Darty, ne pouvait échapper à la vague du commerce électronique.
Son choix s'est porté vers une structure sans identité juridique autonome. «
Nous n'avons pas voulu créer une société juridiquement autonome pour le
commerce électronique, mais plutôt intégrer cette activité dans les ventes à
distance, explique Guy Lavaud, directeur marketing de Darty. Notre enseigne est
structurée en sept sociétés régionales. Nous n'avons pas voulu en ajouter une
huitième. Ce site n'est pas un magasin, c'est un mode d'accès. » Le site a été
inclus dans le service de ventes à distance. Son équipe comprend aussi un
centre d'appels pour le service après-vente. Pour la seule région d'Ile-de-
France, le centre reçoit jusqu'à 7 000 appels journaliers. Le site internet a
d'abord fonctionné de manière institutionnelle pendant dix-huit mois. Cette
période a servi de test. Ensuite, le distributeur a progressivement enrichi le
site avec toutes ses gammes. Aujourd'hui, on y trouve l'intégralité des
produits disponibles en magasin. Les services sont aussi ceux des magasins,
notamment le "Contrat de confiance", la livraison, etc. Le site a été réalisé
par le service informatique interne. Un studio photos a même été créé pour
alimenter le site avec les images des produits indépendamment des images
catalogue proposées par les fournisseurs. Le site Darty.com n'a pas de stock
propre. La livraison se fait à partir des entrepôts régionaux. Un choix qui a
permis de minimiser les budgets. « Ce n'est pas difficile d'ouvrir un site de
commerce électronique quand vous avez déjà les entrepôts, la flotte de camions,
sans oublier les 1 200 camionnettes destinées au service après-vente, admet Guy
Lavaud. Dans ces conditions, le coût du site devient marginal. » Pourquoi un
tel choix ? Chez Darty, on parle du concept des ventes alternées. Un jour le
consommateur achète sur Internet, le lendemain il ira dans le magasin. Mais,
dans le fond, il s'agit davantage de drainer plus de clients vers les magasins
traditionnels tout en leur permettant de connaître à l'avance la gamme
disponible. Cette approche a du succès. On constate chez le distributeur
l'apparition de nouveaux modes d'achat "préparé". Le client consulte le site
dans la semaine, à l'heure de son choix, et profite du samedi pour venir
acheter le produit désiré dans un des magasins Darty, souvent accompagné d'un
"décisionnaire" ou "bailleur de fonds". On peut d'ailleurs remarquer que
d'autres distributeurs pratiquent sensiblement la même approche de catalogue
avant-vente. Boulanger, par exemple, présente ses nouvelles gammes, prix
compris, avec une mention "A retrouver dans vos magasins". Les restrictions de
publicité audiovisuelle pour les sites de la grande distribution sont-elles
pénalisantes pour Darty.com ? « Cette interdiction est logique, une marque est
une marque, juge Guy Lavaud. Sinon, nous aurions pu communiquer sur Darty.com
mais pas sur Darty lui-même - cette distinction n'aurait eu aucun fondement.
Bien sûr, nous aurions pu utiliser un autre nom pour le site et ainsi accéder à
la publicité audiovisuelle. Mais dans ce cas, nous aurions sacrifié la
notoriété de la marque. D'ailleurs, je pense que des campagnes de publicité sur
la télévision nationale sont aujourd'hui inutiles car le taux d'équipement
internet est encore faible. » Le site profite de la "signature" du distributeur
accrochée à la météo et d'une communication plus ciblée sur la chaîne RTL 9
qui, de par son origine, échappe à la législation française.
Houra élargit ses gammes avec le brun
Les enseignes spécialisées ne sont
pas les seules de la grande distribution à proposer du brun sur le Web. Chez
Houra, un site avec un profil essentiellement alimentaire, la télé et le home
cinéma représentent désormais un élargissement du panier moyen. « Nous ne
recherchons pas la conquête ni des superpromotions, explique Pierre Bouriez,
P-dg de Houra.fr. La part des produits non-alimentaires est chez nous plus
faible que dans les magasins traditionnels. Mais il faut remarquer que nous ne
proposons pas les mêmes gammes que Cora. Et qu'à l'intérieur de l'univers
non-alimentaire de Houra, le brun occupe une place plus importante que dans le
non-alimentaire chez Cora. Il y a une explication à cela, ce sont des produits
encombrants et pour nos clients, il est toujours plus facile de se les faire
livrer que d'aller les acheter dans une grande surface. D'autant plus que le
consommateur se sent plus à l'aise à la maison pour faire des comparatifs entre
les marques. » Les services de Houra.fr comprennent environ 200 personnes plus
un centre d'appels de trente postes sous-traités. L'entreprise achète les
produits aux conditions de la centrale Cora, pour les stocker dans un entrepôt
à part : 65 000 références alimentaires et non alimentaires. Une part vient de
la plate-forme d'éclatement de l'enseigne. Il y a aussi des produits qui ne
sont pas référencés chez Cora. Les produits au format standard pesant moins de
trente kilos sont livrés avec les paniers alimentaires, les spaghetti et les
packs d'eau, par seize transporteurs - un par ville principale. La livraison
est facturée au forfait, à 67 francs. Mais le home cinéma qui pèse 150 kg,
demande un transport particulier et des services en plus, notamment le réglage.
De ce côté-là, il y a moins d'offres de transporteurs. Alors, chez Houra, on se
dit orienté vers les télés qui se règlent toutes seules. Le paiement se fait
sur le site par carte bancaire avec un protocole de sécurisation SSL ou bien
par téléphone, toujours avec la carte de crédit. Houra n'accepte ni les chèques
ni le paiement à la livraison. Le service après-vente n'est pas le même que
chez Cora. Le site fait appel à un sous-traitant, en fait un groupement de
réparateurs. La réalisation de la garantie impose quelques contraintes quant
aux choix des produits. Il faut être vigilant avec les produits d'appel car,
par exemple, les lecteurs DVD premier prix ont la particularité de solliciter
davantage le réseau après-vente. "Nous aimerions développer les produits haut
de gamme, mais il faut assurer la rotation des stocks, confie Pierre Bouriez.
Par exemple, des télés à 15 000 ou 20 000 francs. Nous en vendons quelques
dizaines et nous avons toujours peur quand il faut les faire rentrer. » Les
accessoires se vendent bien sur le site, plus souvent en complément d'un panier
de produits qu'avec un équipement. Les marges sur les accessoires sont plus
intéressantes que sur les grosses pièces et ils présentent moins de contraintes
logistiques. Les sites de la grande distribution pratiquent-ils entre eux la
même approche agressive que les enseignes d'origine ? « A mon avis, nous ne
prenons pas de clients à Darty.com, mais plutôt à ceux de la distribution
traditionnelle, des autres enseignes de grandes surfaces, répond Pierre
Bouriez. Nous visons les clients qui ne veulent pas passer par le magasin pour
choisir. Quand je compare Houra à la plupart des distributeurs, je me dis que
nous sommes quasiment le seul hypermarché face à une multitude de supermarchés.
Les autres ne développent pas le non-alimentaire. Mais nous, on y croit ! »
Rueducommerce négocie à l'étranger
Les entreprises
axées uniquement sur Internet prennent au sérieux la présence des grandes
surfaces. « Le marché du son et de l'image est dominé par des enseignes qui
argumentent sur le choix, le prix et les services, analyse Pascal Chabret,
directeur des marchés chez Rueducommerce. Face aux concurrents, nous cultivons
un positionnement qualitatif, en proposant le milieu et le haut de gamme. Ce
qui présente beaucoup de références - nous en avons plus de 500 en télé, vidéo,
hi-fi et DVD. La grande distribution ne peut pas se permettre de proposer un
tel nombre de références, et elle n'aura même pas la place pour les exposer.
Or, sur Internet, la place dans la vitrine ne pose aucun problème. Notre gamme
de brun est en ligne depuis dix mois, et participe déjà à 15 % ou 20 % du
chiffre d'affaires. Nous nous adressons à une population masculine d'experts.
Notre argumentaire commercial est aussi basé sur les prix, 15 % à 20 %
inférieurs au prix moyen. C'est compétitif. » Rueducommerce négocie directement
avec les grandes marques et parfois avec des grossistes pour des opportunités
ponctuelles. Pour maîtriser ses prix, le site multiplie les approches. « Quand
on travaille sur de faibles volumes, il est parfois plus intéressant d'acheter
ailleurs qu'en France », estime le directeur des marchés. Par exemple, en
Allemagne cela pose quelques problèmes de garanties, même si, de plus en plus
souvent, les marques offrent une garantie mondiale. Il faut aussi être vigilant
quant à l'origine des produits et à leur francisation, notamment la traduction
des modes d'emploi. Souvent, les acheteurs se servent des offres dénichées
ailleurs pour faire pression sur leurs fournisseurs habituels. « Nous demandons
à la filiale française de faire le même prix qu'ailleurs, admet Pascal Chabret.
Cela fonctionne, mais pas à tous les coups. » Les produits son et image ont
exigé une logistique particulière. Les grossistes en brun évitent de stocker
des produits trop longtemps. Ils proposent des lots, à prendre et à emporter.
Et pour la livraison des postes télé, il a fallu trouver des transporteurs avec
deux livreurs par camion. Aujourd'hui, Rueducommerce fait appel à un
prestataire logistique avec une équipe dédiée au e-commerce. Pour la livraison
en vingt-quatre heures l'entreprise s'adresse à UPS, à Colissimo, etc. La
livraison est payante en fonction du poids. La garantie est assurée par un
partenaire avec un réseau de 350 stations techniques réparties sur l'Hexagone
et une hot line ouverte sept jours sur sept. Rueducommerce cherche désormais à
développer l'axe des services. « Nous travaillons sur une option de garantie
étendue à cinq ans, pour moins de 1 000 francs, confie Pascal Chabret. Nous
proposons déjà des crédits en partenariat avec Cetelem, des paiements en
plusieurs fois sans frais ou bien des paiements reportés, un peu les mêmes
options que celles proposées par Darty et d'autres. Nous allons développer le
déstockage, la vente des produits dégriffés, ceux d'exposition ou de deuxième
main en provenance des services après-vente. » Un élargissement des ventes à la
Belgique et au Luxembourg est aussi en cours de test. Le site lui-même subit
des améliorations, avec l'intégration des ventes croisées pour les accessoires
et les services. Il s'agit de créer des associations automatiques dans les
fiches produits, par exemple de proposer des câbles et des cordons adaptés pour
chaque ensemble de home cinéma. Dans cette optique, le client passera
obligatoirement par une succession de pages générées automatiquement, avec des
options, des accessoires et aussi des services payants, avant d'arriver sur la
page de paiement. Le marché de l'image et du son séduit même les spécialistes
du déstockage comme Mistergooddeal. Ce site se définit comme un dépôt-vente
pour le compte des fournisseurs. Ses stocks proviennent à 70 % des fabricants
et pour le reste des distributeurs. Sa seule contrainte est de ne jamais vendre
les derniers modèles et de déterminer les prix avec le fournisseur concerné.
Les discounteurs se mettent aussi au brun
Sur ses mille
références et dix mille articles, Pierre de Roüalle, P-dg de l'entreprise,
compte près de deux cents références pour la télé, vidéo et hi-fi. Quant au
nombre d'articles, dans le son et l'image la moyenne est entre dix et vingt
produits par référence. Mais il lui arrive de n'avoir qu'un seul exemplaire,
matériel d'exposition du distributeur. Sur un chiffre d'affaires de 50 millions
de francs prévu pour 2001, un quart reviendrait au son et image, à égalité avec
l'électroménager et l'informatique. Son panier moyen est estimé aux alentours
de 1 500 francs. Selon Pierre de Roüalle, près de 95 % des produits bénéficient
d'une garantie constructeur de douze mois, plus d'une extension de la garantie
jusqu'à deux ans pour 50 à 200 F. Cette extension est assurée par la Société
française de garantie. Environ 60 % du nombre des transactions sont réalisées
par carte bancaire. Le site accepte aussi les cartes d'enseignes - Fnac,
Printemps, Kangourou. On peut aussi payer par chèque ou par La Poste au moment
de la commande. Signe d'une clientèle particulièrement sensible au discount,
pas mal de consommateurs viennent enlever eux-mêmes leurs achats, à l'entrepôt
de l'Hay les Roses. « Près de la moitié de nos consommateurs habitent en région
parisienne. L'enlèvement ne leur pose pas de problème », explique Pierre de
Roüalle. On peut supposer que la proximité géographique n'est pas le seul
critère. La livraison par transporteur coûte entre 20 et 390 francs. « C'est le
prix coûtant, nous ne cherchons pas à faire de la marge de ce côté,
poursuit-il. Et, parfois, la livraison nous cause des pertes, lorsqu'il y a un
retour à l'entrepôt. » N'empêche que le coût de la livraison réduit la valeur
du discount, principal attrait et argument commercial du site. Détail
intéressant : à l'entrepôt, on enregistre chaque jour de nombreux paiements en
liquide. Pierre de Roüalle remarque que le Web lui permet d'affirmer sa
position de discounter pour les produits hi-fi et vidéo des marques connues : «
Je suis convaincu que les gens passent par des circuits traditionnels pour
comparer ou apprécier le taux de discount. D'autres se servent probablement des
comparateurs des prix sur Internet. Ce qui est d'ailleurs très simple car
aujourd'hui, vous n'avez même pas besoin d'un site comparateur particulier - il
suffit d'aller, par exemple, sur Darty.com et vous avez les prix de la
distribution. » L'analyse de ces exemples de distribution des produits bruns
sur le Web fait ressortir plusieurs indications. Les produits son et image de
grandes marques sont toujours plus faciles à vendre que les autres car la
notoriété des produits est déjà faite. La distribution du brun n'est pas
uniforme, plusieurs profils de vente coexistent plus ou moins pacifiquement. Il
existe manifestement une niche à exploiter, celle des produits exceptionnels ou
rares que la grande distribution ne peut pas intégrer dans ses gammes faute de
place dans les magasins. Ces produits s'adressent essentiellement à un public
de connaisseurs à la recherche d'une référence particulière. Ces clients ont
moins besoin d'être rassurés que la moyenne des internautes. Ensuite, une
partie de la grande distribution traditionnelle a trouvé sur le Web un
excellent moyen de communication avant-vente, avec des catalogues complets pour
préparer son achat en magasin. Malgré tout, de nombreux distributeurs boudent
pour l'instant les produits bruns sur leurs sites. Un troisième créneau est
occupé par des entreprises issues des start-up, qui proposent des gammes plus
ou moins standards. Celles-là visent des clients urbains pressés ou des ruraux,
qui n'ont pas envie de se déplacer en magasin. Ce public est sensible aux
services offerts qui ne doivent jamais être inférieurs à ceux de la grande
distribution. Mais l'argument principal pour séduire cette clientèle se trouve
dans la rapidité et la fiabilité de la livraison. D'où l'importance des
circuits logistiques à mettre en oeuvre.