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Le recrutement en ligne ne connaît pas la crise

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Le recrutement en ligne ne connaît pas la crise

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Non, Internet ne supprime pas le procédé de recrutement classique et humain. Mais il raccourcit sensiblement les distances entre le recruteur et le candidat. Les premiers sites web dédiés à l'emploi sont apparus en 1996. En cinq ans, ce métier a évolué de manière importante. Les conseillers en recrutement ne s'y sont pas trompés, qui ne négligent désormais aucun site dans leur "chasse aux têtes". Les entreprises intègrent de plus en plus une diffusion des annonces sur les sites d'emploi dans leur politique de communication sur le recrutement. A ce jeu, les directeurs des ressources humaines sont souvent plus ouverts et aussi plus compétents que les agences qui gèrent leur communication. Ce qui change quelque peu les circuits de décision. Enfin, les salariés dans beaucoup d'entreprises ont compris qu'il valait mieux devenir internaute si l'on voulait donner un coup de pouce à sa carrière. Les tests d'évaluation du salaire font partie des rubriques les plus consultées des sites emploi. Cette image idyllique peut pourtant se révéler un trompe-l'oeil. L'an dernier, le budget de recrutement des entreprises françaises s'élevait à 1,3 milliard d'euros, dont 26 millions pour le recrutement en ligne. C'est-à-dire une part marginale en volume. L'Apec vient d'ailleurs d'établir un constat amusant : 82 % des entreprises françaises considèrent Internet comme un outil de recrutement aussi, sinon plus, efficace que les moyens traditionnels. Mais elles ne sont que 30 % à l'utiliser dans ce but ! C'est une image réaliste des patrons français face au Net : ignorants et optimistes à la fois. Selon la même étude de l'Apec, sur 100 entreprises françaises ayant un site web, seules 31 proposent des offres, mais 55 se disent prêtes à en recevoir par ce biais. La majorité des sites spécialisés en recrutement peuvent être classés en trois grandes catégories. D'abord, les sites édités par des cabinets de conseil en ressources humaines. Pour ceux-là, Internet est un nouveau canal et une extension d'audience pour leur activité traditionnelle. Ces sites offrent la même valeur ajoutée que les cabinets traditionnels. Ensuite, les sites des éditeurs de presse spécialisés dans le recrutement et les journaux de petites annonces. Les organisateurs des salons spécialisés dans les RH se sont également lancés dans cette activité. Enfin, rares sont ceux qui n'avaient a priori aucune attache avec le métier des ressources humaines. Ce qui prouve qu'il vaut mieux être spécialisé dans un métier et apprendre ce qu'il faut savoir d'Internet que d'être dilettante sur tous les fronts. L'an dernier, on comptait en France jusqu'à 700 sites proposant des annonces de recrutement, y compris ceux des entreprises, les sites d'emploi, dits aussi "job boards", et les méta-moteurs. L'avantage des sites d'emploi, par rapport à ceux des entreprises, est d'offrir au candidat la possibilité de toucher un maximum d'employeurs potentiels à partir d'un seul site plutôt que de visiter les sites des entreprises un par un. Il y a aussi l'argument du temps perdu : le temps de connexion de son domicile, facturé au tarif d'appel téléphonique, ou encore le temps à son bureau où chaque minute augmente le risque d'être surpris par l'employeur. Les méta-moteurs, qui écument plusieurs dizaines de sites d'emploi, sont censés offrir les mêmes avantages. Mais leur fonctionnement est sujet à caution. Les restructurations survenues ou celles à venir sur le marché de l'emploi en ligne ne changent rien à l'optimisme des acteurs. « Nous sommes dans une activité nouvelle, remarque Céline Maingon, directrice marketing de Monster France. Nous nous attendions à des mouvements de concentration et de fermeture. Nous savions que tout le monde ne pouvait pas rester car, pour l'instant, personne n'est rentable sur le marché du recrutement en France, aucun modèle économique ne garantit la survie. » Dès le départ, les spécialistes de l'emploi en ligne se sont rués sur les grandes entreprises françaises. Le recrutement des cadres juniors, moyens ou supérieurs semblait être leur seule préoccupation. Du coup, les PME ont été oubliées, or celles-ci représentent un gros volume de recrutement en France. Aujourd'hui, l'équilibre se rétablit progressivement. Et les sites de recrutement voient apparaître de nouveaux profils, même si le niveau Bac + 2 ne représente pas moins de 50 % des annonces. « L'informatique et les télécoms pèsent toujours pour environ un tiers des offres d'emploi en ligne, soit tout de même un recul par rapport à l'an dernier quand ces profils occupaient la moitié du marché. Les métiers du commerce et du marketing comptabilisent environ 27 % des annonces. La gestion, la comptabilité et le secrétariat, 16 %, presque à égalité avec l'industrie, à 14 %. Le secteur banque et assurance pèse environ 6 % et le tourisme, 4 % », analyse Laurent Leguide, président du directoire de Cybersearch. Pour lui, ce ne sont pas les entreprises, mais bien les candidats qui, aujourd'hui, dictent la loi : « Dans les secteurs du commerce ou du marketing, ce sont les étudiants sortant des écoles, tous équipés d'ordinateurs, qui représentent le gros des candidatures. A l'opposé, les métiers qui ne font pas appel à l'informatique sont aussi les moins représentés, comme les infirmiers, le BTP ou les artisans. » La moitié des annonces sur les sites d'emploi ont été déposées à partir du lieu de travail. Ce qui explique l'apparition des métiers de secrétariat, de comptabilité et d'autres dans le profil des postes proposés : ils ont tous accès à l'ordinateur. « La part des secteurs high-tech est tombée en dessous des 50 % dans l'emploi en ligne. Nous voyons de plus en plus d'annonces inédites pour des chauffeurs routiers, des maîtres-chiens, des chefs de chantier dans le BTP..., remarque Patrick Pedersen, directeur général de Jobpilot. Il y a aussi beaucoup d'intérim. Tout cela accentue l'amplitude des salaires proposés qui va aujourd'hui du Smic à un million de francs. Le Smic, c'est nouveau pour le recrutement sur Internet. Tout comme proposer des postes à un million de francs (annuel). » Selon lui, il s'agirait d'une tendance générale, d'une crise structurelle du marché de la communication sur les ressources humaines. La galaxie des sites de recrutement marche manifestement sur les plates-bandes de la presse spécialisée et en partie des salons. « La cible ne concerne plus uniquement les cadres supérieurs parisiens, mais toute personne possédant un accès à l'ordinateur. Ce qui se traduit par une augmentation de la part des assistantes, par exemple. Et, désormais, 45 % des offres sont localisées en dehors de l'Ile-de-France », confirme Céline Maingon. Celle-ci observe une certaine ouverture des mentalités liée à l'usage du Web : « Dans les entreprises, poser les "pages saumon" du Figaro sur son bureau peut encore être considéré comme un défi. En revanche, avoir son CV sur Internet n'est pas trop mal vu. C'est vrai qu'une entreprise qui accède à notre cévéthèque, commence souvent par y chercher des CV de ses propres salariés. Mais le fait d'en trouver une bonne quantité n'est pas choquant. Avoir son CV sur Internet ne signifie pas que le salarié est en partance, mais plutôt qu'il se tient informé sur l'état du marché de son métier. » Et des responsables RH des entreprises n'hésitent pas à admettre qu'ils gardent leur propre CV sur des sites d'emploi, juste "pour voir", comme on l'annonce au poker. Ces esprits d'ouverture sont-ils aussi compréhensifs vis-à-vis de leurs salariés ? Auquel cas, ils ne s'en vantent pas. Et d'ailleurs, cette intéressante évolution des moeurs ne concerne pas tout le monde. Nombre d'entreprises s'en tiennent à des approches traditionalistes. « Certaines annonces sur notre site demandent d'envoyer une lettre manuscrite. Internet ne change pas les mentalités !, commente Dragan Pajovic, directeur commercial d'emploi.com. Pour ce qui est du recrutement en dehors du secteur high-tech, ce n'est encore qu'un complément des publications classiques, de la presse, etc. » Le point commun de tous les sites est l'accès gratuit qu'ils offrent aux internautes. Tous les frais sont supportés par des entreprises annonceurs. Une autre tradition stipule que les offres de stages sont insérées à titre gracieux. La vente des espaces publicitaires vient compléter le chiffre d'affaires sans jouer un rôle déterminant. Le mode et le montant de la rémunération des sites dépendent de leur origine. Ceux des cabinets de recrutement pratiquent les mêmes grilles que les cabinets eux-mêmes : environ 10 % du salaire annuel brut du poste. Partout ailleurs, la tarification est forfaitaire, avec une variation entre 2 000 et 5 000 F (305 et 762 €) pour une diffusion de quatre à douze semaines. Le site de l'Apec est le seul gratuit pour les entreprises. Sur Monster, une offre d'emploi coûte environ 2 500 F pour 60 jours. L'accès à la base de 300 000 CV est facturé 100 000 F (15 246 €) par an. La part de la publicité serait inférieure à 10 % du chiffre d'affaires du site et les insertions publicitaires sont réservées aux entreprises qui y publient leurs annonces. Monster offre aux recruteurs des fonctions de pré-tri suivant des tableaux de compétences, avec des critères éliminatoires choisis par l'entreprise, par exemple, la maîtrise de technologies particulières ou des langues parlées. Chez Jobpilot, la rémunération est de 510 euros (3 345 F) pour quatre semaines d'affichage avec la charte graphique de l'annonceur. La publicité représente moins de 5 % de son chiffre d'affaires. Chez emploi.com, une offre standard est proposée à 490 F (75 €) avec la création de l'annonce en self-service pour les petites entreprises rechignant sur les budgets. Cette politique de prix agressifs ne trompe personne : quand on y ajoute les options couramment utilisées, comme, par exemple, l'intégration de la charte graphique, la facture pour une annonce multiprofil grimpe rapidement à 3 000 ou 5 000 F, soit le prix du marché. La publicité assure un quart des revenus d'emploi.com. Les sites d'emploi sont réputés pour être moins chers que les annonces dans la presse. Mais la comparaison des prix est trompeuse. « Le coût moyen d'un encart dans Le Figaro est de 30 000 francs. Sur un site, il coûte 3 000 francs. Mais il ne s'agit pas de remplacer l'un par l'autre car Internet vient ici en complément. L'annonce presse reste obligatoire si l'on veut toucher une audience large, ne serait-ce que pour annoncer l'adresse du site de recrutement de l'entreprise », estime Laurent Leguide. Conséquence directe de ce raisonnement : au lieu de baisser, le coût de l'embauche a augmenté, atteignant les 33 000 F. L'inflation est en marche.

Une audience difficile à chiffrer


L'audience des sites d'emploi ne se prête pas facilement à l'analyse car d'un site à l'autre, on n'utilise pas les mêmes critères de mesure. Chez Cybersearch, on comptabilise environ 500 clients, plus de 14 000 offres et 100 000 visiteurs uniques par mois. Parmi ceux-là, 25 000 vont également s'inscrire pour recevoir des offres d'emploi dans leurs boîtes à lettres et 15 000 vont déposer leurs CV en ligne. Le volume traité sur emploi.com est de 2 500 offres et de 91 000 candidats. L'audience du site serait de 2 millions de pages vues par mois. Elle est répartie en trois segments de taille à peu près égale. D'abord, les chercheurs "actifs", le plus souvent inscrits à l'ANPE. Ensuite, les "passifs", chercheurs d'opportunités, déjà en poste. Enfin, les "veilleurs", en poste également, qui veulent garder un oeil sur le marché de l'emploi et les niveaux de salaire proposés pour se donner des arguments dans une éventuelle discussion avec leur employeur actuel. Patrick Pedersen est fier de son audience à l'international : « Nos grands clients recrutent sur Internet pour l'Europe entière. DRH Europe, c'est un nouveau poste dans les entreprises. Pour eux, notre site est une sorte de journal diffusé en 13 langues dans 23 pays concernés. » Près de la moitié du chiffre d'affaires de Jobpilot en France est générée par des annonces à l'international. Les partenariats avec d'autres canaux de diffusion représentent une niche intéressante. Ainsi, Cadresonline, filiale de Vivendi Universal Publishing, reprend sur son site les annonces publiées dans les titres du groupe, mais aussi en provenance de quelques titres extérieurs. On y trouve les offres d'emploi de L'Express, 01 Informatique, Usine Nouvelle, mais également de Ouest France, L'Equipe, Stratégies... « Notre politique privilégie le couplage de la publication sur le site avec la parution presse ou bien avec la publication sur le site web spécialisé du magazine, explique Hélène Genin, directrice marketing de Cadresonline. L'avantage de ce couplage est d'assurer des retours plus rapides, 30 jours en moyenne sur Internet, contre 53 jours par la voie classique. » Le site aurait reçu 900 000 visites en octobre. Cependant, ce chiffre ne tient pas compte des visiteurs uniques. On annonce une audience des internautes faisant essentiellement partie de la tranche 25-35 ans, avec en moyenne cinq années d'expérience professionnelle - pour beaucoup il s'agit du premier ou du second changement de poste après le diplôme. La tendance dans le recrutement sur Internet va aujourd'hui vers la spécialisation et une approche sectorielle. Par exemple, un site dédié aux emplois dans l'univers de la mode et de la beauté devait être lancé début décembre. « Le site sera édité en français, en japonais et en anglais, pour mieux coller aux besoins particuliers de ce secteur, explique François Bouyer, P-dg de Bethe1, éditeur du site. Nous n'allons pas nous limiter au recrutement, mais nous proposerons une boîte à outils de gestion des ressources humaines, de l'évaluation au recrutement à la formation du personnel. » L'ambition des créateurs du site est de mettre en place un système dit "de pertinence" pour classer les CV reçus par ordre de correspondance à l'annonce, sur plusieurs centaines de critères. Le coût de la publication devrait avoisiner les 300 euros pour 60 jours. En option, l'entreprise devrait pouvoir accéder à l'affinement de la sélection, à la vérification des références, par exemple, du niveau des diplômes grâce aux annuaires en ligne des grandes écoles, et aux interviews téléphoniques des candidats. « Le problème du recrutement sur Internet, c'est la visibilité du site et la multiplicité des supports, estime François de Boutray, P-dg d'Aktor Interactive, éditeur de logiciels de multipostage. Comment choisir le site le plus approprié pour son annonce ? Faut-il suivre ici la publicité TV ou bien les tester les uns après les autres ? Les entreprises utilisatrices de recrutement sur Internet ont un besoin fort de préconisation. » Cette préconisation peut être obtenue en postant les mêmes annonces sur les sites et en comparant les retours en nombre de CV. Pour une annonce attractive, pour un poste de commercial junior avec un bon salaire, le nombre de candidatures va facilement varier entre 20 et 150 suivant le site. Voilà pour une première approche. Et pour peaufiner la recherche, l'outil Jobscan permet aux recruteurs de scruter les profils demandés sur les sites qui hébergent des CV en accès libre et des pages perso, comme Multimania. Le logiciel analyse les documents trouvés à l'aide de mots-clés. « Son moteur d'analyse sémantique sous Linux prend en compte le concept plutôt que la suite de mots, explique François de Boutray. Par exemple, il reconnaîtra l'expression "chef de projet" en tant que métier spécifique à l'informatique et non en tant qu'une suite de caractéristiques séparées. » Ensuite, les CV en provenance des différents sites seront intégrés en une interface unique pour le tri et l'envoi en masse de l'annonce. Commercialisé sous forme de licence en location à environ 50 000 F (7 623 €) par an, ce logiciel est destiné aux grandes entreprises et aux cabinets de recrutements. La société de conseil en ressources humaines, In Vitae, l'utilise depuis quelques mois. « Nous recherchions un outil permettant d'explorer des sites qui hébergent traditionnellement des CV, témoigne Olivier Armandon, consultant de recrutement chez In Vitae. Nous utilisons ce genre de recherche en complément à la diffusion des annonces. Jobscan nous permet de réaliser des recherches sur des pages personnelles à l'aide de mots-clés, de façon active et intuitive. » Une recherche sur des critères "ingénieur, vente, Rhône-Alpes, 3-4 ans d'expérience" a amené 65 documents. Cependant, la précision de ce type de requête laisse à désirer. Par exemple, l'outil va ramener des CV qui mentionnent une expérience professionnelle ou un stage réalisé dans la région donnée, sans tenir compte de l'emplacement actuel du candidat. De même, la prise en compte de la durée de l'expérience professionnelle sera aussi approximative. « La recherche est facilitée quand il existe une appellation unique pour le poste occupé, analyse Olivier Armandon. L'organisation des informations dans un CV rédigé librement pose quelques problèmes d'identification. L'utilisateur doit maîtriser les techniques de recherche sur Internet, des associations positives ou négatives des critères de recherche. Cet outil permet d'automatiser la recherche initiale et le pré-tri, mais il ne remplace pas le travail d'un spécialiste des RH. » Le premier reproche que les entreprises font aux sites d'emploi, c'est un trop-plein de CV pour chaque annonce. La disparition de la lettre de motivation, et des figures de style qui lui étaient attachées, provoque parfois une avalanche de candidatures sans adéquation avec l'offre. Il y a aussi le problème de stockage dans un "vivier de CV" pour une utilisation ultérieure. « Plus de CV signifie aussi un besoin de filtres pour trier, classer, rechercher, archiver la masse des candidatures, remarque Patrick Pedersen. Les systèmes de reconnaissance de caractères ne sont pas opérationnels. Et les CV envoyés en pièce jointe ne sont pas exploitables pour la recherche dans la masse des documents - il faut ouvrir les pièces jointes une par une et rechercher les éléments dans chaque document. D'où l'intérêt d'utiliser des questionnaires fermés avec un système de notation qui va faciliter un premier tri. » Cybersearch propose aux entreprises une grille de tri sur sept critères : métier, lieu de travail, secteur d'activité, type de contrat ou de stage, expérience du candidat, son niveau d'études, sa disponibilité. Il déclare assurer les fonctions d'un cabinet de recrutement, avec 40 consultants qui réalisent environ 1 000 entretiens chaque mois. La gestion d'un site d'emploi où le client peut publier ses annonces en libre-service exige un effort de contrôle du contenu illicite. Les cas fréquents sont des annonces pour des ventes pyramidales, interdites en France, ou encore celles des sectes. Chez emploi.com, cinq offres de ce type ont été supprimées en douze mois. Mais ces annonces sont souvent difficiles à détecter dans la masse, par exemple, quand une secte propose du travail dans une association loi 1901. Il faut être attentif aux retours des internautes qui ne manqueront pas de vous appeler pour dire tout le bien qu'ils pensent de cette annonce. Et même en oubliant son civisme, on gardera à l'esprit le fait qu'un éditeur qui, informé des abus, n'aurait pas pris les mesures adéquates pour les stopper, pourrait voir sa responsabilité engagée. Il paraît aussi indispensable de mettre en place un circuit exceptionnel de remontées à partir de la page web directement vers la personne habilitée à effectuer le contrôle éditorial. Chez Monster, le passage obligatoire par le service clientèle est un moyen de contrôler la réalité et la conformité de l'offre. C'est également une occasion d'étudier la solvabilité de l'entreprise. Autre danger à éviter, celui de laisser le client inclure des critères discriminants dans l'offre d'emploi. Courantes dans les pays du tiers-monde, ces pratiques sont interdites en France. Une fois de plus, la responsabilité de l'éditeur pourrait être engagée. Enfin, un phénomène de plus en plus présent menace sérieusement les rapports entre les sites de recrutement et les entreprises. Son nom : la compilation, par le jeu des abonnements croisés et des méta-moteurs. Des sites sont "abonnés" les uns aux autres, ce qui fait que les mêmes annonces sont proposées aux visiteurs et aux inscrits de l'ensemble des sites de cette galaxie. Cybersearch et quelques autres sont abonnés chez emploi.com et ne s'en cachent pas - cela fait partie des règles du jeu, d'autant plus que les offres de recrutement sur Internet sont malgré tout en nombre limité. Il y a aussi des méta-moteurs, des sites qui ne font que chercher ce qui est publié ailleurs - Keljob affirme passer au crible plus de 100 sites. Et certains d'entre eux proposent eux-mêmes de dupliquer un CV posté chez eux, sur plusieurs dizaines de sites concurrents pour "élargir l'audience". Il n'y a que peu de règles pour gérer ces situations délicates et encore moins de sites à vouloir les appliquer. Résultat, la copie "sauvage" est de mise. Les méta-moteurs sont montrés du doigt. « J'ai souvent vu mes annonces sur d'autres sites qui ne sont pas abonnés chez nous », se souvient Dragan Pajovic. « Je viens d'envoyer une lettre recommandée au patron d'un méta-moteur qui affiche mes propres annonces avec un retard de quatre mois et manifestement sans mise à jour », confirme Patrick Pedersen. « Ces pratiques sont préjudiciables à l'image de marque de l'entreprise qui continue de recevoir des candidatures plusieurs mois après le retrait des annonces », clame Bernard Merck, directeur délégué aux ressources humaines chez France Télécom (voir l'encadré). Ces pratiques confraternelles faussent sensiblement les statistiques. Quand les dix meilleurs sites de recrutement en France déclarent proposer en moyenne entre 5 000 et 10 000 offres d'emploi chacun, il ne serait pas prudent d'estimer le volume total à 100 000 annonces. « Je pense qu'il y a en tout environ 15 000 annonces qui tournent sur plusieurs sites », confie Dragan Pajovic. « Pas plus de 12 000 », estime, de son côté, Bernard Merck. A titre de comparaison on notera qu'il y a un peu plus de 110 000 annonces en ligne à l'ANPE. Que les sites internet arrivent à drainer un volume équivalent à 10 % de cette masse, voilà qui atteste plutôt de leurs performances. Les moteurs qui déclarent posséder plus de 200 000 offres d'emploi ont dû ratisser très large, de Bamako à Bucarest. Mais aucun site ne serait de taille à concurrencer "le plus grand employeur de France". Et ce n'est pas l'objectif. Les sites d'emploi ne seront jamais exhaustifs, sauf à copier la base de l'ANPE. Leur valeur ajoutée est ailleurs, dans la possibilité de recueillir les CV des candidats, voire des candidats virtuels qui occupent déjà un emploi, et de les présenter aux recruteurs et autres chasseurs de têtes. C'est bien cette faculté qui a permis à la plupart de survivre à la crise d'Internet - une fonction d'intermédiaire au recrutement. Un métier qui ne connaît pas la crise ?

Castify Networks, une entreprise qui ne recrute que sur le réseau


« Nous ne passons aucune annonce dans la presse, mais uniquement en ligne », témoigne Remy Giaccone, DRH de Castify Networks, un éditeur de logiciels de diffusion de contenu sur le Web. Son entreprise fait appel aux services de Stepstone. « Nous avions un besoin urgent de développeurs, plusieurs dizaines, avec des profils assez différents, poursuit-il. L'avantage du recrutement sur Internet est dans son automatisation, aussi bien pour l'entreprise que pour le candidat. » Castify Networks fait aussi appel à Jobpilot. « Nous souhaitions recruter à l'échelle européenne. Pour une structure de 40 personnes, une annonce publiée sur son propre site n'aura pas assez de visibilité. » L'entreprise a reçu environ 900 candidatures. « Ce que je reproche aux sites, c'est le nombre de CV qui vous sont envoyés automatiquement et sans correspondance avec l'offre, par exemple, pour des candidats qui se trouvent à l'autre bout du monde. Les CV préformatés de Stepstone ne sont pas assez précis et manquent de détails. La première chose que je fais est de demander au candidat de me renvoyer un CV de son propre cru sous le format qui lui convient, PDF ou tout autre. » Ces critiques n'empêchent pas le DRH de Castify Networks d'apprécier les sites choisis : « Chez Stepstone ou Jobpilot, l'approche de communication est très souple, avec une possibilité de suspendre la parution et de la reprendre le moment venu. »

Bernard Merck (France Télécom) : « Le recrutement en ligne ne va pas tout régler ! »


« Ce n'est pas parce que l'on met une annonce en ligne qu'il faut oublier le reste ! C'est une erreur de la part de mes confrères que de croire que le e-recrutement va tout régler. » Bernard Merck, directeur délégué aux ressources humaines chez France Télécom, a un avis tranché. Chef du projet "RH Demain" au sein de l'opérateur historique, il attire l'attention sur le besoin de construire "une usine", selon son expression, de gestion des CV reçus. « Nous devons traiter ces candidatures avec qualité, au sein d'une chaîne humaine et professionnelle. Parmi les candidatures que nous recevons, 1 % va attirer l'attention aujourd'hui. Mais d'autres nous intéresseront demain. Il faut personnaliser nos rapports avec ces candidats, leur donner envie de travailler chez nous. Quand je vais sur des sites d'emploi, je suis parfois surpris par une mauvaise qualité d'accueil. Sur certains sites, les candidats n'ont pas de réponse du tout ou bien une réponse négative standard. Les sites se pillent aussi les uns les autres. Postée sur un site, l'annonce se retrouve sur trois, quatre, sept autres sites auxquels nous n'avons rien demandé. Résultat, les annonces pour des postes déjà pourvus ne sont pas mises à jour partout. Nous continuons de recevoir des candidatures plusieurs mois après le retrait de l'annonce. Nous avons à la DRH une montagne de CV qui ne correspondent à aucune annonce en cours. Tout cela nuit à notre image de marque. » France Télécom a désormais centralisé la démarche en en confiant la gestion à un prestataire externe, en liaison avec l'affichage des postes vacants en interne destiné à favoriser la mobilité. « Grâce à ce passage par un acteur extérieur, le salarié a la possibilité de répondre avec son nom masqué, sans en informer son supérieur. Mais, en réalité, ce n'est pas toujours indispensable car, selon notre politique, la hiérarchie peut être au courant que quelqu'un cherche un nouvel emploi, sans que cela le pénalise sur son poste actuel », conclut Bernard Merck.

 
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Alexis Nekrassov

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