Le marché va gagner en transparence et en clarté
En rachetant Jupiter MMXI, NetRatings a bouleversé le marché mondial de la mesure d'audience. En France, le nouveau numéro un entend consolider sa place en enrichissant ses services à destination de sa clientèle. Le P-dg de Médiamétrie eRatings.com révèle comment.
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« L'enjeu, dans notre profession, repose sur la façon dont on utilise,
manie et explique les chiffres. Car il s'agit de ne pas travestir la vérité. »
Le mois dernier, NetRatings a racheté son concurrent Jupiter MMXI et, dans le même temps, a pris les 80,1 % du capital d'ACNielsen eRatings.com détenus par ACNielsen. Quelles sont les conséquences directes de cette acquisition pour Médiamétrie eRatings.com ?
En France, Médiamétrie
eRatings.com était jusqu'à maintenant détenue à 50 % par Médiamétrie, à 30 %
par NetRatings et à 20 % par ACNielsen eRatings.com. Le rachat d'ACNielsen
eRatings.com par NetRatings change la donne. Désormais, la société sera détenue
conjointement par Médiamétrie et NetRatings à parts égales. Mais il ne faut pas
se leurrer, l'effet le plus important de ce rachat se ressent avant tout aux
Etats-Unis, puisque le rachat effectué par NetRatings va entraîner le
rapprochement d'environ 700 personnes, dont les deux tiers se trouvent outre -
Atlantique. C'est donc là-bas que la fusion prend toute sa réalité.
Comment s'organisera cette fusion ?
Pour le moment,
nous sommes dans une période de transition. Au moins jusqu'au début 2002, date
à laquelle les autorités de régulation américaines donneront leur accord pour
le rachat. En fonction des objectifs de profitabilité fixés, les équipes et les
clients seront progressivement intégrés quand le besoin s'en fera sentir.
Il ne reste donc plus en France que deux acteurs de la mesure d'audience sur Internet, vous et NetValue. Quelle lecture du marché faites-vous désormais ?
La première conséquence, évidente et bénéfique, c'est
qu'il y a une simplification de la donne et que le marché va gagner en
transparence et en clarté. Les difficultés de l'économie en général et de la
publicité en particulier l'ont jusqu'ici empêché de travailler sereinement.
Cinq ou six sources différentes coexistaient et, en ce qui concerne les panels,
trois acteurs, donc trois méthodologies différentes délivraient leurs chiffres.
La deuxième conséquence est que cela va créer un rapport de force positif entre
le marché et les instituts, le premier poussant les seconds à améliorer leur
rapport qualité prix. Nous étions jusqu'ici dans une politique d'achat de part
de marché qui a été initiée avant même que NetRatings ne se lance en France et
qui s'est accélérée étant donné les difficultés financières auxquelles ont dû
faire face nos concurrents. Que nos clients se rassurent, cela ne veut pas dire
pour autant que les prix vont maintenant augmenter. Il va simplement leur
falloir respecter une tarification qui nous semble objective et légitime.
Face à la nouvelle entité NetRatings MMXI, votre concurrent NetValue a, semble-t-il, décidé de changer de business model en se recentrant sur la gestion de bases de données comportementales. Qu'en pensez-vous ?
Cela m'amène à deux commentaires : l'évolution, si c'est vraiment le cas, de
NetValue vers la gestion de base de données comportementales va poser le
problème de l'éthique du métier des instituts d'études. Il est important de
faire la distinction entre le direct marketing et le marketing research. Il ne
faudrait pas pervertir la qualité de l'information "étude" par une approche
commerciale de l'exploitation de la donnée. Si NetValue confirme son
engagement, ils se positionneront différemment, non seulement en termes
d'approche mais également en termes de métier puisqu'ils évolueront en dehors
du périmètre des sociétés d'études. De fait, il ne serait plus considéré comme
un concurrent. D'autre part, sur le fond, je pense que, si tous nos outils et
toutes les méthodologies de la mesure d'audience et de la performance évoluent
dans l'avenir vers une approche de plus en plus qualitative et pointue afin
d'améliorer la connaissance que l'entreprise peut avoir d'un prospect ou d'un
client, à aucun moment on ne mélangera la notion de données personnelles avec
les éléments comportementaux.
Quels sont les nouveaux services que vous souhaitez mettre à disposition de vos clients en 2002 ?
Il
faut distinguer ce que l'on va faire et ce que l'on devrait pouvoir faire. Nous
prévoyons de mettre en avant deux nouveaux services analytiques. L'un,
E-commerce Strategies, lié au commerce électronique est déjà disponible dans le
monde, compte 150 clients, et va arriver en Europe d'ici peu. L'autre est dédié
aux médias et va se concentrer sur deux aspects essentiels, le streaming
audio-vidéo, qui répond à une demande pressante du marché, et la possibilité
pour un site d'appréhender la rapidité ou le type de connexion de ses
visiteurs, ce qui permettra d'avoir une cartographie des modems et autres
moyens d'accès, par site, catégorie de site, et marché.
Et que devriez-vous pouvoir faire ?
Avec l'intégration du savoir-faire de
Jupiter MMXI, développer et enrichir ce que jusqu'ici Jupiter avait fait,
c'est-à-dire de l'étude stratégique, prédictive d'une part, mais également en
s'appuyant davantage sur l'analyse consolidée des données comportementales que
l'on recueille.
Comptez-vous en profiter pour enrichir votre activité de consulting ?
Tout à fait. Le rachat de Jupiter MMXI va
nous permettre de nous y consacrer plus attentivement. Jusqu'à maintenant, nous
étions trop jeunes pour en faire, et nous nous contentions d'intervenir de
façon ponctuelle pour des grands comptes, en nous consacrant à ce que nous
savions faire avant d'entreprendre l'étape suivante. D'autre part, l'intérêt du
consulting passe par un recrutement et un savoir-faire différent, que nous
allons petit à petit mettre en place.
Ce qui signifie que vous allez recruter des consultants ?
Cela signifie qu'il est hors de
question d'aller chasser sur le terrain des agences ou des cabinets de
consulting, mais d'ajouter à l'équipe des profils d'analystes qui nous
permettent effectivement d'apporter de la valeur à notre approche.
Avez-vous été, à l'image des consultants qui ont essuyé une volée de bois vert suite à leurs prédictions approximatives, montré du doigt pour les chiffres que vous publiez ou la méthodologie que vous employez ?
Pas tant que ça. Nous nous sommes toujours efforcés d'appliquer des normes
méthodologiques et des standards de qualité maximum. En conséquence, je pense
que nos chiffres sont, sinon justes, au moins les plus justes possibles compte
tenu du média sur lequel nous travaillons, qui évolue très rapidement. Dans
l'analyse que nous tirons des chiffres, nous ne faisons pas d'analyse
prédictive, mais une modélisation à court ou moyen termes de la réalité d'un
site. Nous pouvons prévoir assez précisément la façon dont tel ou tel site va
voir son audience évoluer à court terme, hormis bien évidemment dans le cas
d'une opération de promo ou d'un événement imprévisible qui modifierait
substantiellement et temporairement son audience. L'enjeu, dans notre
profession, repose sur la façon dont on utilise, manie et explique les
chiffres. Car il s'agit de ne pas travestir la vérité. Nous apportons donc un
soin particulier à la communication faite autour de ces chiffres.
Combien d'internautes composent votre panel ?
Le panel
Global Universe, qui intègre l'audience mixte "domicile-travail", compte
aujourd'hui près de 10 000 panélistes, mais nous sommes encore en période de
recrutement. Parmi eux, environ 5 000 sont actifs, ce qui permet d'analyser
relativement finement et dans le détail les données.
Considérez-vous que c'est un nombre suffisant ?
Il a
été beaucoup dit récemment que la population des internautes baissait. Mais
c'est une fausse vérité. Si l'on regarde la période de juin à septembre, on
s'aperçoit que le nombre d'utilisateurs du média a certes baissé, mais c'est un
effet uniquement saisonnier, et en particulier auprès des 16-24 ans, des
universités et des cybercafés. Cela signifie donc qu'Internet est bien un média
comme les autres. Simplement, la population de référence s'homogénéise avec la
population française. Le panel sera donc de plus en plus représentatif de cette
population, puisque les internautes le sont eux - mêmes.
Comment procéderiez-vous si, demain, vous vouliez mesurer l'audience de l'Internet mobile ou de la télévision interactive ?
Dans ce cas, nous aurons
besoin d'un panel d'individus mobiles plus important que celui que nous
possédons à l'heure actuelle. Ce qui n'est pas impossible à terme puisque l'on
s'intéresse à la convergence des médias, mais ce n'est pas la priorité de notre
panel aujourd'hui. Néanmoins, depuis six - sept mois, nous avons intégré dans
nos baromètres multimédias un module de mesure de l'émergence des assistants
personnels. Et, au Japon, qui est en avance dans ce domaine, nous effectuons
des tests de mesure beaucoup plus poussés de l'Internet mobile. Mais le
problème qui se pose aujourd'hui est avant tout technique puisque, pour assurer
une mesure efficace, il serait nécessaire de télécharger un logiciel sur le
téléphone, ce qui est pour l'heure irréalisable. Il faut donc attendre
l'arrivée des téléphones dits de nouvelle génération.
Entre la mesure "site-centric" et "user-centric", laquelle assure la meilleure analyse ? L'une parviendra- t-elle à éclipser l'autre ?
A première vue, on
pourrait penser que le panel délivre davantage d'informations stratégiques.
Certains annonceurs ou agences sont persuadés que c'est l'outil panel qui leur
est le plus utile. Je crois que ce n'est pas vrai et que les deux outils sont
complémentaires. Ce n'est pas vrai, parce que le panel ne permet ni de répondre
aussi précisément à la question "combien d'internautes se rendent sur mon site
?", ni de mesurer des flux de trafic significatifs provenant de l'étranger, des
cybercafés ou des universités. Pour certains sites, cela n'a qu'une importance
relative dans la mesure où le panel global que nous commercialisons couvre 80 %
des internautes réguliers ou assidus. Mais, pour les sites qui ont une
fréquentation moins régulière ou une population plus large, il est primordial
de pouvoir mesurer ces flux. De toute façon, la notion de chiffre de référence
passera sans doute un jour par le rapprochement des données "site centric" et
des données panels. Autrement dit, nous allons initier avec un certain nombre
de grands sites français des études qui permettent de déterminer quel est leur
chiffre de référence.
Personnellement, quelle analyse faites-vous de l'année 2001 ?
Pour NetRatings dans le monde et Médiamétrie
eRatings.com en particulier, et aux vues de la situation actuelle du marché,
2001 a été une bonne année. Nous avons, d'une part, enregistré un taux de
croissance de 200 % en France, qu'il faut toutefois relativiser puisque nous
avons été créés en juillet 2000, mais au moins avons nous atteint l'objectif
que nous nous étions fixé en octobre 2000. D'autre part, l'année se termine par
le rachat de Jupiter MMXI, ce qui est certainement une bonne chose pour les
années à venir. A titre plus personnel, je crois que l'on a assisté à une
sensible diminution de l'offre, ce qui veut dire que, compte tenu des
difficultés économiques conjoncturelles du marché, beaucoup de bonnes idées qui
n'ont pas réussi à être bien formulées ont disparu. Il serait intéressant d'ici
un an de reprendre un certain nombre de business models et d'idées mis au
placard, et de les revoir à la lumière d'un Internet 2003, plus structuré et
plus mature, et où chacun aura trouvé ses marques. 2001 est plus le premier
chapitre du livre de l'Internet que son introduction.
On disait déjà ça de 2000...
C'est vrai. Mais je pense que 2000 a été la
vraie introduction, alors que tout le monde croyait qu'on était déjà parti.
En tant qu'ancien patron d'agence, quel regard portez-vous sur les malheurs rencontrés par les web agencies en particulier ?
Pourquoi
est-ce que l'on reprocherait quoi que ce soit aux agences ? Les venture
capitalistes ont brûlé ce qu'ils ont adoré. Les journalistes ont brûlé ce
qu'ils ont adoré. Les annonceurs tout autant. Tout le monde est tombé dans le
piège de l'eldorado en partant avec sa pelle et sa pioche en quête d'un trésor
que finalement peu ont trouvé. Pour les publicitaires, le problème vient du
fait qu'en 98/99, le Web était un "machin" où l'on avait l'impression que tous
les paradoxes étaient réconciliés, où l'on pouvait faire en même temps de la
notoriété et du marketing direct, et où la technologie semblait être si
indissociable du marketing que les agences comme les SSII de l'autre côté s'y
sont fourvoyées. Aujourd'hui, tout le monde se recentre sur son savoir-faire et
les agences comme les autres baissent la voilure.
Biographie
François Blum, 42 ans, est diplômé de l'Institut Supérieur de Commerce. Homme de communication, il est notamment passé par le groupe Havas où il a démarré dans l'agence Fait & Communication, avant de rejoindre Saatchi & Saatchi puis le groupe Ogilvy, où il prendra notamment en charge l'activité internet de l'agence parisienne. Il a rejoint Médiamétrie en février 2000 et occupe la double fonction de responsable de l'Internet et des nouveaux médias pour Médiamétrie et de Président directeur général de Médiamétrie eRatings.com.