Le consommateur n'est pas encore prêt à payer la musique qu'il télécharge sur Internet
Surfant sur la vague du téléchargement de musique au format numérique sur Internet, Vitaminic s'emploie à développer une activité saine et profitable, loin des brouhahas causés par Napster. Sa directrice marketing, Isabelle Veil, nous livre les recettes gagnantes de ce site qui s'est imposé dans le paysage musical européen.
Je m'abonnePouvez-vous nous présenter Vitaminic en quelques mots ?
Vitaminic est une société d'origine italienne, fondée en avril
1999, qui propose en téléchargement les oeuvres musicales de 24 000 artistes
réparties en plus de 300 genres musicaux et regroupe les grosses majors
internationales et 690 labels. La plate-forme opère dans neuf pays européens
(Italie, Grande-Bretagne, Allemagne, France, Espagne, Pays-Bas, Suède, Danemark
et Irlande) et aux Etats-Unis. Ces antennes locales gèrent les sites nationaux
de Vitaminic de façon à refléter les goûts musicaux des marchés dans lesquels
ils se trouvent. Les contenus, éditoriaux et musicaux, de tous les sites
nationaux du réseau Vitaminic sont traduits et adaptés au public et à la
culture de chaque pays.
Quels avantages ont les majors ou les labels à travailler avec vous ?
Chacune de ces maisons de disques possède un format de distribution qui lui est
propre. L'avantage d'en faire bénéficier Vitaminic est que cela leur permet
d'avoir un contrôle sur la distribution de leurs fichiers sans qu'il y ait
violation.
Nous leur proposons de rendre transparent ce format pour que l'utilisateur
n'ait pas à télécharger leurs formats sécurisés propriétaires. En quelque
sorte, Vitaminic n'est qu'une plate forme de transition.
L'utilisateur paye-t-il quelque chose lorsqu'il télécharge des morceaux sur Vitaminic ?
Il existe différentes formules. Dès la
création de Vitaminic, nous avons proposé aux artistes de mettre leur musique
en ligne, chacun devant obligatoirement prévoir un morceau gratuit sur le site
en écoute et en téléchargement. Pour chaque morceau supplémentaire, libre à lui
d'y mettre un prix ou non. Nous lui demandons juste que ce prix soit supérieur
à 3 francs, 50 % des ventes effectuées sur le site lui revenant directement. La
moitié restante nous permettant de payer les droits d'auteurs et les frais liés
à la distribution de sa musique. A l'heure actuelle, le prix moyen pour un
morceau varie de 7 à 9 F.
Vous ne trouvez pas cela un petit peu cher ?
Si vous multipliez ce prix par dix ou par douze pour
réaliser un album plein, cela revient au prix que vous payez pour un disque
dans les circuits de distribution traditionnels.
Quelle autre formule de paiement proposez-vous ?
La possibilité de créer ses
propres compilations virtuelles. Le prix est fixé par l'artiste lui-même en
fonction du nombre de morceaux qu'il y inclut.
Quelle est l'audience des sites Vitaminic ?
Sur l'ensemble du réseau, nous
enregistrons plus de 12 millions de pages vues par mois, le site français
tournant autour de 1,2 et 1,4 million depuis le mois de janvier dernier.
Existe-t-il de grosses disparités de comportement entre les utilisateurs des différents sites européens de Vitaminic ?
Nous avons constaté que les genres musicaux demandés d'un site à l'autre
étaient radicalement différents. Sur la France, c'est la musique électronique
et la variété internationale qui sont les plus demandées, alors qu'en Italie,
c'est le rock qui prédomine. En fait, les 24 000 artistes de notre catalogue
sont partagés sur l'ensemble du réseau mais, localement, nous avons des accords
différents de distribution de notre contenu. Nous proposons, par exemple, le
contenu de notre catalogue et nos infrastructures technologiques à différents
portails, tels qu'Altavista, Lycos, Voila et Wanadoo. Mais nous proposons aussi
aux artistes d'être présents ailleurs que sur le Net. En Italie, grâce à un
partenariat avec Omnitel, le deuxième opérateur de téléphonie mobile national,
nous proposons notre contenu par téléphone. En composant le code 2552 sur son
combiné, l'utilisateur a ainsi la possibilité d'écouter les cinq meilleurs
téléchargements par genres musicaux de Vitaminic Italie.
Cette offre verra-t-elle le jour en France ?
Oui, car même si c'est un
service gadget, son utilisation plaît. Le premier mois de mise en service du
numéro, nous avons enregistré plus de 100 000 appels. Mais il faudra patienter
un peu car nous sommes encore en pourparlers avec les différents opérateurs du
marché.
Connaissez vous les utilisateurs de Vitaminic ?
Notre seule référence jusqu'à maintenant était une étude menée
l'année dernière qui ne révélait rien de bien exploitable car les informations
que nous avons récupérées correspondaient au profil type de l'internaute
français. Mais nous allons la réactualiser à l'occasion du Printemps de
Bourges, dont nous sommes partenaire, en adressant aux utilisateurs qui
téléchargeront les morceaux d'artistes présents au festival et dans notre
catalogue un questionnaire plus détaillé avec des questions les plus ouvertes
possibles.
Combien sont-ils à se rendre sur le site français ?
D'après les chiffres publiés par Médiamétrie, ils ont été plus
de 90 000 en décembre dernier. Sur le reste du réseau, nous ne communiquons pas
ces informations.
Quels services sont mis à disposition des internautes qui téléchargent de la musique à partir de votre site ?
Ils ont la possibilité de s'inscrire à la newsletter éditée
chaque semaine. Nous mettons également à leur disposition une boutique dans
laquelle ils peuvent acheter des albums gravés par nos soins et des
compilations, télécharger des morceaux sélectionnés et aussi acheter différents
produits de la griffe Vitaminic : tee-shirts, sacs de voyage, etc.
Vous avez récemment signé une entente préalable pour le rachat de la totalité du capital de Eurekan Multimédia SA, qui possède FranceMP3.com et MP3France.com. Quelles raisons motivent cette acquisition ?
Le
marché français de la musique numérique en ligne est le plus dynamique d'Europe
et ces deux sites y occupent une place privilégiée puisqu'ils proposent un
catalogue de 4 800 artistes et 35 000 titres au format MP3, regroupent 315
labels musicaux, et enregistrent chaque mois plus de trois millions de pages
vues avec 25 000 membres et une fréquentation mensuelle de 340 000 visiteurs
uniques. Avec cette acquisition, Vitaminic se voit donc offrir l'opportunité de
consolider sa domination sur le marché. D'autre part, Vitaminic est une société
cotée en Bourse au Nouveau marché de Milan depuis le mois d'octobre 2000, et il
est important qu'elle montre au marché qu'elle possède les ressources
nécessaires pour faire fructifier son business.
Quels sont les projets de Vitaminic pour développer le e-commerce sur ses sites ?
Nous avons créé le Vitaminic Music Club, une offre d'abonnement semestriel ou
annuel, qui permet à l'internaute de venir télécharger de façon illimitée toute
la musique qu'il souhaite à partir d'une sélection de morceaux réalisée par les
labels managers de Vitaminic. Nous avons deux façons de le commercialiser : sur
la boutique et au travers d'une offre packagée proposée aux industriels, aux
constructeurs informatiques et aux fournisseurs d'accès, qui l'incluent par la
suite dans leur offre d'accès à Internet fournie aux consommateurs.
Quels sont les prix de ces abonnements ?
L'abonnement
semestriel est commercialisé à 50 euros et l'annuel à 80 euros. Mais nous ne
nous faisons pas d'illusion. Cette année, 99 % de la vente de ces abonnements
seront faits auprès des professionnels et pas du tout auprès des
particuliers.
Croyez-vous que les internautes finiront par se laisser convaincre par ce type d'offre de téléchargement payant ?
La polémique créée autour de Napster nous a au moins permis de nous rendre
compte que notre modèle économique, essentiellement basé sur le téléchargement
payant, devait évoluer. Il s'agit de trouver le bon équilibre entre le tout
gratuit et le tout payant. Si, en 2000, les téléchargements payants sur
Vitaminic ont été proches du néant, c'est parce que le consommateur n'est pas
encore prêt à payer la musique qu'il va chercher sur Internet. La formule
idéale n'existe pas pour le moment, et tout le monde la cherche dans son coin.
Outre les partenariats signés avec les portails, quelles autres sources de revenus avez-vous ?
Nous commercialisons des bannières
publicitaires sur les pages de genres musicaux et la home page, mais pas sur
les pages d'artistes qui leur sont spécifiquement réservées. Mais cette
activité est encore réduite et les déboires du marché de la pub on line
n'arrangent pas les choses. C'est pourquoi nous comptons proposer de nouveaux
formats. Néanmoins, notre principal objectif est de recruter toujours plus de
nouveaux utilisateurs. Pour cela, nous exploitons toutes les pistes, comme le
co-branding, par exemple. Nous avons récemment conclu un accord en Italie avec
Renault pour la fabrication d'une Clio Vitaminic équipée d'un lecteur MP3
portable. 14 000 exemplaires ont été fabriqués. Sans véritablement gagner de
l'argent, nous avons bénéficié d'une campagne publicitaire importante relayée
en presse et en télévision qui devrait accroître la notoriété de la marque.
Quel jugement portez-vous sur le procès fait à Napster ?
La réaction des majors étaient inévitable puisque Napster
pillait de façon illégale une partie de leurs revenus. Pour sa part, Vitaminic
s'est toujours attaché à promouvoir l'aspect légal de sa plate-forme de
téléchargement et les rapports que nous entretenons avec les majors ou les
labels s'en trouvent assainis. Ainsi, en décembre dernier, BMG, Sony et
Universal ont accepté de signer un contrat de distribution avec Vitaminic sur
le territoire américain. Mais certains refusent encore de travailler avec nous
et il reste un gros travail de lobbying à faire pour convaincre l'ensemble des
professionnels de la musique de l'intérêt d'une plate forme comme la nôtre.
Justement, quels sont les engagements pris par Vitaminic au niveau institutionnel ?
La société est cofondatrice avec la Fnac de
l'e-Dima - European Digital Media Association - chargée de veiller sur la
protection de la propriété intellectuelle et artistique, et membre de la SDMI -
Secure Digital Music Initiative - et de la Fimi - Federazione Industria
Musicale Italiana.
Vitaminic pourrait-il être amené à proposer autre chose que des morceaux de musique au format MP3 à télécharger sur ses sites ? Notamment de la vidéo ?
Aujourd'hui, la question ne se
pose pas, mais on peut l'imaginer. Cela va dépendre des évolutions
technologiques. Le MP3 n'est en tout cas pas le seul format utilisable. Nous
comptons décliner le contenu de notre catalogue sur d'autres supports, comme le
téléphone ou la télévision par satellite. En ce qui concerne la vidéo, il faut
attendre la démocratisation du haut débit.
Vitaminic en bref
Création : avril 1999. Implantations : Grande-Bretagne, Italie, Allemagne, France, Espagne, Pays-Bas, Suède, Danemark, Irlande, Etats-Unis. 24 000 artistes et 300 genres musicaux référencés. 690 labels. 12 millions de pages vues par mois sur l'ensemble du réseau. Vitaminic est coté au Nuovo Mercato de la Bourse de Milan (Italie) depuis le 12 octobre 2000.
Biographie
Isabelle Veil, 28 ans, est diplômée d'un bachelor Marketing & Finances réalisé à l'Institut franco-américain de Management de Paris. Elle a débuté sa carrière chez Lazard & Associés à New York de 1995 à 1996, puis à Milan de 1996 à 1997, avant de rejoindre le groupe L'Oréal en tant que contrôleuse de gestion pour les marques Lancôme et Biotherm. Elle a rejoint Vitaminic en octobre 1999 pour fonder la filiale française dont elle est aujourd'hui directrice marketing.