Le Top 40 des sites marchands
SNCF, Fimatex, Selftrade : tel est le podium 2000 du premier classement des sites marchands français, réalisé par "e-commerce Magazine". Un classement qui fait la part belle aux valeurs sûres de l'"ancienne" économie. Et dont les premières places sont trustées par le voyage et la finance.
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Réaliser le classement des sites marchands français en prenant comme indice
de comparaison leur chiffre d'affaires sur l'année 2000, afin d'obtenir une
vision plus transparente du marché et plus précise des forces en présence... La
démarche paraissait tout à la fois légitime pour un titre qui, depuis un an,
vit au rythme de l'actualité de ces nouveaux commerçants, et originale, puisque
personne ne s'y était attelé jusqu'à maintenant. Pourtant, la tâche n'a pas été
aisée. La faute à un manque de transparence de la part des sociétés concernées
qui, sous le sceau du secret, se sont montrées particulièrement avares de
chiffres et d'informations. Normal, nous direz-vous, venant d'entreprises qui,
pour la plupart, n'ont pas plus de deux ans d'existence. Nous savons, d'autre
part, avec quelle prudence les sites web acceptent de communiquer leurs
résultats lorsqu'ils savent que leurs concurrents auront le loisir d'en
profiter et, pourquoi pas, s'en servir pour réorienter leur stratégie... Mais
ne serait-il pas temps pour les sites de commerce électronique de mettre un
terme à la paranoïa collective, qui semble les habiter, et de tomber les
masques pour s'ouvrir davantage à l'extérieur et, ainsi, faire preuve de
maturité, chose dont ils sont pourtant tous conscients de manquer ? A
l'origine, nous souhaitions publier dans ces pages non pas les 40 mais les 100
premiers sites marchands. Or, il a rapidement fallu admettre que c'était
mission impossible, tant il était ardu d'arracher les informations aux sites
identifiés comme étant les plus représentatifs du marché. Gageons toutefois que
la première édition de ce classement saura rassurer les plus méfiants et qu'à
l'avenir, les langues parviendront à se délier. Tout le monde y gagnerait. Car
de quoi souffre le plus le commerce électronique en France si ce n'est
justement d'un manque de transparence ? Certes, les données existent, mais quel
degré de confiance pouvons-nous réellement leur accorder ? Cela a-t-il un sens
de ne citer que des projections à trois ou cinq ans lorsque tout le monde, et
les consommateurs en tête, n'attendent que des données réelles et dignes de
confiance, c'est-à-dire certifiées ? E-commerce Magazine a pris l'initiative
de lever une partie du voile sur ces interrogations.
La SNCF loin devant tout le monde
Que la SNCF arrive en tête de ce classement
n'a rien de surprenant, et l'on pouvait même s'y attendre. Une société qui
transporte chaque année plus de 300 millions de voyageurs ne peut que posséder
une avance considérable sur les autres sites marchands qui, pour les plus
heureux, n'en comptent à peine qu'une centaine de milliers. En multipliant son
chiffre d'affaires sur le Web par 4 en un an, la SNCF a démontré qu'elle avait
parfaitement intégré l'outil Internet et rendu la prise de commande sur son
site aussi aisée que sur le Minitel ou à travers son réseau de guichets. Le
transfert de ses clients vers le Web s'est fait sans doute plus facilement que
ce qu'elle-même avait espéré, et ses objectifs s'en sortent renforcés
puisqu'elle prévoit de dépasser le milliard de francs de chiffre d'affaires dès
la fin de cette année. Néanmoins, la SNCF ne doit sa première place qu'au refus
d'Air France de figurer dans ce classement. Si la compagnie aérienne s'était
laissée convaincre de publier ses chiffres, elle occuperait la tête du
classement avec un chiffre d'affaires estimé aux alentours de 650 millions de
francs. Et ce qui est vrai pour Air France l'est également pour un grand nombre
de sites. Dans ce classement, la différence qui existe entre le montant du
chiffre d'affaires des premiers et des derniers est frappante. Entre les 600 MF
de la SNCF et les 2 MF de Bebloom, le fossé est énorme. Il traduit en tout cas
le manque d'homogénéité du marché du commerce électronique français et renforce
l'idée que nous n'en sommes vraiment qu'à ses prémices. De tels rapports sur un
classement de 40 entreprises sont également significatifs du poids qu'occupent
désormais les grands groupes du monde réel dans la "nouvelle économie".
Un déséquilibre flagrant entre les "pure players" et les "clicks and mortar"
Il y a encore un an, les analystes estimaient que le
retard accumulé par certains d'entre eux en matière d'intégration du e-business
profiterait aux jeunes loups du Net et que leurs parts de marché fonderaient
comme neige au soleil sous les coups de boutoir des dotcoms. Au vu des
résultats que nous publions ici, on peut se rendre compte qu'il n'en est rien.
Les six premières places sont occupées par des sites provenant de deux univers
: le voyage et la finance. Cela paraît logique puisque ces deux secteurs font
partie de ceux qui, avec l'informatique, représentent les locomotives du
commerce électronique français. Mais ces sites, à l'exception de Travelprice,
ne sont que la déclinaison d'une activité "mortar" sur le Web. La SNCF, la
Société Générale, les groupes Accor et Nouvelles Frontières sont des poids
lourds de l'économie française. Le coeur de leur business existait bien avant
qu'ils ne se lancent sur Internet, et le montant de leur chiffre d'affaires
s'explique autant par le nombre de clients qu'ils sont parvenus à fidéliser au
fil des années que par leurs ressources financières qui leur assurent une
puissance de développement considérable. Les dix premiers du classement, outre
Travelprice, sont les filiales de grands groupes, et seuls cinq "pure players"
apparaissent parmi les 20 premiers (Travelprice, Wstore, Alapage, Marcopoly,
Rueducommerce). La démonstration est ainsi faite que si démarrer une activité
sur Internet peut paraître aisé (encore que cela soit de moins en moins vrai),
lui assurer une activité pérenne est une toute autre paire de manche. Loin de
s'être fait dépasser par leurs concurrents du Web, les grosses cylindrées du
monde "mortar" ont, au contraire, assis leur leadership à grands coups de
rachats et de fusion. Conclusion : être indépendant aujourd'hui sur Internet,
c'est bien. Mais cette indépendance est de plus en plus difficile à préserver,
et espérer jouer dans la cour des grands est un rêve auquel il faut s'accrocher
très fort. Il existe malgré tout dans ce classement une exception, et elle
s'appelle fnac.com. Classé en 17e position, c'est-à-dire derrière alapage.com
(14e), le site de l'agitateur culturel a réalisé en 2000 un chiffre d'affaires
de 110 MF, contre 42 MF en 1999. Mais, alors que le montant de son panier moyen
s'élevait à 250 francs en 1999, il est passé à 180 francs l'année dernière. On
peut donc en déduire que les clients du site se sont quelque peu désengagés
malgré les avantages proposés, comme la livraison en 24 heures pour plus de 100
000 produits du catalogue. La question qui se pose concernant la Fnac est donc
de savoir si le site de l'enseigne ne souffre pas du poids du réseau de ses
magasins. Si amazon.fr et bol.fr (qui ont refusé de nous répondre), mais
également alapage.com, sont parvenus à prendre pied sur le marché de la vente
en ligne de produits culturels, sans doute est-ce parce qu'ils apportaient une
réelle nouveauté en tant que nouveaux acteurs. La Fnac, de son côté, possède le
plus gros circuit de distribution français, et la notoriété autant que
l'accueil qui est réservé aux consommateurs dans ses magasins supplantent sans
doute encore ceux de son site web.
Des chiffres d'affaires en constante progression
On pouvait certes s'y attendre, mais il est
plutôt rassurant de constater que la totalité des gros acteurs du e-commerce
français ont connu une progression souvent explosive de leur chiffre
d'affaires. + 426 % pour Selftrade, + 400 % pour 3 Suisses, + 300 % pour la
SNCF... Sans parler des... 4 900 % de Blackorange ! Ou des 1 479 % de
Travelprice ! Il est normal qu'en partant de zéro ou, pour la plupart, avec à
peine plus de deux ans d'activité, la progression suive une courbe ascendante.
A ce titre, il sera sans aucun doute beaucoup plus intéressant de se pencher
sur cette évolution à la fin de l'année 2001, afin de mesurer les effets réels
du coup de blues qu'a subi le marché ces derniers mois. La jeunesse du marché
ne suffit pas, néanmoins, à expliquer ces progressions impressionnantes. La
plupart des sites appartenant à ce classement ont investi de façon massive en
communication et se sont équipés des outils nécessaires pour fidéliser leur
clientèle. Aujourd'hui, les consommateurs qui passent commande sur Internet le
font généralement sur un nombre de sites réduits, et donc de façon plus
régulière. Le nombre moyen de clients qu'annoncent les cybermarchands dans
notre classement est de 30 000, ce qui est plus qu'honorable. Surtout si l'on
se met dans la peau de sites à la structure moyenne, comme jouet-online.com,
musicbox.fr, tickenet.fr ou bebloom.com, par exemple. Il n'en reste pas moins
que le véritable enjeu pour tous ces sites va être, dans les années qui
viennent, de ne pas atteindre trop rapidement le seuil limite d'internautes
qu'ils seront en mesure de recruter. Et s'ils l'atteignent, de faire en sorte
que ceux-ci commandent le plus souvent possible et pour une somme la plus
élevée possible.
Des paniers moyens proches de ceux du monde réel
L'une des promesses les plus exploitées par les sites de
commerce électronique pour attirer les internautes concerne les prix bas. C'est
en affichant des prix défiants la concurrence du monde "physique" que la
plupart ont souhaité se faire connaître des consommateurs. Or, si l'on prend le
soin de faire la comparaison entre les deux "mondes", on constate que la
différence n'est pas très importante. Les discounters du Net ne sont pas si
nombreux - on n'en compte même pas dix dans notre classement. C'est que les
réalités économiques ont eu vite fait de rappeler à l'ordre les plus audacieux.
Casser les prix, c'est bien gentil, mais encore faut-il pouvoir l'assumer
financièrement par la suite. Au vu du montant des paniers moyens déclarés par
les sites (par secteur), on ne peut pas dire que les consommateurs dépensent
beaucoup plus en ligne que dans un magasin. Un panier moyen de 250 francs chez
laredoute.fr correspond grosso modo à la commande d'un article. Idem à la Fnac,
où le panier moyen n'atteint même pas 200 francs ou chez Anyway, dont le
montant (3 000 F) correspond, semble-t-il, à une seule et unique commande. Cet
indicateur confirme que c'est davantage la qualité et la richesse des services
proposés par les sites marchands que les prix affichés qui priment aux yeux des
consommateurs. Acheter moins cher un produit, on y parvient toujours en y
consacrant du temps. En revanche, le vrai luxe aujourd'hui, c'est de pouvoir
l'acheter rapidement, confortablement et en bénéficiant d'une attention et d'un
suivi qui nous soit propre.
Des structures à l'effectif de plus en plus important
Qui dit chiffre d'affaires en progression dit
activité plus soutenue. Et qui dit activité plus soutenue dit besoin de
personnel accru. Posséder un effectif à la fois suffisant et compétent est
devenu l'une des priorités des dotcoms. Car, si elles pouvaient se contenter
d'une équipe réduite, il y encore un an ou deux, au moment où elles démarraient
leur activité, il leur est désormais impossible de faire face aux exigences que
leurs ambitions leur commandent sans un minimum d'organisation manageriale.
D'autant plus que, dans certains cas, et le plus souvent dans les filiales des
grands groupes, les interconnexions entre les différents services, si elles
réduisent les responsabilités de chacun, peuvent considérablement accroître le
nombre de missions à remplir. L'effectif moyen calculé à partir des indications
fournies par les sites présents dans le classement est de 70 personnes. Mais la
réalité est sans doute plus proche de la cinquantaine ; les structures
"géantes", comme Fimatex (346 personnes), Télémarket (350) ou Travelprice
(300), augmentant sensiblement cette moyenne. Cette évolution, elle aussi, est
naturelle puisqu'en développant de nouveaux services et de nouvelles activités,
les sites marchands ont créé de nouveaux métiers. Reste à savoir si
l'organisation interne est la même d'une dotcom à l'autre, mais le sujet
mériterait qu'on lui consacre à lui seul une enquête approfondie. En tout état
de cause, le profil type du site marchand n'a plus grand chose à voir avec le
profil "caricaturé" de la jeune start-up dirigée par une équipe de cinq copains
se donnant à 300 % dans leur business. Pour preuve, seulement dix sites
présents dans notre Top 40 ont un effectif inférieur à 20 personnes.
Top 40 : la méthodologie
Le Top 40 des sites marchands français que nous publions a été réalisé en prenant comme indice de référence le chiffre d'affaires 2000 des entreprises interrogées. Ont été uniquement pris en compte les sites français dont le chiffre d'affaires est réalisé par la vente de produits, quel que soit le secteur, ou de services financiers. Le calcul du panier moyen a été réalisé en divisant le chiffre d'affaires par le nombre de transactions. L'ensemble des informations contenues dans le tableau ont été obtenues à partir d'interviews téléphoniques menées par la société Conception Editoriale sur un échantillon de 120 sites représentatifs du marché du e-commerce français, suivies d'une confirmation par fax signée des interlocuteurs contactés. Les sociétés ayant débuté leur activité dans le courant de l'année 2000 n'ont pas été prises en compte dans ce classement. Seules les sociétés ayant accepté de communiquer leur chiffre d'affaires apparaissent dans le classement.