La responsabilité de plein droit du cybervendeur : un régime applicable ?
LCEN L'article 15 de la loi pour la Confiance dans l'économie numérique responsabilise les cybervendeurs français. Or, ce régime n'a pas été notifié à la Commission européenne. Pourrait-il être déclaré inapplicable par les tribunaux ?
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L'article 15 de la loi pour la Confiance dans l'économie numérique (LCEN)
introduit un nouveau régime de responsabilité pour les vendeurs à distance :
“Le professionnel est responsable de plein droit à l'égard du consommateur de
la bonne exécution des obligations
résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient à exécuter
par le professionnel signataire de ce contrat ou par d'autres prestataires de
services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci. Toutefois, il
peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve
que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit au
consommateur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers au
contrat, soit enfin à un cas de force majeure” (nouvel art L. 121-20-3 du Code
de la consommation).
Un régime applicable aux consommateurs et aux professionnels
Le même régime de responsabilité est prévu en cas de transaction par voie électronique, mais son champ d'application sera différent : - en cas de contrat à distance conclu avec un consommateur (par téléphone, fax, Internet, etc.), le régime s'appliquera à l'égard du professionnel uniquement ; - en cas de contrat électronique conclu avec un consommateur ou un acheteur professionnel, il s'appliquera aussi à l'égard du vendeur non professionnel.
Un régime fortement critiqué
Ce nouveau régime de responsabilité contractuelle “de plein droit” est toutefois vivement critiqué, notamment par le secteur des entreprises de vente à distance, qui le considère “discriminatoire”, dans la mesure où il fait peser sur les cybermarchands des obligations plus lourdes que celles prévues pour les vendeurs traditionnels. Les professionnels de la vente à distance se plaignent aussi d'un risque de déséquilibre concurrentiel entre les vendeurs français et les vendeurs étrangers, lesquels ne sont pas soumis à pareil régime dérogatoire. En droit, le nouveau régime institué par la LCEN risque de susciter des problèmes épineux d'interprétation lorsqu'il s'agira de le combiner à d'autres régimes dérogatoires, tels que celui fixé par l'article 23 de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 “fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours”. En effet, l'article 23 prévoit un régime de responsabilité de plein droit, mais l'article 24 en dispense “les personnes physiques ou morales pour les opérations de réservation ou de vente n'entrant pas dans un forfait touristique, relatives soit à des titres de transport aérien, soit à d'autres titres de transport sur ligne régulière”. Si l'opération a lieu en ligne, se posera la question de la préséance de la LCEN sur la loi de 1992. S'agit-il d'une loi postérieure qui déroge à la première ? Ou au contraire d'une loi générale qui doit céder le pas à une loi spéciale ?
Un régime contraire au droit européen ?
Une directive dite “de notification” prévoit depuis 1983 qu'un Etat membre doit informer la Commission européenne et les autres Etats membres de tout projet de règle technique. Après notification par l'Etat membre concerné, commence alors une période de “standstill”, pendant laquelle la Commission et les autres Etats membres peuvent adresser des observations à l'Etat membre qui a fait part d'un tel projet. Dans la mesure du possible, l'Etat membre concerné devra tenir compte de ces observations lors de la mise au point ultérieure de la règle technique. Pendant le “standstill”, l'adoption du projet doit impérativement être reportée. Le champ d'application de cette directive d'information a été modifié à plusieurs reprises et a été fixé pour la dernière fois en 1998 (Dir. 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques). Alors qu'à l'origine, la directive ne concernait que les règles techniques, actuellement, elle a également trait aux règles relatives aux services de la société de l'information (c'est-à-dire des services prestés normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande individuelle d'un destinataire de services). La LCEN relève sans conteste des règles relatives aux services de la société de l'information. Or, force est de constater que le régime de responsabilité des cybervendeurs, tel que finalement adopté, n'a jamais été notifié à la Commission. Conséquence : ce régime pourrait être déclaré inapplicable par les tribunaux... www.ulys.net ; www.droit-technologie.org ; thibault.verbiest@ulys.net