La BLR fera-t-elle décoller le haut débit dans les PME ?
Plus facile et plus rapide à déployer, mais aussi plus économique, la boucle locale radio se positionne comme une alternative avantageuse aux technologies passant par le câble ou les boucles filaires et pourrait s'avérer être la vraie locomotive de l'extension du haut débit en France. Encore faut-il qu'elle trouve son marché.
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"Du haut débit pour tous ! Et en cinq ans s'il vous plaît." Voici ce qu'a
stigmatisé cet été le gouvernement qui mobilisera pour cela une enveloppe de 10
milliards de francs, destinée notamment à soutenir les collectivités locales
dans l'installation de réseaux de fibre optique. Le haut débit, mot magique qui
fait rêver les contenus multimédias et languir le streaming, pourrait bien
trouver une nouvelle porte d'entrée en France via le déploiement de la boucle
locale radio (BLR). Cette technologie, basée sur la transmission hertzienne,
se pose comme une alternative aux technologies fibre optique (ADSL, liaison
spécialisée). Plus facile et plus rapide à déployer, elle promet des
perspectives alléchantes en termes économiques (une réduction de 30 à 50 % des
coûts pratiqués par France Télécom) et des débits pouvant aller jusqu'à 8
Mb/seconde. De quoi contenter les fichiers gourmands en bande passante !
L'attribution des licences de boucle locale radio a fait la Une des médias ces
derniers mois, suivant pas à pas la bataille des opérateurs dits alternatifs
(sous-entendu à l'opérateur historique France Télécom) pour recevoir le
précieux sésame de l'ART (Autorité de régulation des télécoms). Ce "sésame"
autorise une poignée de candidats (une dizaine d'opérateurs dont deux
nationaux), triés sur le volet, à exploiter cette technologie. Après les
tumultes occasionnés par cette attribution, une vague de faillite (Teligent,
actionnaire de BLR Services) et rachat (Fortel, titulaire d'une licence
nationale, racheté par LDCOM/BLR Services) a secoué le petit monde des
opérateurs BLR, à peine remis de la première étape de cette révolution
numérique.
Point de mire : les PME... familières d'Internet
Quatre opérateurs se distinguent pour le moment, avec
le précurseur Belgacom France, titulaire d'une licence régionale qui a ouvert
ses offres dès le 15 janvier 2001 à Roubaix. FirstMark, opérateur national, a
fait également preuve de pragmatisme avec une première ville ouverte le 25
janvier à Nantes. Suivent BLR Services (détenu à 50 % par LDCOM) et Broadnet
(filiale du câblo-opérateur américain Comcast). Le premier, titulaire d'une
licence nationale (via le rachat de Fortel), vise exclusivement les autres
opérateurs, tels que Tele 2. Quant à Broadnet, il s'est lancé un peu plus
tardivement - en juin - avec pour point de mire la région Ile-de-France. Leur
point commun : une cible de PME utilisant Internet au quotidien comme outil de
travail, à la recherche de solutions fiables (moins de saturations, débit
garanti) pour un coût allégé. « En offrant des capacités haut débit aux
entreprises à un coût modéré, la BLR jouera le rôle d'un catalyseur pour un
panel d'applications qui tardaient à pénétrer les PME, pourtant cible
privilégiée. Parmi celles-ci, les services en ASP, la participation aux places
de marché et, bien sûr, le développement de l'e-commerce avec un accès facilité
aux applications hébergées à distance », analyse Roland Delachapelle, P-dg de
l'opérateur Broadnet France.
La guerre des prix n'aura pas lieu
Sur un marché qui s'annonce concurrentiel, ce dernier estime
que la guerre des prix n'aura pas lieu même si ceux-ci seront compétitifs. «
Chaque opérateur va se concentrer sur des segments en particulier. Pour notre
part, il touche en premier lieu une cible sectorielle plus verticale,
constituée de dotcoms ou de professionnels issus des métiers du graphisme et de
la communication. » FirstMark a, quant à lui, signé un accord avec la CGPME
(Confédération Générale des PME) et ratisse donc a priori plus large.Thierry
Mileo, son P-dg, estime que « ses vrais concurrents se situent aujourd'hui
plutôt du côté des opérateurs filaires traditionnels (France Télécom, Colt...)
que du côté des autres opérateurs BLR, en particulier sur les accès d'entrée de
gamme du haut débit (128 Kbps). Il n'y aura de toute façon pas la place pour
quatre opérateurs BLR sur le marché. » Du côté de Belgacom, l'indéniable
avantage réside dans son statut d'opérateur à part entière avec un réseau
téléphonique propre ; celui-ci lui permet d'offrir d'ores et déjà la téléphonie
voix en plus de l'accès Internet. « Un service qui représente encore 80 % des
besoins des PME », note Florent de Kersauzon, Dg de Belgacom France.
L'opérateur a ainsi séduit plus d'une centaine d'entreprises à ce jour avec des
offres packagées combinant voix et Internet. Le package de base débute à 3 600
francs par mois pour un débit illimité de 512 Kbps en réception dont 3 300
francs de forfait voix. FirstMark propose, quant à lui, une offre démarrant à 1
900 francs HT pour un débit pouvant aller jusqu'à 1 Mbps (garantie de 64
Kbps). Un pricing assez agressif donc, mais qui ne doit pas masquer les frais
d'installation (modem, câble de liaison avec l'antenne...), souvent offerts
pour le moment. Ces derniers s'échelonnent entre 10 et 20 000 francs. Enfin,
les économies financières sont les plus significatives sur le haut de gamme du
haut débit (à partir de 1 Mbps). Parmi les premiers clients de ces précurseurs,
on trouve des profils hétéroclites allant des écoles de commerce aux cabinets
de conseil en passant par les grands groupes médias. Une forte demande émane
néanmoins de façon plus aiguë chez les professionnels de la communication dont
les besoins en bande passante (transfert de fichiers, application multimédia,
hébergement...) sont souvent élevés. Enfin, les collectivités locales se
montrent elles aussi très intéressées, notamment pour la vidéosurveillance.
Du débit à la demande !
« Mon premier impératif était
la fiabilité de la connexion et la garantie du débit », avance sans détour Marc
Dietrich, P-dg de l'agence web-marketing Lotonext à Strasbourg. Raccordée
depuis fin mars via FirstMark, cette petite agence de 9 salariés (avec des
clients tels que LibertySurf ou BNP-Paribas) se félicite de son choix. « Notre
activité, qui s'articule autour de la collecte de données (via son propre site
de loterie, ndlr), la gestion de bases et la réalisation de campagnes
d'e-mailing, nécessite une bande passante robuste », explique Marc Dietrich. Sa
ligne spécialisée (LS), pourtant le haut de gamme en matière de haut débit,
souffrait de débits irréguliers pouvant conduire à la déperdition de données.
Aujourd'hui, la société se montre satisfaite de son débit garanti de 1 Mbps et
de la flexibilité qui peut en découler. « Lorsque nous louons notre plate-forme
de loterie dans un cadre événementiel, il suffit d'un appel téléphonique pour
louer un supplément de débit garantissant la disponibilité de l'application en
cas de pics de trafic. La même demande avec ma LS aurait nécessité des
formalités beaucoup plus lourdes. » Enfin l'avantage économique est indéniable
et correspond à une division par deux des coûts (soit environ 7 000 francs par
mois sans la voix). Même enthousiasme du côté du cabinet conseil en patrimoine,
XL Group, basé à Nantes. Cette PME d'une quinzaine de salariés n'a pas hésité
longtemps avant de troquer sa connexion RNIS intermittente et victime de
saturations pour une liaison radio 128 Kbps. « C'est une véritable révolution
culturelle ! », s'exclame Xavier Lamory, P-dg de la société. Fluidité de
navigation, téléchargement de pages ou fichiers en tout genre même les plus
lourds : c'est avant tout la vitesse d'utilisation qui est plébiscitée. « Le
débit payé correspond à un débit seuil, c'est-à-dire à un minimum garanti et
pouvant être dépassé, ce qui permet d'atteindre des pointes de surf très
appréciables ! » Des connexions type ADSL fonctionnent sur le principe du débit
crête, c'est-à-dire pouvant être atteint au maximum mais pouvant être en
dessous. « Par ailleurs, la symétrie du débit est également un avantage
permettant de recevoir et envoyer à la même vitesse (comme son nom l'indique,
l'ADSL reste asymétrique, ndlr). » Au programme : veille économique et
juridique active sur la Toile avec le projet d'automatiser la capture et le
traitement des fichiers d'information. La société se réjouit par ailleurs des
possibilités d'enrichissement de ses dossiers immobiliers (intégration de
visites virtuelles d'immeubles en 3D).
L'e-learning devient une réalité
Dans le haut du marché des PME, le groupe Edhec, gros
consommateur de bande passante sur ses deux campus à Lille et à Nice, teste
avec satisfaction les services de Belgacom. Pour le même coût, l'école a
échangé sa LS de 2 Mbps pour un débit de 4 via la BLR (soit environ 20 000
francs). Objectif : fluidifier le trafic particulièrement intense entre la
messagerie représentant près de 9 000 boîtes ou l'Intranet gérant les plannings
des cours, les offres de stages, etc. « Des projets d'e-learning et de travail
collaboratif entre les étudiants de Lille et Nice sont par ailleurs en cours de
préparation », ajoute Olivier Oger, directeur général de l'Edhec. Les échos
des premiers utilisateurs semblent unanimement positifs. Ceux-ci restent
néanmoins des utilisateurs avertis (disposant pour la plupart d'un accès
internet plus ou moins performant antérieurement). Par ailleurs, la BLR devient
réellement intéressante sur des débits relativement élevés (à partir de 1
Mbps). Enfin, certaines régions, telles que les régions lilloise ou lyonnaise
jugées plus rentables, sont favorisées au détriment de régions moins attirantes
économiquement. L'effet de désenclavement numérique n'interviendra a priori
que dans une moindre mesure. C'est désormais la suite des déploiements des
réseaux qui devra être suivie avec attention (garant de la pérennité des
acteurs), ainsi que la résistance des installations aux intempéries.