L'information payante : une stratégie qui paye !
L'éditeur d'études sectorielles Xerfi a d'abord fait ses preuves dans le off line avant de lancer ses produits sur le Web. Ce développement par étapes lui a permis de concilier innovation et rentabilité.
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«Notre problème n'est pas la concurrence, mais justement l'insuffisance de
concurrence. » Laurent Faibis, le P-dg de Xerfi, illustre par cette formule le
"sous-développement" de l'information profession-nelle en France. Pourtant, dès
le début des années 90, ce diplômé en économie et finances (Sciences-Po, Sup de
Co Rouen et 3e cycle à Dauphine) a compris qu'il y avait une véritable demande
pour des études sectorielles qualitatives sur des sujets tels que les courtiers
en assurances, la distribution des vêtements de sport ou le marché des foires
et salons. « Aux Etats-Unis, cette information économique est très prisée et
elle est diffusée à des coûts relativement peu élevés », renchérit Laurent
Faibis. En 1993, il crée donc l'institut d'études économiques Xerfi avec
Valérie Cohen, une juriste de formation passée sur les bancs de l'Essec. A
l'époque, le support CD-Rom suscite beaucoup d'espoirs et la jeune société
décide de numériser toutes ses données. Les premières années, la quasi-totalité
du chiffre d'affaires est réalisée grâce à la vente d'études sur CD-Rom. En
1998, c'est le début de la diversification sur Internet. D'une part, les
internautes se voient offrir la possibilité de consulter le catalogue d'études
en ligne - environ 1 000 références - et d'autre part, les abonnés peuvent
télécharger ces données directement sur le site xerfi.com. Pour l'année 2000,
le Web a généré 35 % des recettes de l'entreprise et cette proportion devrait
passer à 50 % en 2001. Même si les clients de Xerfi ne payent pas leurs
commandes sur Internet, le site tend à devenir leur principal lien avec leurs
fournisseurs. « Toutes nos techniques d'écriture sont aujourd'hui inspirées par
le Web, explique Laurent Faibis. Les études sont rédigées de façon très
synthétique - 150 pages en moyenne -, afin de pouvoir être lues directement à
l'écran. » En amont, les informations sont collectées par une équipe
d'économistes spécialisés par domaine d'activité. Au total, le groupe emploie
80 collaborateurs, dont 50 pour l'institut d'études Xerfi, les autres étant
répartis entre la société d'édition Xerfi SA et la web agency Zecod.
Une société rentable depuis sa création
La force de
Xerfi est en fait d'avoir conquis une large clientèle - cabinets de conseils et
d'audit, analystes financiers, banquiers, directeurs marketing ou
administrations - avant de lancer ses investissements dans le Web. Aujourd'hui,
la société annonce un cash flow de 3 MF et un bénéfice de 1 MF pour un chiffre
d'affaires d'un peu plus de 20 MF en 2000 (+ 25 % par rapport à l'année
précédente). « Etre rentable sur Internet, c'est possible », clame d'ailleurs
le dernier communiqué de presse de Xerfi, qui rappelle que la société a
toujours été bénéficiaire depuis sa création. « Dès le début, nous avons fait
le pari de l'information payante, souligne Laurent Faibis. Au moment de
l'explosion du Web, certains pensaient que ce modèle ne serait pas rentable
compte tenu de la masse d'informations gratuites qui y circule. Mais,
justement, on s'est aperçu que cette abondance avait beaucoup d'inconvénients
et qu'on pouvait vendre de la valeur ajoutée intellectuelle. » La politique
tarifaire de Xerfi a toutefois été raisonnable, à l'instar de ce qui se fait
aux Etats-Unis où les études sectorielles sont presque assimilées à des biens
de consommation courante ! Les enquêtes de Xerfi, exclusivement destinées aux
professionnels, sont aujourd'hui vendues entre 2 500 et 10 000 francs avec un
prix moyen de 3 500 francs. Xerfi ne réalise pas d'études sur commande et mise
sur des sujets d'actualité (exemple : la Bourse en ligne) pour augmenter sa
diffusion. En outre, parmi le millier de références, 500 titres sont réédités
chaque année. Ce business model ayant eu le mérite de faire se preuves, les
financiers n'ont pas hésité à renouveler leur confiance à l'équipe dirigeante.
En mars dernier, Xerfi a procédé à une troisième augmentation de capital de 4
MF avec, notamment, une participation de 3 MF de l'un de ses investisseurs
historiques, la société de capital-investissement Cinindev (groupe CIC). Cet
argent frais va en partie servir à développer l'activité internationale de
Xerfi, illustrée par la publication de 80 nouveaux titres depuis l'année
dernière, comme par exemple "La plasturgie en Allemagne" ou "La distribution
automobile au Royaume-Uni". Mais, surtout, Xerfi parie sur la montée en
puissance de ce marché des études sectorielles et prévoit un doublement de son
chiffre d'affaires sur la période 2001-2002. Laurent Faibis en est plus que
jamais convaincu : les internautes sont prêts à mettre la main à la poche pour
se procurer une information professionnelle de qualité.