L'e-commerce surfe sur la vague équitable
Face à la crise et aux préoccupations environnementales et sociales, le «consommer responsable» est devenu plus qu'une mode. Un créneau porteur qui a tout à gagner d'une présence sur le Web.
Je m'abonneSelon un sondage mené par TNS media intelligence pour le cabinet Ethicity en mars dernier, le développement durable est une nécessité pour plus de 75% des Français. Une base de «consom'acteurs», représentant environ 20% de la population, affirme même effectuer régulièrement des achats responsables. Ainsi, selon OpinionWay, 58% des Français auraient acheté au moins un produit bio dans les trois derniers mois et 52% un produit équitable.
Le secteur est donc en pleine expansion, explique Jean-Marie Boucher, créateur de ConsoGlobe, un portail phare du secteur qui permet aux internautes concernés de s'informer, d'échanger, de faire du shopping, de la location ou des dons. «Depuis notre arrivée en 2005, nous avons enregistré plus de 400% de croissance par an.» Avec 1,5 million de membres et au total 1 million de visites par mois, ConsoGlobe est un des leaders de l'info et de la consommation écolo sur le Web. Un succès qui repose sur une approche transversale. Le site comporte en effet trois pôles: «Infos», «Services entre particuliers» et «Bou tique». Le visiteur vient donc chercher des informations, des conseils ou des services, comme la plateforme de dons ou de troc. La section purement marchande quant à elle, ne représente que 25% des visiteurs. Un trafic toutefois très qualifié.
Des produits phares
D'autres acteurs investissent le créneau, comme les sites des grands distributeurs, qui se positionnent notamment sur le bio. Houra.fr dispose ainsi d'une gamme de produits écologiques et verts, riche de plus de 1 700 produits, à peu près autant qu'une supérette bio. Antoine Fruneau, directeur commercial, explique: «Le marché des produits bio est en forte croissance, de 30 à 40% par an, et représente 9% de notre CA. Mais si deux clients sur trois ont un produit bio dans leur panier, ce sont avant tout des consommateurs lambda, qui se font plaisir sur un certain type de produit, les fruits et légumes étant les plus demandés. A l'inverse, le commerce équitable, avec 0,3% du CA, reste minoritaire bien qu'en croissance.»
Un phénomène qui, s'il reste émergeant, est solidement ancré sur la toile avec des sites tels que Natoora.fr ou Paysans.fr pour l'alimentation biologique. Certaines boutiques spécialisées tirent également leur épingle du jeu, à l'image de MondeBio.com (cosmétiques «verts»), d'Ekoshop.com (maison) ou de PlaneteCoton.com (vêtements pour enfants en coton biologique).
On assiste ainsi à un véritable engouement pour certains produits, affirme Jean-Marie Boucher, de ConsoGlobe. «Les best-sellers, depuis quelque temps, sont les produits d'entretien, explique-t-il. Nous vendons également beaucoup de cosmétiques bio, de produits pour les enfants et de petits appareils à faible consommation d'énergie.»
Nicolas Ollier, fondateur de Greenzer, portail qui répertorie et classe des produits écolos, note également l'apparition d'une forte demande pour les cosmétiques, les vins et le «green high-tech», c'est-à-dire les équipements informatiques et électroniques les plus respectueux de l'environnement, comme les chargeurs solaires, ou les mobiles «verts».
La présence sur le Web, intégrée à une stratégie multicanal reste un atout particulier pour ce type de produits. En raison de leur disponibilité, tout d'abord. Pour les responsables des sites de commerce équitable comme Ethiquable.com ou Nosmeilleurescourses.fr, distribuant les produits d'Alter Eco, la présence sur le Web assure la disponibilité de l'intégralité de la gamme pour les clients. Un positionnement qui permet également de toucher des consommateurs situés dans des zones ou l'accès aux produits responsables est peu développé. Bien sûr, les problématiques classiques de l'e-commerce (référencement, attractivité et ergonomie du site, processus de commande et livraison) restent essentielles pour développer les ventes.
Des internautes en quête d'informations et de sens
Si la consommation responsable a le vent en poupe, il reste toutefois à convaincre de nombreux consommateurs. Selon Ethicity, 68% de la population Française considèrent que les produits et services de la consommation responsable ne sont globalement pas attractifs et 76% les jugent plus chers que les produits classiques. Un sérieux frein, puisqu'ils ne seraient que 16% à être prêts à payer d'avantage pour ces produits. Pour se développer, le marché a donc un long chemin à parcourir. Outre les qualités intrinsèques du produit et son prix, les Français, dans leur ensemble, veulent plus de clarté, plus de transparence et plus d'informations. Il peut être nécessaire d'aller jusqu'à expliquer les enjeux écologiques et sociaux qu'implique la consommation de chaque produit car, faute de garantie sur les conséquences positives de leur achat, beaucoup ne passeront pas à l'acte. Explications des labels, descriptifs des produits, de leur composition, de leur origine et comparaison avec des articles classiques sont essentiels pour convaincre les «consom'acteurs». «Une population attentive, critique, surinformée, qui exige de la cohérence entre les discours des entreprises et leurs actes», explique Elizabeth Pastore-Reiss, directrice d'Ethicity.
Et puisque consommer durable pour les consommateurs, c'est également dépenser moins, il est intéressant pour les sites d'insister sur les prix d'usage des produits comme les boules de lavage en machine ou les appareils électriques à très basse consommation. Comme le remarque Jean-Marie Boucher, «lorsque l'on compare un produit d'entretien «vert», moins nocif et moins cher à l'usage qu'un produit classique, les ventes décollent!» Certains mettent également en avant de nouveaux modes de consommation tels que l'échange ou la location et intègrent les avis des consommateurs, des systèmes de notation (suivant des critères responsables, bien sûr), ou utilisent un panel de testeurs. ConsoGlobe mise ainsi sur une équipe de membres actifs et engagés, qui teste les nouveaux produits, alors que Greenzer attribue des notes qui permettent de comparer différents produits, grâce aux labels et certifications fournis par les entreprises.
Une évolution vers le participatif qui n'a rien d'étonnant dans ce secteur. Le développement durable et Internet permettent, en effet, de laisser plus de place à l'expression de la parole citoyenne. Les e-marchands doivent maintenant prendre en compte les aspirations de ces «consom'acteurs».
La coopérative Ethiquable s'appuie sur le Web pour rendre accessibles ses produits éthiques.
Nicolas Ollier (Greenzer): «On note l'apparition d'une forte demande pour les cosmétiques, les vins et le «green high-tech».»
Ventes-responsables.com, un site de vente privée bio, écolo et équitable!
Les recettes éprouvées de l'e-commerce s'appliquent également à la consommation responsable. Ventes-responsables.com, lancé en janvier 2009, propose des ventes privées de produits équitables, bio ou écologiques. Fondée par Geoffroy Blondel de Joigny et Kilian O'neill, deux jeunes excadres dans la grande consommation et les télécoms, l'entreprise se veut «citoyenne». elle a ainsi mis en place plusieurs politiques: «zéro papier», transports propres en interne, livraison de colis 100% recyclables ou biodégradables. engagée, elle reverse également 1 euro par commande passée à l'Unicef. Ventes-responsables.com, qui veut à la fois rendre les produits responsables plus accessibles et soutenir la filière, affiche d'ores et déjà des débuts prometteurs.