L'An 1 de la signature électronique
Condition impérative au développement des échanges, la signature électronique ouvre la voie au business du paraphe. Un marché en plein essor et prometteur pour les acteurs de la certification et de la confiance. En attendant la démocratisation de la signature numérique et son extension à tous les usages de la vie courante, les secteurs clés (banque, finance et certaines administrations) ont déjà posé leur pions sur ce grand échiquier.
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En passe de devenir l'enjeu essentiel du 3e millénaire, la rapidité des
échanges réalisés via Internet est d'ores et déjà un axe stratégique fort,
voire incontournable, pour assurer la prospérité des économies de marché. Or,
pour s'épanouir pleinement, le commerce électronique devait encore régler
plusieurs difficultés : les incertitudes juridiques et la sécurité des acteurs.
Dans ce contexte, un pas de géant vient d'être accompli le 30 mars dernier.
Rendu public au Journal Officiel, le décret sur la signature électronique fixe
enfin un cadre commun d'utilisation du paraphe numérique et des conditions de
sécurité et validité de sa réalisation. La généralisation de ce décret devrait
d'ailleurs consacrer l'envol des transactions en ligne, à commencer par le
secteur B to B où la signature digitale trouve déjà ses premiers débouchés,
sans oublier les applications naturelles qu'elle trouvera dans le secteur grand
public. Désormais, les courriers électroniques, les contrats, les commandes,
les déclarations fiscales, les formalités administratives et toute autre
transaction dématérialisée ont la même force probante que les écrits sur
support papier dès lors qu'ils sont signés électroniquement.
La loi simplifie les échanges
Première conséquence directe de ce décret :
des échanges via le Net accélérés, moins coûteux pour les entreprises et les
administrations et, in fine, beaucoup plus sécurisés. En effet, le décret ne se
contente pas de donner un statut à la signature, mais définit clairement le
contexte de confiance à mettre en oeuvre pour sa réalisation. Presque
paradoxalement, la dématérialisation de la preuve s'ancre ainsi dans une
réalité bien matérielle, celle de l'environnement électronique associé à la
réalisation d'un paraphe virtuel, et celle du contexte d'authentification des
intervenants sans lequel la signature électronique ne serait jamais qu'un début
de preuve. Certificats électroniques, autorités de certification,
cryptographie, chiffrement, clés publiques, clés privées, PKI... Tous ces
termes technologiques désignent les rouages essentiels à la création d'un
contexte de sécurité maximale nécessaire à la réalisation d'un sceau numérique.
En effet, l'acte de signer en ligne ne se résume pas à la simple transcription
d'un nom réalisée au moyen d'un clavier. Selon le dispositif prévu par le
décret, la signature numérique devra mettre en oeuvre des technologies très
sophistiquées faisant appel au principe des clés de cryptographie ou
chiffrement. A la base, le modèle de la signature utilise deux clés, l'une
publique, l'autre privée, liées entre elles. Seule la clé publique est
communiquée au destinataire pour lui permettre de décoder le document reçu. La
clé privée ne circule jamais. Lorsque le destinataire est assuré de la
provenance d'un message, il actionne à nouveau la clé publique pour encoder le
message. Seul le destinataire possédant la clé privée pourra le lire. Pour
créer une signature électronique, plusieurs formes de matériel, logiciel ou
électronique, sont aujourd'hui proposées : carte à puce avec code secret,
détecteur d'empreintes digitales (système biométrique) ou encore un logiciel
installé sur le disque dur de l'ordinateur. Quelle que soit la solution
retenue, le détenteur d'une clé privée est le seul à la connaître et se doit de
la conserver scrupuleusement. Pour bénéficier d'une signature électronique, le
demandeur doit au préalable s'inscrire auprès d'un prestataire agréé qui lui
délivre une signature et un couple de clés, l'une pour le paraphe, l'autre pour
la vérification de l'identité de l'émetteur. Le certificat associé à ces clés
comporte les données relatives au signataire, sa date d'expiration ainsi que le
nom de l'organisme de certification. Pour signer un document, il suffira
simplement d'insérer le CD-Rom contenant la signature ou encore de télécharger
le logiciel stocké sur un serveur. Les solutions carte à puce ont l'avantage
d'être transportables, mais l'inconvénient d'être tributaires d'un équipement
particulier (un lecteur de cartes) pour être utilisées. Enfin, les solutions
logicielles sont installées sur le disque dur de l'utilisateur qui n'a plus
qu'à cliquer sur une icône prévue à cet effet pour réaliser sa signature.
Entre technologie et services, le marché du seing numérique
L'écrit numérique est recevable comme preuve sous
réserve que la personne dont il émane puisse être identifiée et qu'il soit
conservé dans des délais et conditions qui en garantissent l'intégrité (Art
1316-1). Bien qu'elles soient clairement fixées par le décret, les conditions
d'admission légale d'un document électronique posent déjà plusieurs problèmes :
comment vérifier l'authenticité de l'émetteur en ligne et comment s'assurer de
l'inviolabilité du document dans un contexte dématérialisé ? « Pour que tout
cela marche, il faut instaurer la confiance, indique Jacques Pantin, P-dg du
cabinet de conseil Dictao, spécialisé en stratégie de confiance. Car,
contrairement à la signature manuscrite, la signature électronique, composée de
chiffres, de lettres et d'autres signes, ne comporte aucun élément permettant
de l'attribuer à une personne donnée. » Pour résoudre la question, le décret
préconise d'ailleurs le recours à des services de certification, habilités à
fournir des certificats prouvant le lien entre signature et signataire. « Ce
décret apporte beaucoup parce que l'entreprise ne doit plus passer son temps à
calculer le risque des échanges, mais plutôt les économies qu'elle réalise
enfin grâce à ce dispositif de confiance », précise Jacques Pantin. C'est
précisément autour de ces pôles de confiance que s'est organisé le marché du
seing numérique. D'un côté, l'enjeu de la délivrance de certificats a vu se
multiplier les organismes chargés d'assurer la certification et de garder les
traces des signatures électroniques, de l'autre, les acteurs spécialisés dans
les infrastructures de confiance (PSC), qui s'activaient déjà bien avant le
décret pour imposer en standard leurs solutions respectives. Pour garantir
l'identité réelle des interlocuteurs, le décret stipule de joindre à la
signature l'équivalent d'une pièce d'identité électronique. Autrement dit, la
signature électronique repose à la fois sur un socle technologique, la PKI
(infrastructure à clés asymétriques), et sur un système de certification
émanant d'une autorité apte à délivrer ces passeports numériques. Responsables
de l'émission des certificats et de leur gestion, les Autorités de
Certification (AC) s'appuient à leur tour sur les prestataires techniques dont
elles approuvent les moyens et procédures.
Les téléprocédures attisent les convoitises
Quel sera le poids du marché de la
certification ? En France, d'après une étude réalisée par Andersen Consulting,
seuls 5 % des entreprises ont, à ce jour, déployé des solutions de signature
électronique. Cependant, 15 % des entreprises ont des projets en cours de
déploiement et près de 30 % réalisent actuellement des études de faisabilité.
Cette tendance permet d'envisager une prospérité certaine, notamment pour les
PSC positionnnés sur le créneau de la PKI. En 2000, ce marché représentait déjà
300 M$. Impulsé par l'usage du paraphe, il devrait croître jusqu'à 1,2 Md$ en
2003 (source IDC). Bien qu'il eut sans doute été naturel de confier le rôle
d'AC à un organisme public, comme c'est le cas en Allemagne ou en Italie, nul
ne s'étonnera de la rapide prolifération, en France, d'acteurs issus du domaine
de la finance, de la justice, mais aussi du secteur privé, qui n'ont pas
attendu l'arrêté du 30 mars pour occuper le créneau. Car les enjeux sont de
taille et attisent les convoitises. Imposés aux entreprises dont le chiffre
d'affaires dépasse les 100 MF, la déclaration et le paiement de la TVA en ligne
concernent, dès cette année, pas moins de 17 000 entreprises qui devront se
munir du passeport électronique pour réaliser cette opération. Et, à court
terme, la dématérialisation des procédures administratives devrait s'étendre
jusqu'aux marché des particuliers. Et ce n'est qu'un début. Face à ces
opportunités, en termes de délivrance de certificats, les CCI, les professions
libérales, mais aussi La Poste sont déjà entrées dans la danse en créant leur
propre autorité de certification, tout comme l'ont fait les banques désireuses
d'étendre l'utilisation du certificat à d'autres types de transactions.
Les CCI créent une autorité de certification européenne
Dès le mois de février, les CCI européennes tentaient de s'imposer en chef de
file sur le marché de la certification. Concrètement, la démarche s'est
traduite par la constitution de l'Autorité de Certification Chambersign. Forte
de sa présence paneuropéenne et des 10 réseaux nationaux de CCI essaimés sur le
Vieux Continent, Chambersign a récemment été gratifié de l'agrément du
ministère de l'Industrie, et lorgne d'ores et déjà sur l'Amérique du Sud, avant
d'envisager le déploiement en Asie. Pour s'imposer, Chambersign mise sur la
délivrance de certificats subordonnés au face à face, jugés plus fiables que
leurs homologues délivrés par courrier. Le premier produit proposé par
Chambersign, le certificat Inition, est commercialisé aux entreprises sous
forme d'abonnement annuel pour la modique somme de 40 euros. Il permet de
signer des documents électroniques et d'accéder à des sites protégés (places de
marché, Extranet), et offre la possibilité de chiffrer des messages sur les
réseaux publics. « Sous l'impulsion des téléprocédures, acquérir une signature
pose la question de savoir à qui donner sa confiance pour faire authentifier sa
signature, ce qui est une démarche plus complexe que la simple acquisition d'un
produit », indique François-Xavier Marquis, délégué général de Chambersign
France. Afin d'accélérer le développement des téléprocédures, Chambersign s'est
récemment associé à Ernst & Young dans un programme commun de sensibilisation
et de formation à l'intention des entreprises sur les questions relatives au
projet TéléTVA destiné à l'univers professionnel.