Internet représen tera 20 à 25 % de notre CA d'ici trois ans
Pour TF1, le e-commerce est, en complément de la publicité, un des moyens les plus efficaces pour financer ses offres de contenu. En lançant ses deux nouveaux sites, shoppingavenue.com et tf1music.fr, TF1 Shopping, le département vente directe et multimédia de la chaîne, compte explorer de nouveaux marchés, comme le confie son P-dg.
Je m'abonneComment s'organise l'activité de TF1 Shopping ?
Le
département TF1 Shopping regroupe l'ensemble des activités de vente directe et
multimédia de la chaîne. La plus ancienne est l'enseigne Téléshopping, qui a 14
ans, et qui se compose d'un catalogue, d'une émission et d'un site web :
teleshopping.fr. La deuxième est Shopping Avenue, une chaîne diffusée en
continu sur TPS, elle aussi dotée d'un site web, shoppingavenue.com, que nous
souhaitons imposer comme le "grand magasin" du Web. Enfin, la toute dernière,
inaugurée le 25 septembre, est tf1music.fr, qui vend des CD à la carte.
Quel est son chiffre d'affaires et comment se répartit-il ?
TF1 Shopping devrait atteindre, à la fin de l'année, un chiffre
d'affaires de 100 millions d'euros, ce qui correspond à une progression de 70 %
depuis 1994. A elle seule, l'émission Téléshopping représente 90 % de ces
résultats. Mais, à l'avenir, cela sera un peu différent. Tf1music.fr ou
Shopping Avenue pourront tout à fait représenter un tiers des revenus globaux,
voire plus. Teleshopping.fr recense 5 000 commandes par mois et est rentable
depuis 1999.
De quel budget disposez-vous pour développer les activités e-commerce de TF1 Shopping ? Et quels résultats espérez-vous atteindre ?
Nous comptons investir 10 millions d'euros dans les
trois prochaines années. Le budget se répartira à parts égales entre
shoppingavenue.com et teleshopping.fr d'une part, et tf1music.fr de l'autre,
qui a nécessité un investissement technologique plus important (5 millions
d'euros) au départ. Globalement, nous estimons que TF1 Shopping va réaliser un
chiffre d'affaires de 150 millions d'euros d'ici 2004, dont 20 à 25 %
proviendra du Net.
Existe-t-il des connexions entre les trois enseignes ?
Essentiellement au niveau du marketing. Par exemple,
la centrale d'achat est la même pour Téléshopping et Shopping Avenue. Et
l'activité logistique des enseignes est dirigée par une seule personne.
Qu'est ce qui distingue shoppingavenue.com de teleshopping.fr ?
L'objectif des deux sites est différent. Compte tenu de la
puissance de l'émission Téléshopping, son site est avant tout destiné à être au
service du magasin. Shoppingavenue.com se positionne davantage comme un grand
magasin. Il référence 1 500 produits, contre 600 pour teleshopping.fr, et,
comme il est moins tributaire des émissions TV, il a créé son propre
positionnement en visant une population plus large, plus jeune et plus urbaine.
Shoppingavenue.com a une approche beaucoup plus Internet, orientée conquête de
marché, alors que Téléshopping possède déjà sa clientèle et est là avant tout
pour la servir. Le seul trait d'union qui relie les deux sites est
l'utilisation de la vidéo, que l'on considère comme l'élément essentiel de
l'acte d'achat. Car même les produits vendus diffèrent. Sur Téléshopping, nous
n'avons pas le droit d'afficher la marque à l'antenne, ce qui signifie que les
produits plutôt électroniques, par exemple, seront plus présents sur Shopping
Avenue, qui est aussi une vitrine d'image pour les marques.
Combien de clients comptez-vous ?
TF1 Shopping regroupe 2,1 millions de
clients, dont 35 000 pour teleshopping.fr et 3-4 000 pour shoppingavenue.com,
qui est beaucoup plus récent.
Comment comptez-vous faire croître shoppingavenue.com, pour lequel vous semblez avoir de grandes ambitions ?
Nous réfléchissons actuellement à des rachats de sites marchands
pour étendre la gamme de produits proposés. Nous visons des sites généralistes
qui ont, soit des produits identiques aux nôtres mais pas d'accès à la
télévision, soit qui concernent des univers où nous ne sommes pas très forts,
comme l'électronique ou l'informatique.
Quels avantages auriez-vous à effectuer ces rachats ? Car au niveau de l'offre produits, ces sites ne vous apporteraient pas grand chose.
Nous nous intéressons
avant tout à leur savoir-faire sur les métiers de l'Internet. Car nous sommes
malgré tout dans une phase de conquête sur le Web. Il faut bien se rendre
compte qu'Internet, au départ, est un challenge technologique. Lorsque l'on se
lance dans le e-commerce, on rencontre un tas de problèmes techniques qui, si
l'on n'y est pas préparé, peuvent s'avérer insurmontables. Racheter un site,
c'est acquérir une technologie que l'on n'a pas et donc un gain de temps. Mais
c'est aussi, bien entendu, un rachat de clientèle.
Ne craignez-vous pas une cannibalisation de teleshopping.fr par shoppingavenue.com ?
Sans parler de cannibalisation, nous risquons d'assister à un
transfert d'une clientèle adepte du téléphone vers l'Internet. Mais nous
n'attendons que cela car cette migration se traduirait par une économie
substantielle au niveau du coût/contact. Pourtant, nous ne privilégierons
jamais Shopping Avenue au détriment de Téléshopping. L'émission existe depuis
maintenant 14 ans et nous n'aurions aucun avantage à tenter de rajeunir sa
clientèle, au risque de la perdre. Et puis shoppingavenue.com a un tel
territoire à conquérir qu'il est loin de représenter une menace pour son
cousin.
Mais vous allez quand même privilégier Shopping Avenue dans votre communication ?
Certainement. Aujourd'hui, teleshopping.fr
n'a pas intérêt à aller chercher une nouvelle audience. Nous avons d'ailleurs
stoppé la plupart des collaborations que nous avions engagées avec quelques
grands portails car ce n'était pas économiquement rentable.
Comment sont organisés les achats de vos sites web ?
La
centrale d'achat est interne. L'équipe est composée de quatre acheteurs
organisés par secteur, placés sous la direction d'un directeur des achats,
Bernard Nennig, qui a passé 12 ans dans le groupe Cora et qui nous apporte un
savoir-faire précieux.
Parlez-nous de l'organisation logistique des sites.
Elle est assurée par un prestataire commun aux deux
sites, qui est ABX. Les colis sont entreposés dans un entrepôt de 6 000 m2 et
restent maximum une journée sur place. Ils sont ensuite directement remis au
prestataire de livraison, que ce soit La Poste, Diffusion Plus ou un autre.
Pour les colis un peu volumineux ou à grand succès, comme l'oreiller du
confort, nous avons une chaîne particulière et un stock particulier directement
chez le fournisseur.
Avec tf1music.fr, vous avez fait le choix de vendre des CD gravés à la carte sur un support physique, en tournant le dos au téléchargement. Pour quelles raisons ?
En l'état actuel, nous ne
croyons pas du tout au téléchargement car c'est une source de conflits
d'intérêts permanents avec les ayants droit et il suppose des contraintes
techniques complexes. D'autre part, il apparaît clairement que les
consommateurs ne sont pas encore prêts à payer pour de la musique
dématérialisée, alors qu'ils ont pris goût à l'écoute au titre. Le CD à la
carte est donc une vraie alternative. Enfin, il faut être réaliste, le
téléchargement ne garantit pas la rentabilité des plates-formes de musique en
ligne, comme MusicNet ou PressPlay qui s'apprêtent à démarrer. Nous-mêmes, pour
atteindre notre objectif de 200 000 ventes annuelles, soit 600 par jour, nous
savons que cela va être difficile. Alors, pour un type d'achat qui ne concerne
même pas 1 % des internautes en France, franchement...
Quelle cible visez-vous à travers tf1music.fr ? Correspond-elle à celle de TF1 ?
Nous visons clairement un public plus jeune. Mais le but du plan
médias de TF1music n'est pas d'imposer TF1 en tant que marque crédible sur la
musique. Ça, c'est davantage le rôle des émissions comme Star Academy, voire de
notre label UneMusique. Notre positionnement se base avant tout sur l'aspect
technologique, puisque nous avons une innovation unique. TF1 a un rôle
fédérateur et possède une image suffisamment crédible pour obtenir des majors
les titres que l'on souhaite avoir dans le catalogue.
Comment est structurée l'organisation logistique de tf1music.fr ?
Elle est
séparée des autres sites. La commande qui provient du site arrive directement
chez notre prestataire presseur, MPO, le plus important en France. Mais nous
sommes en discussion avec d'autres sociétés, des Américains notamment, qui
souhaitent investir en France. Pour la livraison, nous dépendons de La Poste et
nous livrons en une semaine maximum.
C'est un délai relativement long pour un simple CD, non ?
Oui, mais attention, nous faisons du
sur mesure. Et le client se montre plus indulgent quand il bénéficie de cette
qualité de service.
Comptez-vous passer par des services de picking en points de vente de proximité pour permettre à vos clients de récupérer leur CD ?
Certaines entreprises nous ont déjà proposé ce
type de service pour Téléshopping, mais ce n'est pas un service adapté pour la
musique. Le défaut du système, c'est qu'il incite au renvoi. Lorsqu'un client
redépose un produit dont il ne veut pas pour une raison X ou Y, vous avez
d'énormes frais pour aller le chercher : un emballage à refaire, une flotte de
camions à constituer, etc. C'est un autre métier, celui des vépécistes purs et
durs, mais pas le nôtre.
Tf1music.fr sera-t-il accessible depuis un téléphone mobile ?
Nous avons effectivement prévu de permettre à
nos clients d'accéder au service dès qu'il entend un morceau à la radio, à
l'image de ce que fait Mobiquid, par exemple. Il suffit d'envoyer un SMS à
l'utilisateur en lui indiquant quel est le titre qu'il est en train d'écouter
et d'inclure un lien qui lui permet de l'ajouter sur un compte dont il aura été
initialement crédité sur le site. Ce service sera opérationnel dans moins de
six mois.
Comment TF1 compte-t-elle promouvoir la culture de l'achat sur Internet qui, pour le moment, ne concerne qu'une minorité de consommateurs ?
Si nous avons lancé shoppingavenue.fr et
tf1music.fr, c'est bien parce que nous croyons au e-commerce. Nous partons du
principe qu'il faut faciliter la vie des internautes. La compile en un clic,
qui est le slogan de campagne de TF1music, est assez simple à comprendre et à
utiliser. Nous sommes les premiers à le faire, mais des concurrents comme
Carrefour ou la Fnac travaillent sur un produit identique. Je leur souhaite
d'ailleurs bon courage car ils n'ont pas encore négocié les droits et n'ont pas
non plus la technologie. De toute façon, c'est le contenu qui va faire
développer Internet. Et TF1 mise tout sur ce contenu. Avec un produit comme
tf1music.fr, on commence à justifier Internet qui est du one-to-one avant
tout.
Quel regard portez-vous sur le e-commerce aujourd'hui ?
C'est un environnement où les interdits sont encore bravés. Je
suis, par exemple, très dubitatif sur la réussite de sites qui n'ont d'autre
valeur ajoutée que les prix bas. Selon le site, le prix peut varier de - 10 % à
- 30 % sans que l'on sache quel est le vrai prix affiché par le fabriquant. Or,
ce qui permet de développer une enseigne aujourd'hui, ce n'est plus le prix,
mais le contenu. Et de ce côté là, en France, il y a encore du chemin à faire.
TF1 Shopping en chiffres
- 100 millions d'euros de chiffre d'affaires. - Plus de 2 millions de clients. - 3 000 produits référencés. - 1 500 nouveaux produits par an. - 6 000 m2 d'entrepôt. - 1,6 million de colis expédiés chaque année. - 11 catalogues envoyés par an aux 600 000 meilleurs clients. - 500 fournisseurs. - 4 millions d'appels traités par 200 téléopérateurs sur 3 centres : Paris, Lyon, Roubaix.
Biographie
Michel Kluber, 39 ans, est ingénieur télécom de formation. Diplômé de Télécom Paris en 1984, il débute sa carrière chez EDF au sein d'une société de services interne à l'entreprise dans laquelle il reste quatre ans, avant de préparer un MBA à HEC. Il rejoint par la suite TF1 en 1991 et intègre l'équipe qui gère la reprise d'Eurosport en tant que directeur adjoint de la distribution. Il devient par la suite responsable du développement européen de la chaîne, fonction qu'il occupe pendant près de 10 ans. Il est nommé directeur général de TF1 Shopping en décembre 2000.