Internet bouleverse les rapports de force fabricants/distributeurs
La plupart des grands constructeurs informatiques développent une offre de commerce électronique. Mais leur position autrefois dominante est totalement bousculée par l'apparition des sites de ventes de matériel informatique 100 % Internet qui, grâce à une qualité de service toujours plus performante, s'accaparent une belle part du marché.
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La vente en ligne n'est pas encore une activité partagée par tous les
constructeurs informatiques. Certaines marques n'ont pas encore franchi le pas
et se contentent de proposer une présentation de leurs produits sans toutefois
les vendre depuis leur site web. Quelques-unes vont même jusqu'à fournir en
ligne les coordonnées d'autres sites qui proposent la vente de leurs
références. C'est le cas de Toshiba. Cette marque, plus particulièrement connue
pour ses ordinateurs portables, dispose d'un site complet, créé en février
1998, mêlant l'institutionnel et la démarche marchande, mais sans réellement
proposer de transactions en ligne. Interrogé à ce propos, Olivier Maria,
responsable informatique et web manager du site toshiba.fr, déclare : « Notre
stratégie de vente en direct en est effectivement encore au stade de l'étude.
Cependant, le choix des revendeurs que nous conseillons sur le site est
réfléchi puisqu'il s'agit de partenaires qui sont membres de notre réseau de
distributeurs agréés. » Avec 70 000 visiteurs par mois, Olivier Maria refuse
toutefois de considérer son site comme un simple détail dans la stratégie de
développement e-business de Toshiba. Pour en assurer la maintenance, la marque
s'est adressée à la société Supporter, qui soutient techniquement l'équipe
interne de 15 personnes qui y sont également affectés. Toshiba ne se contente
pas de proposer des informations sur ses produits uniquement informatiques,
mais étend ses références au matériel vidéo, à la bureautique et même au
matériel médical. En tout, ce sont plus de 300 références qui sont présentées.
Malgré tout, la réflexion que mène toujours Toshiba sur la façon de développer
sa stratégie en ligne se traduit dans les faits par un manque de rupture entre
ce que propose la marque sur son site web et ce que le client peut trouver en
magasin. Le site manque, par exemple, cruellement d'interactivité. L'impression
générale qui s'en dégage est que la marque ne souhaite pas en faire, à
proprement parler, un site de vente. Une impression qui dérange quelque peu,
surtout lorsque l'on connaît le potentiel du secteur informatique en termes de
commerce électronique. Les différentes études le prouvent régulièrement,
celui-ci est une des catégories leaders en matière d'achat en ligne. Selon
Netvalue, par exemple, 61,6 % des internautes résidentiels se sont rendus au
moins une fois sur un site informatique durant le mois de février 2000.
HP : du professionnel au grand public
Chez Hewlett
Packard, la nécessité de se positionner comme vendeur de sa propre marque se
fait également sentir. Tatiana Pissarenko, web éditeur de francehp.com, expose
la motivation de l'entreprise qui souhaite donner un second souffle à son site
déjà existant. « Nous avons lancé, le 18 avril dernier, une nouvelle version de
la partie marchande du site, désormais ouverte au grand public et non plus
seulement aux professionnels. Nous allons d'ailleurs accompagner ce lancement
d'une vaste campagne de communication. » Ce nouveau site se veut complémentaire
du site institutionnel que Hewlett Packard développait jusqu'à maintenant, et
qui continuera de servir d'ambassadeur de la marque sur Internet. Ce
positionnement ne signifie pas pour autant que la marque ne s'intéresse pas aux
différentes initiatives amorcées par ses concurrents. « Nous n'excluons pas,
par exemple, d'avoir un jour recours aux ventes aux enchères, déclare Tatiana
Pissarenko. Simplement, comme la plupart des acteurs du commerce électronique,
nous avons une visibilité assez réduite de l'avenir. Par conséquent, nous
progressons pas à pas. » A l'heure actuelle, la partie marchande du site n'est
pas encore particulièrement valorisée. L'arborescence mise en place autour de
la prise de commande est particulièrement lourde et, à moins de savoir
précisément ce que l'on désire, on passe pas mal de temps devant son écran
avant d'aboutir au produit souhaité. La problématique que doivent résoudre
désormais les grands fabricants tels que Toshiba, Hewlett Packard ou encore
Compaq, est la suivante : comment récupérer la gestion de la clientèle en ligne
qui était, jusqu'à maintenant, l'apanage des distributeurs ?
Dell : la référence du secteur
Le chantier est plus important que l'on
veut bien le croire, et sur ce point, les entreprises qui sont nées sur
Internet, et qui ne développent leur activité que sur le Web, possèdent un
avantage concurrentiel certain. En matière de commerce électronique, Dell fait
figure de référence absolue. La marque lancée par Michael Dell a bâti son
empire sur le Web en privilégiant la personnalisation et la conception sur
mesure des produits, si bien qu'elle devance aujourd'hui toutes les marques des
fabricants traditionnels. D'ici la fin 2000, la part des ventes réalisées par
la marque américaine sur Internet devrait représenter 50 % de son chiffre
d'affaires mondial. Le site français est à l'image de cette réussite,
c'est-à-dire imposant et complet. Outre les ordinateurs, logiciels, scanners,
modems et autres systèmes informatiques qui y sont présentés, Dell offre de
nombreux autres avantages comme le support technique en ligne ou par téléphone,
et le service d'asssistance sur site assuré sous 24 heures. Pour les grands
comptes, Dell propose d'autre part les "Pages Premiers", un service de sites
privatif qui permet aux sociétés de plus de 500 personnes de passer commande de
configurations standards prédéterminées selon leurs conditions habituelles de
règlement. Résultat des courses : depuis sa création en novembre 98, le site
enregistre plus de 25 000 visiteurs par semaine ainsi que plus d'un million de
francs de chiffre d'affaires quotidien. De son côté, Gateway, qui à l'instar de
Dell s'est depuis toujours spécialisé dans la vente directe, prend également un
soin particulier à mieux connaître ses clients. Il les invite même, grâce à la
page intitulée "quel utilisateur êtes-vous ?", à lui laisser des informations
liées à leur profil de consommation, afin de leur proposer une offre
personnalisée. On peut même donner une mention spéciale au centre d'appels mis
en place par le fabricant pour répondre aux interrogations éventuelles des
internautes. Le personnel, particulièrement qualifié pour sa tâche, crédibilise
d'autant la marque. Chez Apple c'est au niveau de l'ergonomie du site que le
gros de l'effort a été fourni. Une vraie place est laissée à la représentation
graphique des produits. Un choix qui est, certes, appuyé par le design
particulier des produits Apple, mais qui consacre néanmoins un mode de mise en
valeur des produits plus efficace.
Apple ou l'originalité graphique
Une colonne des promotions et d'affaires du moment est
proposée sur la droite de l'écran, ce qui facilite avantageusement la lecture
des informations affichées. La phase de règlement des achats est rendue à sa
plus simple expression ; le client ayant la possibilité de suivre à tout moment
le parcours de sa commande grâce à un numéro de téléphone affiché en fin de
session. Il est aussi possible de s'inscrire sur une mailing list afin d'être
régulièrement tenu informé des offres les plus intéressantes proposées par la
marque. Si tous les constructeurs n'offrent pas les mêmes garanties de services
ni le même degré d'avancement dans leur stratégie Internet, ils sont néanmoins
parfaitement conscients de l'enjeu que représente pour eux ce nouveau canal de
distribution. A l'image de Thierry Petit, directeur marketing et e-commerce
chez Compaq. « Internet est une étape obligatoire pour tous les fabricants de
matériel informatiques, constate-t-il. L'erreur serait d'être frileux et de ne
pas y investir les sommes que l'enjeu réclame. De toute façon, l'investissement
de départ sera largement rentabilisé à moyen terme. » Compaq France dispose
d'une équipe de 15 personnes travaillant à plein temps sur son site. Pour
Thierry Petit, être présent sur le Net signifie un nouveau positionnement : «
Nous savons aujourd'hui que les deux tiers de notre clientèle qui passaient
jusqu'à maintenant commande en ligne n'étaient pas des clients Compaq. C'est le
site qui nous a amené cette nouvelle clientèle. Il est donc indispensable que
nous prenions ces nouveaux clients en considération et que nous développions
une offre qui leur soit directement adressée. » Compaq offre la possibilité
d'acheter en ligne depuis 1999, et privilégie la clientèle business to
business, plus particulièrement les TPE (Très Petites Entreprises). Le
fabricant souhaite, à travers ce positionnement, se rapprocher de sa clientèle
en lui donnant l'occasion de multiplier les achats sur le site grâce à une
gamme de produits et de services étendue. C'est-à-dire tout aussi bien des
ordinateurs et des accessoires périphériques, qu'une extension de garantie et
de financement personnalisé. Une campagne de publicité est d'ailleurs en
préparation pour promouvoir cette dernière offre.
Partenariat avec les revendeurs
Dans le souci de préserver ses relations avec les
revendeurs, Compaq leur propose d'autre part un partenariat spécifique sur le
site en leur donnant l'opportunité de créer leur propre site marchand.
Actuellement, 150 sites ont déjà été ouverts et 300 entreprises se sont
inscrites pour profiter du programme. Aucune obligation ne leur impose de ne
commercialiser que la marque Compaq. « Nous avons même été agréablement surpris
de constater que l'activité dégagée par les produits Compaq sur ces sites était
supérieure à celle des parts de marchés enregistrées par Compaq chez les
revendeurs dans le cadre d'un circuit traditionnel », confie Thierry Petit.
Comme quelques-uns de ses concurrents, Compaq montre un certain intérêt pour
les ventes aux enchères, qui lui permettraient de recruter de nouveaux clients
sous une forme plus ludique que l'offre commerciale classique. « Nous ne
bénéficions d'aucune compétence particulière en matière d'enchères, constate
Thierry Petit. C'est pourquoi nous avons décidé d'associer Aucland à notre
projet. Ce programme n'en est qu'à ses prémices, mais nous espérons sincèrement
qu'il mobilisera un nouveau type de clientèle. » L'expérience que vit Compaq
met en exergue une nouvelle attitude des consommateurs qui, encouragés et
nourris par Internet, n'achètent pas forcément une marque sur son site propre,
mais sur tout site proposant des prix attractifs. Compaq ne se fait pas
d'illusions sur la clientèle de particuliers qu'il touchera en direct à partir
de son site, et propose donc des offres plus tournées vers les entreprises. «
Nous travaillons actuellement sur le renforcement de la vente adressée aux PME,
avec un catalogue produits offrant un choix encore plus vaste, explique Thierry
Petit. Notre autre grand chantier concerne la mise au point d'un "extranet
grands comptes transactionnel". Il a pour objectif de permettre à des
interlocuteurs habilités de sélectionner en ligne les produits dont ils ont
besoin à des tarifs convenus d'avance avec leurs directions des achats. » Un
positionnement très ambitieux qui ne trouve pas toujours d'écho chez les
concurrents dont certains avouent ne pas vouloir investir à outrance sur un
secteur dont ils sont encore trop peu à tirer des bénéfices substantiels. Chez
Wstore, Grégory Desmot, responsable marketing, ne nourrit en revanche aucun
complexe vis-à-vis des sites marchands des fabricants. « La présence de poids
lourds du secteur fait mûrir le marché et prouve aussi l'intérêt qu'il suscite.
D'autre part, beaucoup ne vendent que leur marque, alors que Wstore en propose
plus de 75 aujourd'hui. En outre, nous bénéficions d'une vraie valeur ajoutée
constituée de notre relation one-to-one avec le client. Dans notre cas, la
relation avec le client est directe et permanente, ce qui nous permet d'affiner
nos propositions afin qu'elles soient en parfaite adéquation avec leurs
besoins. Les grandes marques ne communiquent pas avec le client final mais avec
leurs revendeurs. Finalement, la transition vers le web leur donne pour la
première fois une place importante dans un échange bilatéral avec les
acheteurs. »
L'avantage des 100 % Web
Wstore n'est
pas, à proprement parler, un site destiné aux particuliers. Même si certains
viennent y acheter du matériel, aucune prospection n'est effectuée à leur
encontre. Ce sont par contre les grosses PME qui sont visées. Concernant la
fidélisation de cette clientèle, des actions de marketing direct en ligne ont
été mises au point afin de faire face à la concurrence acharnée que se livrent
les marchands du Net. « Nous utilisons énormément le courrier électronique pour
garder un contact permanent et privilégié avec nos clients. C'est une action de
communication récurrente qui est générée par chaque nouvel achat de
l'internaute », explique Grégory Desmot. Ainsi, un client qui a, par exemple,
acheté un PC sera prévenu prioritairement si le site effectue une promotion sur
une imprimante compatible avec son matériel et susceptible de l'intéresser.
Wstore est d'autre part partenaire du programme de fidélisation FideliNet, qui
récompense par des points cadeaux tout achat effectué sur le site. Wstore se
positionne aujourd'hui comme un site vendeur de matériel informatique, mais
surtout comme un partenaire privilégié de l'entreprise. Le site ne manque
d'ailleurs pas de projets pour développer son business. « A terme, nous
comptons commercialiser d'autres offres de produits tels que les télécoms,
l'"office supply" et même du personnel intérimaire, annonce Grégory Desmot.
Nous souhaitons en fait étendre à d'autres domaines notre connaissance des
besoins de l'entreprise. Internet est l'outil idéal pour nous y aider. » C'est
le même souci de satisfaction client qui a incité la société Twing à aborder le
commerce électronique. Twing est, à l'origine, un semi grossiste en
informatique, créé en 1987. Après avoir cédé son activité à un autre acteur du
marché, la société s'est totalement consacrée à Internet. Aujourd'hui, twing.fr
est devenue un site de e-commerce B to C proposant une large gamme de
micro-ordinateurs et de composants périphériques.
Concilier off et on line
Le site bénéficie d'un entrepôt de stockage de 15 000 m2,
et il est l'un des rares à disposer d'une boutique réelle en plein Paris. La
commande, qui est directement liée au logiciel de livraison, est acheminée au
stock en 10 minutes. Cette logistique permet d'assurer au client un délai de
livraison compris entre 12 et 48 heures. Une visite sur twing.fr reflète assez
bien le grand nombre de produits proposés à la vente mais pâtit justement de
cette profusion par des pages très chargées et un graphisme sans grande
originalité. La spécificité du site, repose notamment sur une carte de crédit
disponible en ligne et proposée en partenariat avec la Société Générale,
utilisable comme moyen de paiement sur Internet et dans la boutique physique de
l'enseigne. Des rencontres et des formations sont organisées dans cette même
boutique pour alimenter le trafic sur le site. Des bornes interactives sont,
par exemple, mises à disposition des clients afin qu'ils puissent se découvrir
le site web. La présence de ces bornes souligne l'ambivalence qui demeure
attachée à l'approche de Twing en matière informatique : une activité qui se
développe autant off et on line. L'expérience de rueducommerce.fr indique la
même volonté de partir à l'assaut d'un secteur, sans complexe vis-à-vis des
constructeurs ayant pignon sur rue. Gauthier Picquart et Patrick Jaquemin se
sont lancés dans l'aventure avec le même engouement pour Internet en tant que
canal de vente. Le site ne propose, en revanche, pas seulement du matériel
informatique mais aussi des jeux et des logiciels éducatifs. Un partenariat
avec Ziff Davis University lui permet aussi de proposer des formations à
certains logiciels. Patrick Jaquemin est très clair quant aux raisons du choix
d'Internet comme canal de vente : « Je souhaite avant tout offrir au plus grand
nombre l'opportunité d'acheter à toute heure et de tout lieu. » Une profession
de foi que les constructeurs ont tendance à oublier au vue de certains sites
qui, s'ils ne bénéficient pas d'un graphisme très original, ne proposent pas
non plus de véritables informations sur un mode interactif. A l'heure actuelle,
le marché du secteur informatique ne présente pas d'homogénéité. En effet, tous
les constructeurs ne connaissent pas la même évolution : leurs sites ne sont
pas encore tous marchands. Parallèlement, des concurrents de taille se sont
positionnés en la personne des web marchands. Eux ne construisent rien mais
proposent souvent la quasi-totalité des marques présentes sur le marché à des
prix attractifs et suivant un mode ludique et interactif. Leur connaissance du
comportement du client final semble pallier avantageusement leur différence de
statut par rapport à des géants du secteur. Ces derniers vont@-ils combler leur
retard en proposant des sites alliant mise en avant de leurs compétences et
exploitation des caractéristiques d'Internet ?
La success story Wstore
L'aventure de wstore.fr a débuté en France en octobre 1998, pour un groupe créé en janvier de la même année. Le développement du premier site bénéficiait d'un budget de 10 millions de francs. L'effectif global était alors de 50 personnes. Trois nouvelles filiales ont été ouvertes fin 1999 portant ainsi à cinq le nombre de pays où Wstore est présent : Allemagne, Grande-Bretagne, Suisse, Russie et Tchéquie. Pour la livraison des commandes, Wstore s'est associé à Calberson. Wstore c'est : - 12 000 références en ligne ; - 450 millions de francs de stocks ; - 70 marques constructeurs ; - un état des stocks actualisés tous les quart d'heure ; - des prix remis à jours quotidiennement ; - une livraison gratuite en 48 heures ; - une gestion personnalisée des comptes ; - un chiffre d'affaires en octobre 99 de 8 M ; - un chiffre d'affaires 99 de 75 MF ; - 6 000 comptes clients dont 4 000 entreprises ; - environ 5 000 visiteurs par jour...
E-commerce : le B to B se taille la part du lion
Les revenus de l'e-commerce en France ne sont pas également répartis entre le marché B to B et B to C. Le premier représentait 1,18 milliard de francs alors que le second avoisinait en 1998 0,39 milliard de francs*. De manière générale, l'e-commerce a connu une multiplication de son montant par 13 entre l'année 1997 à 1998. Une tendance liée à l'augmentation du nombre d'internautes comme à celle des cybervendeurs de l'évolution des solutions de paiement sécurisé. Les revenus du commerce électronique inter-entreprises devraient atteindre 220 milliards en 2003 contre 60 milliards pour le grand public. Des chiffres qui indiquent à quel point le marché de l'informatique, qui est essentiellement tourné vers les professionnels, est porteur et prometteur. * Source : International Data Corporation France 1999.