Excite est le TGV de l'Internet
Deux mois après l'accord de fusion intervenu entre l'opérateur haut débit Chello et Excite@Home, le directeur général d'Excite France dévoile une partie des orientations stratégiques de la société, et annonce notamment le lancement d'offres ADSL d'ici 6 à 12 mois.
Je m'abonneOù en est Excite France aujourd'hui ?
Comme la
plupart des filiales européennes du groupe, nous poursuivons notre phase de
développement, entamée il y a maintenant un an. Grâce à la fusion entre Chello
et Excite@Home, en juillet dernier, nous bénéficions d'un apport de plusieurs
dizaines de millions de francs, provenant des 400 millions d'euros dont dispose
désormais l'entité Excite Chello pour développer ses services en Europe.
Comment comptez-vous profiter de cette manne financière ?
30 % de l'enveloppe globale seront investis en publicité. Nous
avons lancé en septembre notre première campagne nationale dans le but
d'asseoir la notoriété d'Excite.fr, qui, bien que n'ayant jamais bénéficié de
publicité off line, possède, d'après la Sofres, un taux de notoriété de 35 %
auprès des internautes français. Selon NetValue, nous sommes le 19e site le
plus visité, le 21e selon Mediamétrie. Mais nous sommes les seuls dans ce Top
20 à n'avoir jamais fait de publicité.
Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour communiquer ?
ATT, la maison mère, souhaitait
attendre qu'Excite@Home soit profitable aux Etats-Unis avant de débuter un
déploiement de la marque au niveau mondial. Et en France, bien que nous soyons
opérationnels depuis janvier 2000, nous ne souhaitions pas lancer de campagne
sans que le produit ne soit supérieur au standard français. Or, aujourd'hui,
nous avons tous les atouts en main pour nous imposer parmi les leaders du
marché.
Quels sont ces atouts ?
Tout d'abord la
puissance du groupe. J'aime à dire qu'Excite est le TGV de l'Internet. Nous
avons un positionnement très orienté câble, de part le leadership d'ATT au
niveau mondial. Ce positionnement a été renforcé par la fusion d'Excite@Home et
de Chello qui, avec 300 000 abonnés, domine le marché européen. Nous avons
aujourd'hui dans le monde plus de 2,5 millions d'abonnés par câble à Internet,
ce qui doit être 5 fois plus qu'AOL-Time Warner. Les gens connaissent Excite
surtout grâce aux technologies que nous avons développées aux Etats-Unis et que
nous avons importées en France. Notre communication se veut à la fois grand
public, mais aussi professionnel, pour défendre notre statut. Nous voulons dire
au marché qu'Excite n'est pas une simple start-up.
Combien avez-vous de membres en France ?
1,1 million en juillet, et nous
sommes aux alentours de 20 millions de pages vues par mois.
Quelles sont les recettes de ce succès ?
Excite est
avant tout un portail qualitatif. Etre qualitatif, cela signifie donner la
possibilité à une personne, qui vient sur le site, d'accéder à autant, voire
plus, d'informations qu'elle a pu en trouver ailleurs, et ainsi entretenir un
attachement fort à la marque.
Comment vous y prenez-vous pour tenir cette promesse ?
La force d'Excite est de disposer de son propre
moteur de recherche. C'est lui qui nous permet de personnaliser le contenu des
pages de nos membres. Nous ne fabriquons pas le contenu du portail en interne,
mais nous l'enrichissons grâce à nos partenaires. Contrairement à nos
concurrents, nous n'attendons pas qu'ils nous livrent le contenu, mais nous
leur demandons de pouvoir accéder directement à leur base de données et d'y
puiser toutes les informations relatives aux profils de nos membres. Nous
voulons être capables d'afficher sur la page d'accueil personnalisée d'un
internaute le programme des cinémas de son quartier ou les résultats de son
équipe de foot préférée. Notre credo est de fournir une information spécifique
pour un utilisateur spécifique, à un moment voulu, et sur un support voulu.
Aujourd'hui, 90 % du site est personnalisable. Cette démarche répond à une
tendance de fond. Plus il y aura de sites web, plus les gens vont être perdus
et voudront accéder à leurs informations à partir d'une seule source.
Quels nouveaux services le portail excite.fr propose-t-il ?
Des services avant tout axés sur la communication. Car il ne
faut pas oublier que 70 % des utilisateurs d'Internet passent leur temps à
chercher une information ou à communiquer. Nous avons développé une plate-forme
de messagerie unifiée qui permet d'envoyer des mails, des messages SMS, et de
dialoguer en direct et même de façon vocale grâce au service Voicechat. La
plate-forme autorise également l'écoute des messages téléphoniques par
l'entremise du courrier électronique, ainsi que l'envoi et la réception de fax.
Pris tous ensemble, ces services forment le plus grand espace de communication
aujourd'hui disponible sur Internet en France.
Excite entretient-il un esprit communautaire propre à ce type d'échanges entre ses membres ?
Non. Je ne crois pas que les communautés soient le coeur
du métier des portails. En France, les gens sont très individualistes, et ils
le resteront. L'avenir est donc davantage à l'individualisation de
l'Internet.
Justement, avez-vous noté une évolution des mentalités vis-à-vis de l'Internet ces derniers mois ?
Le grand enseignement
de cette année, c'est que les gens ont pris conscience qu'ils ne sont pas
attachés à tel ou tel portail. L'arrivée de l'Internet gratuit a profondément
changé leur approche de l'Internet. Plus ça va, plus les gens savent qu'ils ont
le choix et qu'ils ne sont pas éternellement liés à tel ou tel ISP ou opérateur
téléphonique. Les internautes ont gagné la liberté de choisir, ce qui n'était
pas le cas encore très récemment.
Cela nous ramène inévitablement à la fidélisation. Est-elle la clé de la réussite pour un portail tel qu'Excite ?
Oui, en partie. Ce qui fait la valeur d'une marque, c'est
l'attachement qu'ont pour elle les consommateurs. C'est ce que mesure, entre
autre, la Bourse aujourd'hui parmi les acteurs de la nouvelle économie. La
valeur des sites repose sur le nombre de leurs membres ou abonnés, mais
également sur leur capacité à faire face à la sortie d'une nouvelle offre
susceptible de leur faire perdre leurs visiteurs. Or, chez Excite, nous avons
mené des études qui indiquent qu'en France, la fidélité à la marque est
quasiment nulle. La plupart de nos membres sont, par exemple, inscrits sur
trois portails en moyenne.
Comment expliquez-vous ce manque d'attachement à la marque ?
Il y a eu une surenchère de
communication auprès du grand public, qui a fini par tout mélanger. La
communication des web companies a représenté 5 à 6 % des investissements
publicitaires globaux depuis le début de l'année. Par rapport au peu d'acteurs
présents sur le marché, c'est énorme. Cette surenchère publicitaire n'a fait
que vaporiser l'information.
Le site excite.fr a-t-il évolué depuis son lancement ?
Il a changé en juin, en passant notamment à trois
colonnes. Nous avons, d'autre part, étoffé son contenu en créant deux nouvelles
chaînes sur les thématiques du sport et du charme, en partenariat avec Sport
O'FM et Sextracer, ce qui porte aujourd'hui le nombre de chaînes à 16. Les
entrées thématiques de ces deux nouveautés permettent, par exemple, de suivre
les événements sportifs tels que les Jeux Olympiques, et de consulter 400 sites
érotiques sélectionnés pour leur qualité et l'absence de pop-up, jugés
nuisibles pour la navigation des internautes.
Comment sont sélectionnés les sites référencés dans vos annuaires ?
Ce sont les
producteurs d'Excite France qui décident, à la suite de tests consommateurs et
d'études comparatives menées sur les sites concurrents, ce qui va être proposé.
Les développeurs vont ensuite voir les partenaires potentiels qui peuvent
répondent à nos appels d'offres, mais s'ils ne veulent pas que notre moteur
aille puiser l'information sur leur base de données pour faire de la
personnalisation, ou s'ils ne veulent pas que leur contenu, acheté par Excite,
soit diffusé sur du câble par exemple, nous les retirons du site.
Et sur quels critères sélectionnez-vous vos partenaires ?
Tous les mois nous mettons à jour le Top 100 des mots les plus
demandés sur le site, et nous adaptons notre offre aux attentes des
internautes. Nous avons en fait développé sur excite.fr la règle des 20/80.
Vous est-il déjà arrivé de supprimer une chaîne parce que vous la jugiez non satisfaisante ?
Oui, la chaîne de petites annonces, par
exemple. Nous l'avons supprimée pendant quelques mois, avant de la relancer
sous une forme plus qualitative. Mais une chaîne ne disparaît jamais
réellement. Au pire, si elle ne fonctionne pas, elle est relookée ou
réorganisée. La chaîne "Horoscope", par exemple, est devenue la chaîne "Vie
pratique".
Travaillez-vous sur de nouveaux concepts de chaînes ?
Nous préparons actuellement des chaînes événementielles. Cela a
débuté, par exemple, avec les Jeux Olympiques de Sydney. Durant toute la
période des compétitions, le site proposait une entrée directe sur la chaîne
dédiée à l'événement qui, depuis, a disparu pour prendre connaissance des
résultats. Dans l'optique de chaîne événementielle, nous ne faisons que
répondre à la demande de nos membres. S'ils souhaitent une chaîne sur le Salon
de l'Auto, nous développerons une chaîne spécifique à cet événement. Le tout
est d'être suffisamment réactif pour ne pas les décevoir dans la réalisation du
site.
Comment voyez-vous évoluer le marché des portails ?
La concentration a déjà commencé. Les revenus de l'Internet sont
aujourd'hui concentrés dans 20 ou 30 sociétés mondiales. La stratégie de
développement des principaux acteurs du marché s'articule autour de deux axes :
l'accès à Internet et le média Internet. Les vainqueurs de demain seront ceux
qui posséderont à la fois les tuyaux permettant de bâtir le réseau, les
ressources financières suffisantes pour acheter du contenu et les supports
capables de relayer tout ce contenu au plus grand nombre. Aujourd'hui, tout le
monde rencontre tout le monde pour y parvenir.
Ou en êtes vous de votre offre ADSL ?
L'ADSL et clairement l'avenir de l'Internet.
Mais tant qu'il n'y aura pas plus de 1 ou 2 millions d'abonnés en France, nous
ne pourrons être suffisamment compétitifs. La vraie révolution devrait avoir
lieu dans deux ans, mais cela ne nous empêche pas de préparer le terrain. Nous
commercialiserons, dans 6 à 12 mois, des offres ADSL sous la marque Chello.
Et le Wap ?
Il ne faut pas mélanger le tactique et le
stratégique. Chaque nouveau support demande un nouveau produit. L'offre Wap
d'Excite n'a rien à voir avec son offre web ou câble. On a un peu trop
rapidement annoncé que le Wap se résume à adapter tout l'Internet sur le
téléphone mobile. Or, c'est complètement faux. Le Wap n'est absolument pas
grand public. Il n'y a pas pour le moment de marché. Ceux qui s'adressent aux
particuliers se trompent de cible. Les utilisateurs du Wap sont des internautes
férus, les cadres CSP + mobiles, qui représentent la crème de la crème des
utilisateurs d'Internet.
Comment jugez-vous l'Internet français ?
Il n'est pas accordé. Même si les choses ont tendance à évoluer,
il existe un cruel manque de concertation entre les pouvoirs publics et le
secteur privé. Il y a eu beaucoup de prises de parole, notamment de la part de
l'Etat, mais le dialogue a été trop unilatéral. Les portes qui s'ouvrent
aujourd'hui auraient dû l'être depuis longtemps. Cela ne fait, par exemple, que
trois quatre mois qu'Excite participe à des réunions de travail avec l'ART ou
d'autres instances gouvernementales pour préparer le futur paysage du Web
français. C'est assez révélateur de l'état d'esprit qui animait nos dirigeants
jusqu'à maintenant.
Biographie
Pierre-Yves Paques, 33 ans, est diplômé de Dauphine et d'un 3e cycle de gestion internationale effectué à la Sorbonne. Après avoir passé une année en Asie, il entre chez PriceWaterHouse Europe, où il reste trois ans, avant de rejoindre infosource en1996 en tant que directeur marketing. Il a pris la direction générale d'Excite France en septembre 1999.