Evene Culture Web
S'il est aujourd'hui l'un des leaders de la culture sur Internet, le site Evene a débuté modestement avec un dictionnaire des citations. Un succès peut-être dû à sa capacité à se réinventer. En effet, le site n'a pas hésité à mixer média et e-commerce.
Je m'abonne«La vie n'est pas un long fleuve tranquille». Une réplique qu'Evene, qui doit son succès notamment à son dictionnaire des citations, pourrait faire sienne. Car s'il constitue aujourd'hui l'un des sites de référence en matière de culture sur le Net, ses débuts ont été modestes et son histoire riche en rebondissements. En 1999, attirés comme beaucoup par le Web émergent, Chris- telle Heurtault - qui a quitté Evene l'année dernière - et Christophe Chenebault fondent une start-up, nommée Stricto Senso. Ils lancent le site Citationsdumonde.com. Ce portail n'est, dans leur esprit, que la première étape d'un projet beaucoup plus ambitieux. «Nous souhaitions créer un groupe de presse sur Internet, explique Christophe Chenebault. Les indicateurs étaient au beau fixe: nous avions une belle fréquentation, nous monétisions notre modèle et avions pas mal d'écho dans la presse. Jacques Attali a ainsi décidé de nous soutenir, comme il a continué à le faire jusqu'à aujourd'hui.» Mais, en mars 2000, la bulle éclate et les investissements sont stoppés net. «Nous négocions nous-mêmes une levée de fonds, qui ne s'est bien sûr pas faite, raconte-t-il. Rapidement, nous avons été devant un cimetière de sites.» Citations du monde.com parvient cependant à survivre et reçoit même, en 2002, une petite subvention du ministère de la Culture.
La transformation d'un portail
«Pendant trois ans environ, nous sommes restés centrés sur ce portail, en réduisant tous les coûts, se souvient Christophe Chenebault. A un moment, nous avons compris que soit nous arrêtions, soit nous nous relancions dans un autre projet de plus grande ampleur. Pendant ces années difficiles, nous avions appris un métier.
Et comme les grands groupes médias avaient du mal à se lancer dans le numérique, les petits, comme nous, avaient peut-être leur place.» En octobre 2003, Evene, portail média sur la culture, voit donc le jour. Citations du monde.com fusionne et devient l'une des rubriques à succès de ce nouveau site. Pour celui-ci, les associés accordent plus d'attention au marketing. «Notre expérience nous a enseigné qu'il fallait créer une marque et non pas un nom de service, raconte Christophe Chenebault. Après un brainstorming de six mois, nous nous sommes arrêtés sur Evene, mélange d'«événement'et d»Eve». Les femmes sont, en effet, celles qui consomment le plus de culture. Notre public est d'ailleurs aujourd'hui à 65% féminin.»
Là encore, les premiers temps sont difficiles. «Il s'agissait d'une gageure car, à cette époque, plus aucun projet n'était lancé, rappelle le fondateur d'Evene. Et nous nous positionnions sur un secteur qui n'est clairement pas identifié comme l'un des plus lucratifs. Les frais de lancement, de production et d'exploitation étaient loin d'être négligeables.» L'équipe compte à ce moment-là six personnes et le site est beaucoup plus léger qu'aujourd'hui. «La charte graphique n'était pas très éloignée de l'actuelle, mais les contenus étaient beaucoup moins développés, affirme Christophe Chenebault. Nous ne proposions pas d'agendas et les seules rubriques conséquentes étaient les livres, les biographies et les citations. En revanche, nous avions déjà misé sur le communautaire en créant des forums.»
La création d'une boutique
C'est dans ce contexte que les deux associés tentent une initiative originale pour un site média: adjoindre à celui-ci un volet marchand. «La boutique n'était pas prévue dans nos plans de départ, admet Christophe Chenebault. Sa création est issue de la crise: il fallait diversifier nos sources de revenus, qui étaient uniquement B to B jusque-là.» Si Evene se met au commerce, la société ne souhaite pas pour autant que cette nouvelle activité vienne brouiller son image. «Nous ne voulions pas que la boutique prenne le pas sur le reste, explique-t-il. Nous avons donc décidé de nous inspirer du monde physique, des boutiques des musées qui profitaient du flux drainé par une exposition. Au départ, nous vendions uniquement des produits que celles-ci proposaient. Majoritairement issus de la Comédie Française et de la Monnaie de Paris.» Et la boutique se révèle une excellente idée. «Elle a fait entrer de la trésorerie dans l'entreprise et a contribué de manière active à sa rentabilité.»
Quelques mois après la création de cet espace d'e-commerce, Internet retrouve enfin de sa vigueur. «Début 2005, nous avons vu surgir un autre modèle avec les liens sponsorisés et le marketing direct», affirme Christophe Chenebault. Dans ces temps plus cléments, Evene, qui a toujours été rentable, s'offre, en janvier 2007, une nouvelle version. «Les rubriques cinéma, musique et théâtre ont été ajoutées. Et à l'instar d'AlloCiné, nous avons créé un module donnant toutes les séances de cinéma. Pour autant, nous sommes sur un créneau beaucoup plus «Art et Essai». Nous nous qualifions comme des généralistes de la culture, comme Télérama peut l'être en print.» Pour animer le portail, des rédacteurs en chef «stars» d'un jour comme Carla Bruni, Jane Birkin ou le dessinateur de BD Joann Sfar mettent en avant leurs coups de coeur. Et des minisites dédiés à des événements culturels comme le Festival de Cannes sont régulièrement créés.
Racheté par le groupe Figaro
Indéniablement, 2007 restera comme une année riche en événements pour le site. En effet, celui-ci a été racheté, devenant une filiale du groupe Le Figaro. «Deux acteurs étaient en lice: La gardère et Le Figaro, raconte Christophe Chenebault. Le projet du Figaro nous a paru plus intéressant. Il possédait un axe culturel très important et nous laissait une grande autonomie.» Des synergies avec les versions en ligne de son quotidien et du Figaroscope ont été créées. Derrière la rubrique cadeaux du portail du Figaro, on retrouve donc la boutique Evene en marque grise. Et la vente des espaces publicitaires est aussi gérée par la régie du Figaro depuis le début de l'année. Le passage sous le giron du groupe devrait également permettre de nouveaux développements au portail. «Nous allons proposer une refonte en septembre 2009, explique Christophe Chenebault. Nous souhaitons enrichir le contenu de nos rubriques et surtout rendre l'une d'elles, «Evene lieux», qui se situe sur le créneau du tourisme culturel, plus impactante.» La thématique musique, pour l'instant surtout composée d'un agenda, devrait ainsi être étoffée. «Comme il est difficile d'obtenir les droits des maisons de disques pour proposer de l'écoute, nous étudions des partenariats avec d'autres sites», explique-t-il. L'ergonomie va aussi être revue: le site aura plus de portes d'entrée et plus de passerelles entre les différents contenus. Et la charte graphique, tout en gardant le même esprit, devrait être modernisée. «Nous allons la réaliser en interne puisque nous avons un studio, qui travaille aussi pour quelques éditeurs de livres», précise-t-il. Une nouveauté qui s'inscrit dans la volonté constante d'Evene de créer du lien avec les internautes. Des concours photos avaient ainsi déjà été organisés.
Et, jamais à court d'ambitions, le site veut créer son «Daily Motion maison»: les membres pourront ainsi poster leurs vidéos. Autant d'améliorations qui devraient permettre à Evene, qui revendiquait 2,7 millions de visiteurs uniques mensuels en novembre 2008, soit plus d'une visite par seconde, de continuer à battre des records. Chaque jour, les 30 rédacteurs (sur une équipe de 50 personnes) mettent en effet 150 nouvelles pages de contenu en ligne.
Interview
Christophe Chenebault
- Directeur général et fondateur d'Evene
«Notre sélection se veut originale et plutôt haut de gamme»
Comment se répartissent les revenus de votre site? Notre chiffre d'affaires, qui s'élève à 3,5 millions d'euros pour l'année 2008, peut être divisé en trois. Le premier tiers est composé de la publicité du secteur culturel. Le deuxième recouvre la publicité hors captif (surtout luxe, tourisme, automobile, etc.). Et enfin, le dernier tiers regroupe nos services payants. Il comprend notamment la boutique qui représente aujourd'hui 15% du chiffre d'affaires global. Quant à nos autres services payants, ils sont issus de partenariats, comme ceux noués avec A la page sur les produits culturels, Parship ou encore avec la Fnac pour la billetterie. Ces partenariats sont pour nous primordiaux, car nous sommes, en effet, conscients que la publicité atteindra bientôt ses limites.
La boutique constitue un autre moyen de diversifier vos revenus. Comment a-t-elle évolué depuis sa création, en 2004?
Elle s'est structurée et son offre s'est étoffée, puisqu'elle propose aujourd'hui 650 références d'une soixantaine de fournisseurs. Elle est désormais organisée, selon des thématiques telles que «loisirs et jeux», «maison et déco» ou, depuis peu, «développement durable». Si ces dernières se retrouvent dans beaucoup de portails cadeaux, notre sélection se veut originale et plutôt haut de gamme. Nous essayons de la relier, le plus possible, à notre principale partie dédiée aux médias. Depuis deux ans, nous multiplions les liens vers des produits personnalisés. Ces derniers sont très adaptés à Internet. Mais si notre offre s'est élargie, nous ne vendrons jamais de produits culturels, car le secteur est trop concurrentiel. Nous préférons passer par Alapage. Le sourcing et le suivi client sont assurés en interne et la logistique est gérée par nos partenaires, car ce n'est pas notre métier.
Allez-vous continuer à développer le communautaire?
Il va constituer le gros chantier de la nouvelle version. Aujourd'hui, nous avons 350 000 membres dont 210 000 reçoivent notre newsletter. Nous allons élaborer des outils pour que ces membres puissent disposer d'un espace personnalisé. Dans «Mon Evene», ils pourront ainsi retrouver toutes leurs sélections. Nous allons également proposer des blogs et donner aux internautes la possibilité de se fédérer en groupes sociaux. Nous venons ainsi de créer un poste de «community manager» qui sera chargé d'interagir avec eux.