Entrepreneur iconoclaste
L'homme s'essaie à la restauration et à la presse, avant de lancer en 2000 le portail de voyages dont il porte aujourd'hui le développement avec un enthousiasme sans faille.
Je m'abonne«J'enchaîne», vous répond-il quand vous lui demandez s'il veut prendre une pause entre deux rendez-vous. Et il enchaîne, Jean-Pierre Nadir; dans la vie, comme dans le discours: le flot de paroles est continu, la voix grave et enjouée, et le côté hâbleur volontiers assumé, «ma caractéristique principale, c'est que je m'aime bien». L'homme passe au tutoiement en dix minutes, se montre décontracté, et pas seulement parce qu'il est ici comme chez lui, en jean et chemise noire, dans son bureau décoré de quelques statues rapportées de voyage, dont une à taille humaine venue du Sénégal «et qui pèse quarante kilos, essayez de la soulever!» Jean- Pierre Nadir porte les cheveux un peu longs, bruns, grisonnants sur les tempes. Même s'il parle beaucoup, il semble attentif à ses propos.
Sa vie, sa carrière, il les décrit comme un concours de circonstances. «Je ne suis bon en rien, mais pas bon à rien» s'amuse- t-il. Les choses s'enchaînent pour lui au rythme des opportunités et des rencontres. Après une enfance à la ferme, une scolarité en section Sport-études option handball, il se lance dans des études de publicité «pour être comme Jacques Séguéla», vu dans Apostrophes, et qui le fascine par sa capacité à mettre des idées en pratique.
Sa première affaire a pour cadre sa Bretagne d'origine: il s'agit d'un commerce de crêpes dans les campings de la côte. «J'ai vite compris que, dans les campings, on va à la crêperie, et aussi que les vacanciers attendaient que la crêperie vienne à eux. Il ne me restait plus alors qu'à réaliser cette bonne idée.» La mise en oeuvre n'est pas le plus difficile, c'est ce qui stimule les entrepreneurs comme lui. «Un chef d'entreprise se détermine par sa capacité à décoder les choses, mais surtout par une formidable envie défaire. Les chefs d'entreprise, ce sont des gens qui mettent des shorts et qui y vont», explique Jean-Pierre Nadir. D'ailleurs, il réitère l'expérience avec une entreprise de livraison de pizzas à Paris. Toujours une histoire de circonstances: «Il est facile de se lancer dans la restauration sans argent. Et je n'avais pas d'argent au départ.» Il monte son affaire suivante dans la presse. En 1990, il fonde les Editions de demain, dont il tiendra les rênes pendant neuf ans. Jean-Pierre Nadir a été marqué par sa rencontre avec Robert Laffont, démarché à l'origine dans le cadre d'opérations marketing. «Je savais déjà qu'on pouvait faire les choses facilement. Robert Laffont m'a donné une vision business de ma capacité à entreprendre», se souvient-il.
L'un des plus gros succès du groupe est le lancement de Voyager. Un magazine d'évasion, encore dépourvu de la dimension pratique qui fait le succès d'Easyvoyage, mais qui permet à Jean-Pierre Nadir d'identifier un marché porteur sur lequel 300 tour-opérateurs chercheraient à communiquer. Banco! «J'ai tout de suite compris que le Web allait changer le mode de transfert de l'information», raconte l'entrepreneur. Internet dispose, selon lui, de puissants atouts. Il dispense de se déplacer dans une agence de voyages, et ses mises à jour régulières sont parfaitement adaptées à la préparation de vacances. Cependant le succès d'Easyvoyage n'est pas immédiat. Les premières années sont difficiles: «On s'est battus comme des chiens. Mais on a réussi en vendant de la prestation BtoBet en développant les sites internet de clients tour-opérateurs.» La galère dure deux ans et le site décolle vraiment en juin 2003. «Je crois d'ailleurs que la première valeur de cette entreprise est sa capacité à s'adapter.»
Et notamment à s'ouvrir à de nouveaux marchés. A présent qu'en France Easyvoyage est devenu le troisième site de voyage le plus visité, Jean-Pierre Nadir lorgne vers les Etats-Unis: «On veut être dans les cinq premiers sites d'infomédiation d'ici 2010, ambitionne-t-il. Nous sommes actuellement le treizième mondial en audience.»
1965 - Naissance à Nantes.
1980-1983 - Suit les cours en section Sport- études (option handball) à Lorient
1986-1987 - Etudie à l'ESP (Ecole supérieure de publicité).
1990-1999 - Pilote Les Editions de demain, société qu'il a fondée.
2000-2001 Lance Easyvoyage.
2008 (juillet) - Avec 3,2 millions de visiteurs uniques, Easyvoyage devient le troisième site de voyage le plus visité, derrière Voyages-sncf et Lastminute.