E-commerce européen : entre évolution et involution
Equipements au domicile à la hausse et bonne perception générale de l'économie du Net, telles sont, en résumé, les tendances mises en relief par l'étude d'Ipsos pour Sofinco sur huit pays européens. Bien qu'encourageants, ces indicateurs ne doivent pas en masquer d'autres, moins exaltants, comme la brusque baisse des intentions d'achats et l'écart prononcé entre les pays du Nord et ceux du Sud.
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Le premier constat qui ressort de l'étude réalisée par Ipsos concerne la
perception même de la nouvelle économie en tant que secteur d'activité à part
entière. Seul 12 % des Européens interrogés jugent ce secteur comme un
phénomène de mode appelé à disparaître, contre 82 % qui reconnaissent que
l'économie du Net est bel et bien un marché promis à la pérennité. Par
ailleurs, il est intéressant d'observer que cet avis majoritaire est issu des
catégories de population traditionnellement les plus proches de la nouvelle
économie : 86 % auprès des Européens de moins de 45 ans, 87 % sur le segment
des cadres, 91 % auprès des foyers les plus aisés et 88 % auprès des foyers
disposant d'une connexion au Web. En matière d'évolution des connexions,
l'étude révèle une progression notable sur les huit pays sondés. En février
2001, 40 % des Européens disposaient d'un accès à Internet, quel que soit le
lieu de connexion, contre 28 % en novembre 1999. Les Pays-Bas restent les plus
"branchés" (57 %, + 11 points) avec une moyenne d'un habitant sur deux
disposant d'au moins un accès au Web, mais c'est l'Allemagne qui enregistre la
plus forte croissance (47 %, + 15 points), suivie de près par l'Italie (33 %, +
12 points). Sur l'ensemble des autres pays l'évolution est plutôt homogène, +
11 points en moyenne par rapport à novembre 1999. Mais d'où vient cette
progression ? D'après les statistiques, elle serait le fait de la forte hausse
des équipements au domicile (+ 14 points). Globalement, 31 % des Européens
disposent aujourd'hui d'une connexion à la maison, contre 17 % en novembre
1999. En France, le taux d'équipement des foyers a doublé passant de 13 % à 25
%. Une tendance constatée dans tous les autres pays. En tête, les Pays-Bas (49
%, + 18 points), suivis de l'Allemagne (36 %, + 16 points). Viennent ensuite
l'Angleterre (41 %, + 15 points), l'Italie (26 %, + 15 points), puis, le
Portugal (22 %, + 10 points), l'Espagne (19 %, + 9 points) et la Belgique (27
%, + 7 points). Début 2001, l'équipement au domicile prime donc sur
l'équipement au bureau (16 % sur l'ensemble des pays).
L'achat en ligne progresse
Néanmoins, malgré l'importante augmentation des
connectés, le profil et les habitudes des internautes n'ont pas vraiment
évolué. L'utilisateur type européen demeure un jeune de moins de 35 ans (47 %),
plus masculin que féminin (55 % d'hommes contre 45 % de femmes), cadre (77 %),
plutôt aisé (76 %), alors que les foyers les plus démunis ne représentent que
22 % des connectés. Proportionnellement à l'augmentation de l'équipement au
foyer, l'intention de s'équiper s'est, elle aussi, renforcée par rapport aux
statistiques de 1999. En effet, 30 % des sondés européens ne disposant pas d'un
accès à Internet ont déclaré avoir l'intention de s'équiper à terme. Parmi eux,
13 % (+ 2 points) avant la fin de l'année et 17 % (+ 1 point) au-delà de
l'année en cours. Et c'est en France que ces intentions sont les plus fortes
(38 %), les Allemands suivent de près (36 %), les autres pays restant plus
mitigés (23 % en moyenne). La pratique de l'achat en ligne est également à la
hausse sur l'ensemble des pays étudiés par rapport aux statistiques de novembre
1999. La meilleure preuve de maturité du e-commerce est donnée par les Pays-Bas
(25 %, + 17 points) et l'Allemagne (35 %, + 17 points), suivis de la
Grande-Bretagne (33 %, + 11 points), l'Espagne (14 %, + 7 points) et la
Belgique (15 %, + 5 points). En Italie, on remarque que l'e-commerce peine à
prendre racine. Par rapport à l'augmentation des équipements, la pratique de
l'achat sur Internet accuse un retrait de 4 points (11 % en 1999, 7 % en 2001),
et ce même phénomène est observé au Portugal (13 %, - 1 point).
Les transports et la culture plébiscités
L'étude fait
néanmoins état d'une baisse générale du niveau d'intention d'utilisation
d'Internet pour réaliser des achats. Le potentiel, sur l'ensemble des pays se
solde d'ailleurs par un indice négatif (20 %, - 7 points). Dans ce panorama, la
France ne présente pas les meilleures intentions d'adoption du commerce
électronique. Si la proportion des connectés français ayant déjà réalisé un
achat en ligne a augmenté (17 %, + 2 points), le taux de personnes envisageant,
à terme, de consommer via le Web à drastiquement diminué (16 %, - 32 points).
Le pourcentage d'internautes déclarant ne pas vouloir utiliser Internet pour
acheter en ligne a pratiquement doublé (67 %, + 31 points). Selon Ipsos, les
causes de cette frilosité des Français seraient attribuables aux problèmes de
sécurité des transactions sur Internet, ainsi qu'à la lenteur des connexions.
Selon leur degré de convenance à la vente en ligne, les différents univers de
produits sont plus ou moins plébiscités par les internautes européens. Entre
novembre 1999 et février 2001, la hiérarchie des univers n'a pas été remise en
cause, mais s'est davantage renforcée dans chaque secteur. Plus de la moitié
des sondés estime qu'Internet est assez bien adapté pour l'achat de billets de
transport (61 %, + 5 points), de produits culturels (58 %, + 4 points) ou de
produits de vacances (49 %, idem 99). Dans l'échelle des appréciations viennent
ensuite les actions en bourse (44 %, + 3 points), l'informatique (39 %, + 1
point) le matériel de bricolage et de jardinage (36 %, + 4 points) et les
équipements TV/Vidéo (35 %, idem 99). Enfin, sont jugés moins adaptés les
produits tels que les voitures (28 %, + 4 points), le mobilier d'intérieur (27
%, + 4 points), les vêtements (26 %, + 4 points), les produits alimentaires (25
%, + 4 points), les crédits à la consommation (24 %, + 1 point) et l'immobilier
(23 %, + 3 points). En conclusion, si les indices dégagés tracent un bilan
global positif de l'évolution d'Internet, notamment au niveau de sa pénétration
au sein des foyers européens, de nombreux efforts restent à fournir pour
assurer le plein épanouissement du commerce électronique.
Méthodologie
Interviews téléphoniques réalisées au domicile des sondés entre le 9 et le 26 février 2001. Le questionnaire a été administré auprès d'un échantillon représentatif de la population européenne, composé de 6 620 personnes âgées de 15 ans et plus, et construit sur la méthode des quotas : sexe, âge, profession du chef de famille, après stratification de la région et de la taille de l'agglomération. Le poids de la population de chacun des huit pays (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Italie, Portugal, Espagne) a été pris en compte pour la consolidation des résultats au niveau européen.