E-books: l'heure de «tea»
Avec ces trois lettres, Decitre, Cultura, RueDuCommerce et Smile souhaitent écrire une autre histoire pour le livre numérique. Leur outil? Une plateforme ouverte qui donne au libraire un rôle actif.
Je m'abonneLe 8 mars dernier, les librairies Decitre, le réseau Cultura, RueDuCommerce et la SSII Smile annonçaient la création de the ebook alternative («tea»), une plateforme open source de distribution d'e-books. Objectif? Prendre le contre-pied des modèles fermés incarnés par l'iPad d'Apple ou la liseuse Kindle d'Amazon. Contrairement aux plateformes dites «propriétaires», tea laissera au lecteur le choix du support: une application au format HTML5 devrait sortir au mois de juin, qui sera utilisable sur l'ensemble des appareils disponibles, aussi bien sur un PC que sur un téléphone mobile, une liseuse, une tablette et donc... un iPad!
Fin avril, les 60 points de vente Decitre et Cultura, ainsi que les sites internet des deux enseignes, ont lancé la commercialisation d'une liseuse «Bookeen» équipée de «tea». « Aujourd'hui, 90 % des livres numériques sont vendus dans des espaces physiques. Les gens veulent les acheter en librairie et les libraires veulent aussi les commercialiser. Nous nous sommes organisés de façon à pouvoir répondre aux besoins », explique Guillaume Decitre, patron des librairies éponymes et président de «tea». Une application Android devait voir le jour dans le courant de ce mois-ci, avant le lancement de la version HTML5. Trois associés contrôlent la société: Guillaume Decitre, Valérie Heppe Collin (ex-Hachette) et Eric Daspet, spécialiste des systèmes open source.
Deux millions d'euros ont été investis pour l'instant dans le projet par ces différents partenaires. Le Centre national du livre (CNL) a, pour sa part, accordé une aide de 100 000 euros.
Des marchands prescripteurs
The ebook alternative veut inventer un modèle gagnant à la fois pour les lecteurs, les éditeurs, les libraires et les e-marchands. Les premiers vont découvrir des fonctionnalités innovantes: ajout de commentaires, annotations exportables, surlignage et gestion de leur bibliothèque numérique, quels que soient les marchands auxquels ils ont acheté des livres numériques. Aux éditeurs, la plateforme «tea» promet la diffusion élargie des catalogues grâce à la diversité des supports pouvant être équipés. Les libraires et les e-marchands deviennent, quant à eux, prescripteurs du livre numérique. « Le libraire peut faire une démonstration en librairie avec sa tablette et toucher un chiffre d'affaires additionnel. Les e-marchands perçoivent également la commission du libraire qu'accorde habituellement l'éditeur », précise Guillaume Decitre. Le distributeur se rémunère donc à hauteur de 30 % et verse 5 % des ventes à «tea». Pour promouvoir son modèle, le nouvel acteur diffuse un Manifeste des droits du lecteur numérique. Accéder à l'offre la plus large, lire sur n'importe quel support, choisir sa librairie et lire à sa façon, figurent parmi les commandements de the ebook alternative. « L'enjeu est à la fois économique, culturel et politique. Nous espérons créer un écosystème qui soit un mix entre Wikipedia, Firefox et Linux. Aujourd'hui, la plupart des gens ne sont pas à l'aise avec le livre numérique et ne voient pas qu'un certain nombre d'acteurs essaient de les emprisonner », affirme Guillaume Decitre. Sous licence open source, les applications s'adaptent à l'utilisateur. « Cela peut être intéressant de voir comment réagit la communauté. En fonction des retours, nous continuerons d'améliorer la plateforme », projette le président de «tea».
Guillaume Decitre («tea»): « Aujourd'hui, 90 %des livres numériques sont vendus dans des espaces physiques. »
Pour l'heure, le trublion de la librairie numérique poursuit son opération séduction auprès des quelque 8 000 maisons d'édition françaises. Et commence à prêcher au-delà de l'Hexagone. Sans donner de chiffres, Guillaume Decitre croit aussi au succès du livre numérique, qui représente actuellement 10 % des ventes de livres aux Etats-Unis. Les adeptes du multicanal savent que c'est aussi outre-Atlantique que les barrières entre librairies off line et on line sont tombées: exemple en la matière, en plus de son site Internet, le libraire Barnes & Noble possède plus de 700 points de vente physiques, est présent sur tablette et détient 25 % de parts de marché.