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Devenir le chaînon manquant entre les agences inter actives et les hébergeurs

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Fondateur d'Imaginet, premier fournisseur d'accès français à proposer un forfait dès 1995, et de Régie On Line, première régie publicitaire en ligne, Patrick Robin, entrepreneur et business angel, a rejoint Grey Interactive en tant qu'associé et vice-président. Fort de son expérience de pionnier du Net, cet "architecte interactif" livre ses commentaires sur l'Internet français. Enrichissant, forcément.

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Pourquoi avoir rejoint une web agency, filiale d'un groupe de publicité international ?


Mon départ d'Imaginet était programmé, il n'intervient pas suite à un désaccord quelconque. Mais je n'avais pas vraiment prévu de retravailler dans une entreprise aussi rapidement. Durant les deux dernières années, j'ai eu une activité intense de "business angel", comme on dit. Aujourd'hui, j'ai à peu près vingt-cinq participations dans des start-up, ce qui est largement suffisant pour remplir la journée d'un honnête homme... Mais Marco Tinelli, qui est un ami, après avoir été un concurrent en son temps, m'a persuadé de le rejoindre comme associé de l'agence et vice-président

Quel est votre rôle au sein de l'agence ?


J'apporte une réflexion stratégique, fondée sur mon expérience de l'Internet. Vous savez, peu de gens étaient présents dès 1995... Mais je peux aussi faire profiter l'agence de l'expertise transversale acquise avec Imaginet. Nous défendions alors l'idée que l'Internet allait apporter de nouveaux métiers et que ce n'était pas une simple évolution de métiers existants. Très tôt, j'ai pensé qu'il ne fallait pas dissocier les notions de conception, d'ergonomie, de développement, d'interfaçage et d'hébergement. Il est nécessaire de posséder une bonne connaissance de toutes ces briques. C'est ce que nous allons essayer de faire chez Grey Interactive, et plus particulièrement avec FullSix, une offre destinée aux "marques d'expérience" qui ont totalement assimilé et intégré l'interactivité. C'est-à-dire qui veulent mettre leurs clients ou leurs prospects au centre d'un dispositif interactif. Par exemple, des sociétés comme I-Bazar ou Fimatex ont une approche globale de leur métier. Nous allons élargir l'offre de FullSix en matière d'hébergement, pour qu'elle s'adapte encore mieux aux attentes de services de certains des clients. Nous avons inventé la notion de "soft hosting", qui s'oppose au "hard hosting", autrement dit les offres des grands hébergeurs capables de vous louer des salles blanches, des racks et de la bande passante. Ils sont très bons dans ce registre, mais sont entrés dans un processus d'industrialisation. Or, il semble qu'il y ait une sorte de chaînon manquant entre les agences interactives et les hébergeurs. Ce que nous souhaitons, c'est combler cet espace et proposer un processus global et intégré. Aujourd'hui, agences et fournisseurs d'accès se renvoient la balle en cas de problème. Les clients ne savent pas contre qui se retourner : c'est inadmissible !

Vous avez conservé vos activités de business angel, ou plutôt de "start-up lover", selon votre expression. De quelle manière exercez-vous cette fonction ?


J'ai un peu levé le pied depuis l'été dernier, mais je continue d'agir dans ce domaine. Sur vingt-cinq participations, seules trois ou quatre se sont arrêtées : c'est un ratio très très encourageant. Si j'arrive à tenir ce rythme, ce serait formidable et j'aurai eu beaucoup de chance. Il existe aujourd'hui en France environ un millier de business angels qui ont une activité régulière, et trois cents qui examinent plus de cinq dossiers par an. Ce n'est pas suffisant. Malheureusement, il y a un maillon de la chaîne qui a presque disparu, celui de l'amorçage. Et pourtant, c'est sans doute celui qui est le plus nécessaire, si on veut favoriser la création d'entreprises, en particulier dans le domaine de l'innovation. Actuellement, les VC (venture capitalists) préfèrent les seconds, voire les troisièmes tours de financement. Cette situation est dangereuse. C'est pourquoi j'ai fait parvenir à Bercy, et au conseiller nouvelles technologies du Premier Ministre, une proposition contenant huit mesures d'incitation à l'amorçage. Par exemple, toute plus value issue d'une cession d'entreprise dont les montants seraient réinvestis dans la création d'une société innovante serait en report total d'imposition. On peut aussi imaginer que les investissements dans des entreprises innovantes sortent de l'assiette qui sert de calcul à l'ISF. Ou encore créer une sorte de "crédit impôt Internet", sur le modèle du crédit impôt recherche : toute PME qui investirait dans la création d'un site web, dans l'embauche d'un webmaster ou la mise en place d'un Intranet pourrait déduire ces sommes de son résultat fiscal. Mon rêve, c'est qu'il y ait un webmaster dans chaque PME française en 2005.

Comment analysez-vous l'évolution actuelle de la nouvelle économie ?


Nous sommes en plein effet de contre-balancier. Je compare souvent la période des dix-huit mois de folie que nous venons de vivre à mai 68. A l'époque, on a pensé pendant cinq semaines que tout allait changer, que les hiérarchies, les règles, allaient être modifiées. Au final, les Français sont partis en vacances comme si de rien n'était. Et tout le monde a dit : "vous voyez, ce n'était pas la révolution, rien n'a vraiment bougé." Mais, avec trente ans de recul, on s'aperçoit que plus rien n'a jamais été comme avant. C'est la même chose aujourd'hui : plus rien ne sera jamais comme avant. Le désir d'entreprendre, le management, les modes de partage de la richesse ont profondément évolué. Mais tout cela n'aurait pas été possible sans passer par certains excès.

Quels faits marquants avez-vous relevé, ces douze derniers mois, dans l'univers du Net ?


Il existe en fait très peu de technologies ou de services réellement innovants sur Internet. Beaucoup de ces pratiques sont des "me-too" du monde réel. A mon avis, il se passe vraiment quelque chose autour du peer-to-peer, avec des choses comme Napster. C'est à mon sens une véritable innovation culturelle, dont je ne perçois pas encore tous les contours. Les mégafusions, du type AOL et Time Warner ou Vivendi avec Universal, sont un autre événement important. AOL est l'une des rares entreprises issues du Net à annoncer d'excellents résultats. Pourtant, j'ai été le premier dans les années 96/97 à parier sur la non-viabilité de son modèle économique propriétaire. Je leur tire mon chapeau, mais je ne comprends toujours pas comment ils ont fait ! Quant à Vivendi, j'ai noté avec plaisir que la plupart des films primés à Cannes ont été produits par Universal.

Comment voyez-vous le marché de la publicité en ligne ?


En 1995, j'ai créé la première régie en ligne, Régie On Line, et c'est un sujet qui continue de m'intéresser. Or, depuis cette date, les problématiques n'ont pas évolué. Depuis les premières bannières créées pour Opel et Barclay's, la seule chose qui a changé, c'est la terminologie. A l'époque, Régie On Line parlait déjà de pages vues, puis de pages vues avec publicité (PAP), alors que des régies comme Interdeco Multimédia mettaient en avant des millions de hits. Avec le CESP (1), nous avons normalisé cette terminologie, car c'était le seul organisme susceptible de l'imposer. Mais les polémiques sont restées les mêmes : Internet est-il un média ? Est-il assimilable à du marketing direct ? Faut-il acheter un taux de clics ? Faut-il vendre au clic ou à l'exposition ? Les outils de mesure sont-ils fiables ? Bref, le marché a certes évolué, mais rien n'est résolu ! Ni la mesure d'audience, ni celle de l'efficacité. Or, des études qualitatives récentes sur la mesure d'efficacité de la publicité montrent que le Net est le deuxième média en termes de mémorisation ou de création de notoriété. On a beaucoup avancé, mais les mentalités sont encore un cran derrière. L'enjeu du développement de la publicité en ligne est simple : les grands annonceurs vont-ils réserver une part significative de leur budget de communication au Net, au-delà de ce qu'ils investissent dans le cinéma, par exemple ? J'estime que nous devons viser au moins l'équivalent des sommes versées à l'affichage.

Quelle va être selon vous l'évolution du commerce électronique ?


Malgré des épiphénomènes politiques, technologiques ou climatiques, on assiste à l'ascension continue des chiffres du e-commerce. C'est très encourageant. Mais quelques éléments freinent encore l'explosion de la vente en ligne. D'abord, la paranoïa sur la sécurité des paiements. Il n'existe aucune raison objective de ne pas régler ses achats sur Internet. Il s'agit d'un problème d'information et de désinformation de la part des banquiers et d'une certaine presse. Il y a un vrai travail d'évangélisation du public à faire. Deuxième point : l'arrivée du haut débit. Faire ses courses via un modem classique, c'est toujours l'enfer ! Troisième point : il faudrait que le tarif des communications téléphoniques soit forfaitaire. Je suis persuadé que le coût téléphonique joue un rôle important dans les habitudes de consommation de l'Internet. Enfin, la logistique doit être améliorée. Quoique, dans mon cas, je ne me plains pas. Je suis un gros consommateur en ligne : j'achète du vin, des voyages, je viens même d'acheter un lit sur le Net. Et je n'ai aucun mauvais souvenir de livraison. En revanche, je ne suis fidèle à aucun e-marchand. J'utilise systématiquement les shopbots, dont bien sûr, le guide.com, dans lequel j'ai une participation. Les moteurs de recherche, c'est une vraie fonction nouvelle qu'apporte le Net, sans équivalent dans l'off line. C'est quand même extraordinaire ! Sur l'achat d'un lecteur de DVD, j'ai eu des propositions avec jusqu'à trois mille francs d'écart pour le même modèle. Quant à l'impact du e-commerce, il dépendra beaucoup des secteurs économiques. Dans la mode et le textile, je ne le vois pas dépasser 15 %, mais il peut représenter 40 % du chiffre d'affaires du tourisme, et 30 % de celui de la vente de musique.

Vous avez investi 2,5 millions d'euros (16,5 MF) dans diverses start-up. Quelles sont vos dernières participations ?


La société Tekora, fondée par Loïc Le Meur, qui avait créé l'agence B2L, propose des services d'industrialisation du processus de création des sites web. First Coffee a développé un outil de gestion et d'optimisation des programmes d'affiliation. Pour vendre, il faut créer un réseau de distribution. Sur Internet, cela s'appelle l'affiliation. Et, comme la bannière est tombée en disgrâce, les régies ont besoin de trouver d'autres formes de commercialisation à proposer aux annonceurs. Avec Affistat Régie, cette start-up peut proposer différentes formes de rémunération aux annonceurs : au clic, au double clic, à l'inscription à une newsletter, à la transformation (acte d'achat, envoi de documentation), etc.

Créer une start-up représente-t-il toujours une aventure ?


Bien sûr : la création d'entreprise, particulièrement dans l'univers du Net, est pour moi le dernier terrain d'aventures. Et en la matière, les pionniers n'existent pas. Il n'y a que des retardataires ! (1) Centre d'études des supports de la publicité (association interprofessionnelle chargée de l'audit et du contrôle des études d'audience des médias en France).

Biographie


Patrick Robin, 44 ans, a commencé sa carrière comme éditeur (Jungle Fever de Jean-Paul Goude) et fondateur de Photo-Revue. Dès 1994, il s'intéresse aux premiers CD-Rom et lance le magazine CD Media, suivi d'Internet Reporter. Pour développer le nombre d'internautes, et donc de lecteurs, il imagine le premier forfait (150 F par mois avec 50 heures de connexion) et crée le fournisseur d'accès à Internet Imaginet. En 1998, le FAI est bien installé dans le paysage du Net et réalise 46 millions de francs de chiffres d'affaires. Le groupe anglais Colt Telecom rachète alors Imaginet et Patrick Robin occupe pendant deux ans la fonction de Président d'Imaginet et du Colt Internet Start-Up Program. En février 2000, il quitte le groupe Colt, comme prévu dès le rachat. Deux mois plus tard, Marco Tinelli, le P-dg de Grey Interactive, le convainc de le rejoindre en tant qu'associé et vice-président, chargé de la réflexion stratégique et du contact avec les start-up.

Grey Interactive en chiffres


Création : 1997. Effectif (mai 2001) : 215 personnes en France, 1 100 dans le monde. Agences : 22 en Europe, 33 dans le monde. Activité : communication interactive (conseil, création, technologie, fidélisation) ; achat d'espace ; institut d'études à travers FullSix Research. Marge brute : 14,2 millions d'euros (93 MF). Offre spécialisée : FullSix, ciblée sur les "marques d'expérience".

 
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Patrick Cappelli

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