Darty parviendra-t-il à éclipser Club-Achat-Service ?
Deux ans pour reconstituer son réseau d'approvisionnement, telle est la marge de manoeuvre dont dispose C.A.S pour sauver son modèle économique d'une menace de disparition orchestrée par Darty. Ce scénario bien connu du pot de terre contre le pot de fer relance la question du droit à la libre concurrence, principe fondamental de notre économie.
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Le grand débat, opposant les titans de la distribution aux instigateurs de
nouvelles politiques commerciales tournées vers l'intérêt des consommateurs,
n'a pas fini de nous proposer des scenarii conflictuels de lutte de pouvoir.
Surtout à l'heure où l'Internet se fait le catalyseur de concepts commerciaux
innovants qui risquent parfois de remettre en question les pincipes
fondamentaux de l'économie traditionnelle. La polémique qui secoue actuellement
le Landerneau de la distribution oppose Club-Achat-Service à Darty et sa
filiale Caprofem, son grossiste, fournisseur quasi exclusif de C.A.S depuis
plus de 14 ans. Installé en dur, depuis 1986, avec ses magasins de conseil en
achat sans stock, le réseau C.A.S a démocratisé le concept de vente à marge
linéaire, et bénéficié sans problème du soutien de la Caprofem jusqu'en février
2000, date à laquelle le grossiste a entamé une longue série de mesures
discriminatoires à son encontre. Alors que C.A.S est depuis 1987 son principal
client (7 % du CA de la Caprofem). Dès lors, C.A.S n'a cessé de jongler avec
les suppressions de ristournes, les désengagements de livraison sur ses
nouvelles régions d'implantation, et les annulations des mises à jour
informatiques sur les références et les prix dont il bénéficiait depuis trois
ans. Mais, depuis quelques mois, la situation a dégénéré, Darty refusant,
désormais catégoriquement, de fournir les marchands du Net. Or, en février
1999, Club-Achat-Service a procédé au clonage de ses activités sur le Web, dans
le but de constituer une passerelle avec ses magasins. A priori, la démarche ne
dérangeait pas forcément Darty qui, à la même époque, ouvrait lui aussi son
site web. Mais, avec la prolifération sur Internet des moteurs de comparaison
de prix comme Kelkoo ou Toobo, les écarts de prix entre le petit réseau C.A.S
et Darty sont soudainement apparus, plus nettement, aux yeux des internautes.
La région parisienne est le principal enjeu du combat entre les deux enseignes,
Darty y réalisant 50 % de son chiffre d'affaires global et C.A.S y recrutant 60
% de sa clientèle en provenance de son site web. C.A.S dérange Darty surtout
sur les produits d'appel, à plus forte marge, que sur les produits en fin de
cycle. A plusieurs reprises déjà, Darty s'est vu contraint d'appliquer à la
lettre le principe de son contrat de confiance et de rembourser au consommateur
la différence de prix avec ceux affichés par C.A.S. Pour se défendre, Darty
affiche désormais sur son site, une nouvelle charte de qualité discriminatoire
vis-à-vis des revendeurs sans stock. Quant à la Caprofem, elle impose à ses
clients de nouvelles conditions générales de vente qui prévoient l'exclusion
pure et simple des revendeurs à distance et des magasins vendant sur Internet.
Dans l'ultime espoir de ne pas se voir privé de sa principale source
d'approvisionnements, C.A.S a stoppé, le 27 mars 2001, pour un temps, ses
activités commerciales en ligne. La mesure s'avère toutefois inutile, la
Caprofem ne faisant plus mystère de son refus catégorique d'approvisionner son
client.
La riposte de C.A.S
Touché mais pas coulé,
Michel Marcombe, président du directoire de Club-Achat-Service, entend bien
faire valoir ses droits. Le mois dernier, il a porté plainte contre Darty et la
Caprofem pour actes discriminatoires et entrave à la pratique de la libre
concurrence, affirmant être prêt à se battre jusqu'au bout, pour sauver son
modèle de distribution. Le 20 avril, le site internet de C.A.S a repris ses
activités commerciales et Michel Marcombe bat désormais le pavé pour trouver de
nouveaux fournisseurs. Son combat est toutefois loin d'être gagné. Darty
exercerait une pression considérable auprès des fabricants pour les dissuader
d'approvisionner son concurrent. Et pourtant, la médiatisation de l'événement
n'a pas manqué de provoquer de nombreux témoignages de sympathie et de soutien
à l'égard de C.A.S. Plusieurs fabricants, s'estimant coincés, avouent même leur
espoir de voir C.A.S obtenir gain de cause. Pour l'heure, la situation reste
entre les mains de la justice qui devrait prochainement apporter les premiers
jugements sur cette affaire. Il n'en reste pas moins vrai que le modèle
économique prôné par C.A.S a largement prouvé sa validité et, quoi que tente
Darty, ses malheurs ne devraient pas signifier sa disparition. D'autres
enseignes, notamment sur Internet, pratiquent une politique commerciale
sensiblement identique, et il se pourrait que ce soit davantage à Darty
d'infléchir sa conduite.