Commerce électronique et facteurs de concurrence
Fiabilité des comparateurs de prix, refus de vente dans la distribution sélective, places de marché... L'autorité de la concurrence rappelle les règles de fonctionnement de l'e-commerce.
Je m'abonneMaître Mathieu Prud'homme, avocat et directeur du département Internet contentieux au cabinet Alain Bensoussan, et Maître Katharina Berbett, avocat.
Le 18 septembre 2012, l'Autorité de la concurrence a rendu un avis très attendu, dressant un état des lieux du fonctionnement concurrentiel du commerce électronique. Le premier constat de cette enquête sectorielle est le caractère avantageux du commerce en ligne en termes de prix pour le consommateur, même en tenant compte des frais de livraison. L'Autorité insiste sur le fait que les fabricants ne doivent pas mettre en place de pratiques visant à limiter le développement du commerce électronique, «en particulier en empêchant de façon injustifiée le déploiement des opérateurs pure players».
A cet égard, elle rappelle que les conditions posées par les fabricants pour la vente sur le Web de leurs produits ne doivent pas freiner le développement des ventes en ligne sans raison. La mise en place d'un réseau de distribution sélective par un fabricant est donc soumise à certaines exigences. Si les critères d'agrément de la distribution sélective sont mis en oeuvre par des opérateurs bénéficiant d'un pouvoir de marché significatif, sans reposer sur une justification objective, de telles pratiques pourraient alors être qualifiées d'anticoncurrentielles et l'Autorité serait fondée à les sanctionner.
L'Autorité de la concurrence identifie certains risques concernant les comparateurs de prix, et en particulier le manque de loyauté de l'information délivrée au consommateur. En effet, certains sites n'indiquent pas qu'ils sont en réalité des plateformes publicitaires. De même, certains comparateurs fournissent des informations imprécises ou incomplètes.
Distinguer le référencement naturel des liens sponsorisés
Pour prévenir ces risques, l'organisme de contrôle recommande l'autorégulation du secteur, notamment par le biais d'une modification de la «Charte des sites internet comparateurs», signée en 2008 par sept plateformes, sous l'égide de la Fevad. Elle préconise d'y intégrer les sites pratiquant le référencement naturel et estime qu'ils devraient s'engager, au travers de la charte, à opérer une distinction claire entre les résultats de recherche naturels et sponsorisés. Elle recommande également un affichage des prix tous frais compris et la mise en place d'un système de normalisation des offres facilitant la comparaison des tarifs. La problématique des faux avis de consommateurs est, elle aussi, évoquée. En effet, la plupart des comparateurs procèdent par défaut à un classement par pertinence ou popularité. L'Autorité rappelle les procédures contentieuses engagées à l'égard de plusieurs opérateurs pour pratiques commerciales trompeuses et estime opportune la mise en place d'une procédure de certification des avis de consommateurs. La norme Afnor actuellement en préparation pourrait constituer un outil précieux à cet égard.
Malgré l'objectif d' autorégulation affiché par l'Autorité de la concurrence, il faut rappeler que l'ensemble de ces comportements peut être potentiellement qualifié de pratiques commerciales déloyales, et des poursuites peuvent être engagées par un opérateur s'estimant lésé ou par les autorités. En effet, le Code de la consommation punit des pratiques reposant «sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur», les peines pouvant atteindre deux ans d'emprisonnement et une amende de 187 500 euros pour les personnes morales. Les places de marché peuvent permettre, d'une part, d'étendre l'offre et, d'autre part, de réduire les barrières à l'entrée dans le secteur de la vente en ligne, en donnant la possibilité d'accéder à une large audience et en diminuant les contraintes logistiques. Les risques d'atteinte à la concurrence dans ce domaine sont liés aux modalités de fonctionnement des places de marché, en particulier dans le cas où l'opérateur qui exploite la place et décide du référencement des distributeurs est en même temps concurrent de ces derniers ou occupe une position dominante.
Ainsi, les pratiques discriminatoires à l'égard d'un distributeur sont prohibées, qu'elles émanent de l'opérateur en position dominante ou soient le résultat d'une entente avec les autres distributeurs. Enfin, l'Autorité avertit que les modalités de fonctionnement des places de marché ne doivent pas favoriser les échanges d'informations anticoncurrentiels entre les distributeurs, par exemple des échanges sur le prix futur des produits ou les quantités mises en vente par les marchands.
mathieu-prudhomme@alain-bensoussan.com