Choisir et optimiser son nom de domaine, un enjeu capital
Se forger une identité forte sur Internet n'est pas chose aisée. Du choix du nom de domaine en passant par celui des extensions et des prestataires, tour d'horizon des règles à connaître pour être performant dans le choix et la gestion de sa dénomination ou de sa marque sur la Toile.
Je m'abonnePar Pierre Berecz, p-dg d'Indom, bureau d'enregistrement et de gestion de noms de domaines
LES POINTS-CLES
1 - Se poser la question de son identité
Réussir le lancement d'un site internet, tout en lui assurant une pérennité dans le temps implique de réaliser des choix judicieux. Ainsi, le nom de domaine doit faire l'objet d'une réflexion à mener en amont car il s'agit de l'un des premiers éléments auquel sera confronté l'internaute qui souhaite visiter un site web. C'est un peu une rencontre entre la marque et son client. Ici, la présentation prime et le patronyme doit donc être pertinent et impactant, qu'il s'agisse du site d'une entreprise ou de celui d'un particulier. Pour ne pas se tromper dans la sélection d'un nom, il faut avant tout définir son identité en se posant les bonnes questions. Qui est mon entreprise, quels types de produits (ou services) vend-elle, à qui sont-ils destinés, quelles valeurs faut-il mettre en avant... Tous ces éléments construisent l'identité d'une société et doivent donc se retrouver dans un nom de domaine approprié. Cette dimension marketing est fondamentale et s'accompagne, en outre, de certaines règles qu'il convient de suivre, notamment concernant la différenciation par rapport aux autres sites web.
2 - Opter pour un nom différenciant
Il existe aujourd'hui près de 200 millions de noms de domaines enregistrés dans le monde. A titre de comparaison, il n'existe que 100 000 marques déposées en France. Il est donc important de choisir un nom différenciant, sinon le risque est grand de le voir tomber aux oubliettes. Dans les moteurs de recherche tout d'abord, pour cause de mauvais référencement, mais aussi dans l'esprit des utilisateurs, qui risquent de le confondre avec un autre. En outre, une mitoyenneté avec le nom d'un site déjà existant peut être source de coûteuses batailles juridiques. Pour Google.fr par exemple, il est pertinent d'acheter Googel.fr, Gooogle.fr, Goolle.fr, etc. afin de rediriger l'internaute vers le site officiel en cas de faute de frappe. Le caractère différenciant d'un nom de domaine passe aussi par la forme. Il doit être court, de préférence. A bannir dans la mesure du possible: les tirets ou les «h» muets. Il doit également être ludique. A titre d'exemple, si le groupe Bel avait choisi de mettre en avant son nom pour le site internet de La vache qui rit, ce dernier n'aurait pas eu autant de succès car le nom du groupe est moins connu que celui de la marque.
3 - Quelle extension privilégier?
Il existe pléthores d'extensions. En choisir une, c'est investir sur l'avenir. Mais pas seulement. Le choix d'une extension peut être assimilé à l'achat d'un terrain sur Internet. C'est pourquoi il est capital de définir au préalable l'ampleur d'activité du site web. Pour un rayonnement international, mieux vaut opter pour une extension «générique». Les «.com», «.eu», «.org», etc. en font partie. Elles sont aussi les plus répandues sur le Web et donc moins distinctives. Le «.com» en est le meilleur exemple. Il accompagne en effet plus de 90 millions de noms de domaine dans le monde. En revanche, si la cible à qui l'entreprise s'adresse a une dimension plutôt nationale, les extensions dites «régionales» sont à privilégier car les internautes les identifieront comme telles: «.fr» pour la France, «.es» pour l'Espagne, «.de» pour l'Allemagne, «.co.uk» pour l'Angleterre... Ce qu'il faut en revanche déterminer au préalable c'est l'évolution du site internet et s'il est amené à prendre une ampleur internationale. Dans ce cas, déposer un nom de domaine possédant plusieurs extensions peut être approprié. A noter également que de nouvelles extensions se créent, et d'autres gagnent en puissance. Les «.info», «.travel», «.aero», «.sante» et bientôt le «.paris», en font partie. Elles présentent l'avantage d'être des extensions officielles, sectorialisées, et donc des certifications de qualité pour le contenu présenté sur le site.
4 - Choisir un prestataire adapté à ses besoins
Pour une entreprise comme pour un particulier, le choix d'un prestataire doit avant tout être une réponse à des besoins précis. Les registrars (bureaux d'enregistrement d'un nom de domaine) proposent tous des prestations différentes en fonction de leur positionnement. Les discounters, tels que BookMyName, 1&1, ou encore OVH, fournissent généralement deux noms de domaines, le paiement d'une taxe obligatoire à l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (Icann) - une instance de régulation des noms de domaine - ainsi qu'un service de renouvellement annuel des noms de domaine achetés, pour un prix de départ de 6 euros par an. C'est pourquoi ils se destinent avant tout aux particuliers. La tarification dépend du nombre de services associés à l'enregistrement d'un nom de domaine. Le registrar Indom, pour sa part, fait partie du milieu de gamme. Typiquement, il fournit une pléiade de services tels que la recherche et l'enregistrement de noms de domaines, l'analyse du nom enregistré, la taxe Icann, cinq DNS (système de nom de domaine) sur cinq continents ainsi que le renouvellement annuel du nom de domaine. Car celui-ci n'appartient pas éternellement à son propriétaire. Il s'agit en effet d'une licence renouvelable chaque année. La vigilance est donc de mise lorsque le service de renouvellement n'est pas assuré par le registrar. Enfin, la prestation d'un bureau d'enregistrement positionné milieu de gamme comprend une assistance juridique, marketing, technique, soutenue par une veille continue sur le marché. Quant aux acteurs positionnés sur le haut de gamme, leurs tarifs peuvent atteindre plus de 100 euros par an. Ceux-là proposent bien souvent, au titre de service complémentaire, l'hébergement du site.
5 - Maintenir une veille permanente
Il convient de garder un oeil attentif sur les nouveautés et les évolutions du secteur. Il y a encore deux ans, cela a permis à de nombreuses entreprises de ne pas manquer le train de l'Internet mobile, notamment avec le développement de l'extension «.mobi». Aujourd'hui, de nouvelles tendances se dessinent. Comme l'éventuelle mise en place d'une orthographe plus internationalisée pour les extensions, permettant d'utiliser des caractères non latins (cyrilliques, arabes, etc.) . Etre en veille est un bon moyen de protéger votre nom de domaine, si quelqu'un tente de l'utiliser sans être informé de son existence par exemple. Mais aussi dans tout ce qui concerne la veille concurrentielle sur un domaine d'activité précis, ou encore dans le cas où un nom intéressant retomberait dans le domaine public. En effet, certains acteurs peuvent se les approprier très rapidement comme les domainers, dont l'activité consiste à racheter les noms de domaine pour ensuite les revendre, avec à la clé une jolie plus-value. Autre péril à éviter, les cybersquatteurs, dont le seul but est de nuire à l'ayant droit ou à sa visibilité sur Internet.
ETUDE DE CAS
1855.com capitalise sur sa marque et sur l'international
A sa création en 1995, le site de vente de vins 1855.com se fixe l'objectif de devenir la première marque mondiale de luxe dans la vente de vins fins. La notion de marque est ici primordiale, car elle conditionne pleinement le choix du nom de domaine: 1855.com. En effet, 1855 est une année-clé pour le vin Français. « C'est l'année pendant laquelle Napoléon III a fait classer les plus grands crus de Bordeaux», explique Emeric Sauty de Chalon, fondateur et directeur de 1855.com. Par ailleurs, «le nom de domaine est court, mémorisable et international», souligne-t-il. Ces quatre chiffres présentent en effet la caractéristique d'être prononçables dans toutes les langues, et donc d'avoir une portée universelle. Son caractère international est son second point fort. C'est aussi la raison pour laquelle le choix de l'extension «.com» s'est imposé à son créateur. «Pour être présent partout et visible par tous, le «.com" était le plus évident et le plus international», précise Emeric Sauty de Chalon. Et malgré la volonté d'être présent sur le mobile avec le lancement d'une application iPhone en mars dernier, hors de question de lancer un « .mobi» pour le moment. Car sur ce point, le président du site 1855.com est clair: «Notre politique concernant la gestion de notre nom de domaine est de tout capitaliser sur un seul nom de domaine: www.1855.com.»
ETUDE DE CAS
Canon anticipe l'avenir de son nom de domaine
Plus besoin de présenter Canon. Ce groupe japonais cumule plus de 70 ans d'existence et n'en reste pas moins un précurseur sur de nombreux aspects. Preuve s'il en fallait, il a récemment annoncé son intention d'entrer dans le processus d'acquisition du domaine générique de premier niveau (Top Level Domain): «.canon». Il s'agit là d'un tout nouveau type d'extension adoptée par l'instance de régulation des noms de domaine (Icann) , dont l'entrée en vigueur est prévue courant 201 1 . L'objectif? « Cela évite tout d'abord que des tierces parties tentent défaire usage de notre nom de domaine», explique-t-on chez Canon. Mais l'initiative prise par Canon présente d'autres avantages, notamment du côté des internautes. «Le «.canon" permettra de leur assurer que les informations présentes sur le site sont certifiées par le groupe. Et la création d'adresses telles que «(produit). canon" ou «(service). canon" permettra de proposer un accès plus direct à notre marque pour les internautes.»
INTERVIEW
« Un nom de domaine doit stimuler l'intuitivité de l'utilisateur»loïc damilaville, adjoint au dg de l ' afnic, en charge du développement du «.fr»
Le travail de réflexion pour le choix d'un nom de domaine porte sur de nombreux éléments. S'il n'a pas de formule miracle, Loïc Damilaville, adjoint au directeur général de l'Association française pour le nommage Internet en coopération (Afnic), revient sur les fondamentaux à maîtriser.
Pourquoi est-il primordial de choisir un bon nom de domaine?
Pour en comprendre l'intérêt, il faut d'abord prendre la mesure des utilisations que l'on en fait. Le nom de domaine permet de diriger un internaute vers un site web et plus largement vers une adresse mail. Ces deux éléments mis en commun créent une logique d'identité autour de l'entreprise.
Quelles en sont les caractéristiques?
Avant tout, un bon nom de domaine doit stimuler l'intuitivité de l'utilisateur. Sur la forme, il doit être si possible court, pour être facilement mémorisable. S'il est long, il doit avoir du sens. C'est important d'en avoir conscience car le nombre de noms de domaines courts disponibles à l'enregistrement baisse tous les ans: le nombre moyen de caractères d'un nom de domaine est passé de 6-7 en 2007 à 9-10 en 2009. Et chaque année, cela augmente.
Quel regard portez-vous sur la création de nouvelles extensions annoncées lors du sommet de l'icann en mars 2010?
Les extensions génériques («.fr», «. com»... ) ont encore de beaux jours devant elles car elles sont bien souvent associées à une dimension nationale. L'une des grandes nouveautés est l'extension portant le nom de l'entreprise. Cela peut permettre aux sociétés de structurer leur présence sur le Web. Cependant, renoncer à un «.fr» pour une extension «.entreprise» peut être utile, mais il faudra un temps d'adaptation du côté des internautes. En plus, pour une entreprise, entamer une telle démarche engendre de nombreux coûts. Il y a plus de 180 000 dollars de frais de dossiers, auxquels il faut ajouter les frais des promotions autour du lancement de l'extension, les frais d'organisation et enfin, les frais liés à la gestion de l'extension...
CONSEILS D'EXPERTS
Nicolas lhuillery, directeur du produit chez Gandi (bureau d'enregistrement de noms de domaine)
«Si votre marque est disponible en tant que nom de domaine, c'est elle qu'il faut d'abord enregistrer. Si ce n'est pas le cas, nous conseillons d'y adjoindre le terme qui caractérise l'activité principale de l'entreprise. Ensuite, en ce qui concerne le choix du l'extension, le ".corn" s'impose si votre société vend à l'international, mais pour une TPE, bien souvent, le ".fr" est plus efficace. »
Pierre Salas, responsable produit chez Namebay (bureau d'enregistrement de noms de domaine)«Le nom de domaine, c'est l'identité numérique de votre entreprise et de vos marques sur Internet. Vos objectifs peuvent être multiples: protéger les marques, développer votre présence géographique, lancer des marques ou créer des filiales... Pour la gestion, le conseil est simple: préférez la qualité de service d'un registrar accrédité. »
Marc Van Wesemael, dg d'EURID services (association désignée par la Commission européenne, en charge de la gestion du «.eu»)
«Choisir la bonne adresse web, c'est penser à son entreprise au long terme. Vous voulez un nom dont vos clients se souviendront facilement, tel un nom de marque ou un acronyme. Il importe aussi de penser à l'extension. Vous choisirez un «.fr», ".corn" ou un ".eu" en fonction du message que vous souhaitez envoyer à vos clients, c'est-à-dire: où se trouve votre entreprise et quel(s) marché(s) vous désirez desservir, aujourd'hui, et dans quelques années. »