Beenz.com ou le début des haricots
Une nouvelle monnaie virtuelle peut-elle devenir le dénominateur commun de tous les programmes de fidélisation mutualisés ? C'est en tout cas le pari lancé par Charles Cohen, le fondateur des beenz, ces petits haricots rouges qui gagnent la planète entière et qui s'imposent comme une des tentatives les plus abouties de développer un système économique propre à Internet.
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Après avoir noyé les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie, l'Allemagne,
la Suède, Singapour et même les Philippines, la déferlante beenz a débarqué en
France cet été. Et, au vu du succès rencontré par le concept partout où il
s'est implanté, il semble que nous n'ayons pas fini de manger des haricots
(beenz est le dérivé de beans, qui signifie haricots en anglais). Introduit en
Grande-Bretagne et aux Etats-Unis en mars 1999, le beenz, première monnaie
reconnue "privée" par les économistes, se propage comme un virus informatique.
Le système compte actuellement plus de 2 millions d'adeptes, le nombre de beenz
en circulation à travers le monde frôle le milliard, et plus de 300 partenaires
marchands l'ont adopté. Conçu à l'origine comme une alternative
universellement acceptable à la monnaie, le beenz permet d'influencer et de
récompenser le comportement des consommateurs, et crée de nouvelles règles de
consommation on line. Cet héritier émancipé de la génération du cadeau Bonux et
des Miles des compagnies aériennes est en tout cas le premier à avoir su
imposer le concept de monnaie virtuelle, entreprise dans laquelle Digicash et
Cybercash avaient précédemment échoué. « Digicash et Cybercash n'ont pas réussi
à imposer le modèle parce que, derrière, personne n'a voulu investir pour
construire les routes qui auraient acheminé la monnaie », confie Charles Cohen.
Le succès de beenz.com n'est pas passé inaperçu, à tel point que la Banque
centrale européenne lui a consacré une étude en août 1999. Car, en permettant à
son détenteur de disposer d'un compte en ligne et d'y puiser à volonté pour
effectuer ses achats de biens et de services sur tous les sites qui l'acceptent
comme moyen de paiement, le beenz se positionne comme une véritable unité de
compte pour les échanges monétaires. Sans frontières géographiques, les beenz
peuvent être dépensés aussi bien sur le territoire d'émission qu'à l'étranger.
Ils se récoltent sur les sites créditeurs partenaires de beenz.com, mais sont
utilisables auprès de tous les adhérents au programme, sans soucis
d'exclusivité. Ils ne souffrent pas des taux de change, ont une valeur fixe
indexée sur le cours du dollar et répondent aux besoins de sécurité de paiement
en ligne. Mieux qu'une monnaie réelle, le beenz échappe également tout
naturellement à la TVA et aux impôts. Enfin, aux Etats-Unis, il peut être
considéré comme une liquidité, puisque le partenariat stratégique conclu entre
beenz.com et Master Card a déjà donné naissance à une carte bancaire qui offre
à son détenteur la possibilité de payer en beenz, auprès de tous les
établissements acceptant la Master Card. Née de l'idée d'unifier tous les
programmes de fidélisation de clientèle, cette nouvelle monnaie virtuelle
universelle pourrait- elle un jour se soustraire aux monnaies d'Etat ? Ne
rêvons pas. Ne serait-ce que parce que les beenz ne sont pas échangeables.
Néanmoins, certains économistes étudient de près les risques d'inflation que
pourrait provoquer l'injection de ce type de monnaie dans le système
économique. Car, à l'instar d'une banque, beenz.com crée réellement de la
monnaie virtuelle. La valeur d'une unité a été fixée à 7 centimes. Beenz.com la
diffuse auprès des clients qui l'utilisent pour récompenser les actions
réalisées sur leur site, puis la rachète après usage à 3,5 centimes. La marge
brute de 50 % ainsi réalisée sur l'ensemble des transactions contribue au
développement du chiffre d'affaires de la société et au financement des frais
de fonctionnement (la logistique, la facturation, la gestion de comptes, les
paiements, les statistiques et l'installation du logiciel de transaction chez
le client sont assurés par beenz.com).
Un véritable mode de paiement universel
Depuis sa création, la commercialisation du
beenz a rapporté 10 millions de dollars à beenz.com, dont 7 millions sur le
seul premier trimestre 2000. Et la société table sur un chiffre d'affaires de
50 millions de dollars pour la fin de l'année ! La principale raison qui
explique la beenzmania, c'est que le concept utilisé est en rupture totale avec
la plupart des programmes de fidélisation on line utilisés à travers le monde.
Là où les Maximiles, Fidelinet, Webmiles et autres Oh ! Points, pour ne citer
que les exemples français, s'évertuent à ne proposer aux internautes que des
points échangeables contre des cadeaux, Beenz apporte une réelle innovation en
développant un véritable mode de paiement, qui plus est universel. Les beenz
peuvent être gagnés ou dépensés en théorie sur n'importe quel site web dans le
monde. Néanmoins, la France reste une exception dans la galaxie beenz,
puisque, pour le moment, la version locale du site ne propose pas encore toutes
les fonctionnalités du concept. L'internaute français est en effet rémunéré
selon les mêmes conditions que celles proposées par les programmes de
fidélisation concurrents : une fois inscrit sur le site beenz.com, il cumule
ses points en réalisant des actions sur les différents sites adhérents au
programme, puis échange les bonus récoltés contre des cadeaux proposés sur le
catalogue du site. Chaque jour, la Boutique Beenz étoffe son offre de nouveaux
produits. Le choix proposé est vaste et couvre plusieurs univers, tels que les
produits techno, les supports musicaux, les loisirs, les voyages la gastronomie
et la déco. Actuellement, elle propose un éventail de 150 articles à des prix
très attractifs. A titre d'exemple, un beenzer disposant d'une cagnotte de 50
000 beenz (3 500 F) peut y acheter une console Dreamcast (42 000 beenz), une
micro chaîne Hi-Fi (6 500 beenz) et un appareil photo (1 030 beenz). Pour
s'inscrire, le visiteur donne son âge et son adresse, mais peut toutefois
refuser que ces informations soient exploitées par les partenaires de Beenz. Il
se voit, dès lors, crédité automatiquement de 100 beenz, et peut en gagner 50
autres à chaque fois qu'il parraine une personne. Depuis le mois de juin,
Citroën, luckyvillage.com, TicketClic, Les Echos, ou encore mageos.com ont
adopté la formule et ont déjà distribué leurs haricots auprès de 200 000
internautes français. Un départ que Jacques Guérreau, le directeur général
France de beenz.com, estime très satisfaisant, la filiale française s'étant
fixé pour objectif de dépasser les 800 000 utilisateurs d'ici à la fin de
l'année. Au niveau mondial, beenz.com compte en recruter 10 millions au cours
des 12 prochains mois. La beenz économie va-t-elle se substituer à l'Etat ? «
Pas du tout, confie Charles Cohen, notre haricot restera un moyen d'échange,
une unité de compte virtuelle qui permet d'établir une relation entre le
marchand et les visiteurs. »
Un support technologique de pointe
Le succès foudroyant de beenz.com, n'est pas uniquement dû aux sympathiques défilés de haricots rouges qui animent fréquemment les villes où la société s'implante. Le "système beenz" repose avant tout sur une technologie de pointe fournie par Oracle, pour tout ce qui concerne les serveurs de base de données, et pour le matériel par Sun Microsystems et Exodus. La solution technologique utilisée est ainsi capable de centraliser toutes les données et de gérer les comptes des internautes du monde entier.
Beenz : un concept qui a séduit les investisseurs
Charles Cohen, le fondateur de beenz.com, peut se flatter d'avoir réussi un excellent oral de présentation devant les capitaux risqueurs à qui il a présenté son projet. Lors du premier tour de table, réalisé début 1999, il est parvenu a levé 34,3 millions de dollars (240 millions de francs) auprès des investisseurs Apax Venture, Viventures Partners, le fonds d'investissement de Vivendi et Artemis, la holding financière de François Pinault, le Président du groupe PPR. La performance a même été renouvelée une seconde fois, puisqu'au cours du deuxième tour de table, en juin dernier, beenz.com a de nouveau levé 51,4 millions de dollars (359,8 millions de francs), qui lui permettront de financer la poursuite de son expansion à l'international. Des groupes tels que Kataweb du Gruppo l'Expresso, New World Cyberbase et la Central Banking Corporation ont participé à cette deuxième levée de fonds.