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Aujourd'hui, les investisseurs sont tétanisés

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La conjoncture moribonde que traversent les dotcoms françaises depuis huit mois a appelé les investisseurs à davantage de prudence dans leur stratégie de financement. Le jeune directeur associé d'Apollo Invest livre son analyse d'un marché qu'il estime en quête de maturité.

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Pouvez-vous nous présenter Apollo Invest ?


La société a un petit peu plus d'un an d'existence. Dès sa création, Apollo Invest a choisi de prendre des participations dans des sociétés internet non cotées, appartenant aussi bien à l'univers B to C que B to B. En B to B, nous prenons part au déploiement de sociétés qui développent ou exploitent des solutions technologiques, de sociétés opérateurs de places de marché électroniques et de sociétés intervenant dans l'Internet mobile. Compte tenu de leurs perspectives de développement et des synergies potentielles entre eux, ces trois secteurs sont appelés à constituer des domaines privilégiés pour nos investissements futurs ; Apollo Invest a pris en un an 20 participations, dont trois sont aujourd'hui cotées en bourse : aufeminin.com, Cybersearch et Kazibao.

Qui sont les investisseurs composant Apollo Invest ?


La société a la particularité d'avoir un réseau d'une cinquantaine de chefs d'entreprises qui sont tous actionnaires à titre personnel d'Apollo Invest. Parmi eux, on trouve, par exemple, André Levy-Lang, ancien président du directoire de Paribas, Patrick Robin, président fondateur d'Imaginet, Jean-Pierre Scotti, fondateur d'Intercall, Thierry Leyne, président du conseil de surveillance de Consors France, ou encore Thierry Lhermitte.

Interviennent-ils dans le management des start-up financées ?


Ils jouent effectivement un rôle actif dans le conseil particulier de ces sociétés. Nous nous sommes efforcés d'attirer des personnalités qui viennent de domaines complémentaires pour les start-up que nous finançons, qui acceptent de mettre à leur disposition leur carnet d'adresses, de participer à des cessions de travail avec elles pour échanger leurs visions stratégiques du secteur sur lequel ils interviennent, et qui acceptent, le cas échéant, de représenter Apollo Invest dans leur conseil d'administration.

Que recherchez vous dans les sociétés au sein desquelles vous prenez une participation ?


D'abord, que le projet nous offre des perspectives de plus-values substantielles. Nous privilégions, d'autre part, les synergies au travers de ce que nous appelons la fertilisation croisée, qui nous permet de jouer un rôle d'accélérateur de croissance dans leur développement. Cela signifie qu'Apollo Invest choisit des sociétés partenaires susceptibles de croiser leurs compétences ou de collaborer dans un même secteur d'activité. La cohérence de l'ensemble constitué par les sociétés partenaires d'Apollo Invest réside dans les services qu'elles fournissent, les technologies qu'elles utilisent ou les secteurs d'activité dans lesquels elles évoluent, qui les amènent à se rencontrer et à bénéficier des expériences de chacune.

Comment les sélectionnez-vous ?


Nous fonctionnons à travers un Intranet : Apollo Board. A chaque fois que nous recevons un dossier qui nous semble intéressant, nous le mettons en ligne et les 15 business angels qui sont administrateurs d'Apollo Invest nous donnent leur retour dessus. Il faut ensuite que le dossier soit validé par les cinq directeurs associés de la société, Hervé Giaoui, Laurent Asscher, Patrice Cohen, Bruno Liège et moi-même. Une fois que tout le monde est d'accord, les porteurs du projet présentent eux-mêmes leur dossier devant le conseil d'administration qui, au final, vote ou non la possibilité d'investir dans le projet. Pour résumer, les directeurs associés ont le pouvoir de dire non et le conseil d'administration celui de dire oui.

Quelle est la moyenne de vos investissements ?


Lorsque nous avons créé Apollo Invest nous étions sur une base de 300 000 euros, et nous sommes aujourd'hui sur une base de 1 à 2 millions d'euros. Cette moyenne augmente en fonction de la valorisation des sociétés, et parce que, quand nous croyons en une entreprise, nous avons vocation à financer des levées de fonds successives.

Quelle est l'enveloppe d'investissement dont dispose Apollo Invest ?


Nous disposions cette année de 100 MF, et nous venons de réaliser une nouvelle levée de fonds d'un montant de 40 MF qui nous permet de poursuivre notre rythme de croissance avant une très grosse levée qui devrait arriver très vite. Sur ces 40 MF, la moitié a été remise par 80 % des actionnaires, et nous avons fait rentrer la société Hollandaise Newconomy, cotée à la bourse d'Amsterdam, dans le capital d'Apollo Invest à hauteur de 12 %.

Quels sont vos derniers investissements ?


Nous venons de rentrer dans le capital de Bananalotto qui, à mon sens, est l'une des plus belles entreprises de marketing direct existantes aujourd'hui, et qui devrait être le prochain Consodata, car elle possède une base de données qualifiées de plus d'un million de noms, avec leur adresse e-mail et leur adresse postale.

Depuis le krach boursier du début de l'année, les start-up ont de plus en plus de mal à boucler un second tour de table. Certaines sont même obligées de déposer le bilan. Les investisseurs sont-ils devenus frileux ?


Il y a deux éléments de réponse à cette question. Il y a tout d'abord eu un excès de confiance de la part des investisseurs, qui se sont un peu trop dispersés en finançant des projets qui, pour certains, n'en valaient pas la peine. Mais le krach boursier du printemps a provoqué une vraie crise, et aujourd'hui les investisseurs sont tétanisés. La plupart ont mis leur investissement à venir en stand-by, pour privilégier le renforcement dans leurs positions gagnantes. Mais ce n'est pas une surprise. En situation de crise, on regarde ce qui marche, et on ne s'amuse plus à investir au petit bonheur la chance et à prendre plus de risques, même si c'est notre métier. Les risques que l'on prend aujourd'hui sont davantage calculés.

Les investisseurs, pour avoir mal apprécié le potentiel de certains business models, ne sont-ils pas en partie responsable des ratés de certains de ces sites ?


Je crois qu'il ne faut pas mettre tous les investisseurs dans le même panier. Il faut distinguer ce qui est amorçage de fonds du reste. Le principe de l'amorçage, c'est de développer une stratégie mitraillette et d'arroser un peu partout pour voir ce qui va émerger. S'il y a de bons dossiers qui émergent, c'est parce qu'il y en a beaucoup qui ont pu faire leur preuve en amorçage. Mais il n'y a pas de place pour tout le monde. Il est important de financer beaucoup de projets mais pas n'importe lesquels. Nos équipes sont de plus en plus matures et plus à même de déceler les dossiers solides et les projets farfelus qui, de toute façon, ont disparu de la circulation, ou tout du moins ne parviennent plus à prendre des rendez-vous avec les investisseurs.

Apollo Invest a-t-elle commis des erreurs de jugement ?


Lorsque nous avons démarré notre activité, nous n'avions pas la prétention de savoir dans quoi exactement il fallait investir. Nous savions qu'il y avait de bonnes opportunités, et c'est précisément pour les dénicher que nous nous sommes entourés d'un réseau de business angels compétents. Et puis nous avons mutualisé les risques en faisant beaucoup d'investissements. Aujourd'hui, nous ralentissons un peu le rythme car nous sommes capables de déceler les projets qui ne vont pas marcher, ceux qui vont exploser, et ceux qui vont être très rentables.

Parmi les start-up que vous avez financées cette année, y en a-t-il qui ont déposé le bilan ?


Oui, Medimania, un site grand public de santé. Pour la bonne raison qu'au moment où nous avons investi dedans, une dizaine de sites concurrents sont apparus simultanément. Ce qui signifie qu'il aurait fallu investir des sommes astronomiques, en communication notamment, pour poursuivre l'aventure. Mais la société n'a pas déposé le bilan parce qu'elle était en cessation de paiement. Nous n'avons pas attendu qu'il y ait un trou de plusieurs millions dans la caisse pour déposer le bilan. Nous avons fait un bilan très objectif, et cela s'est fait en commun accord avec les dirigeants de Medimania qui ont décidé d'arrêter les frais après avoir essayé, en vain, de se faire racheter et de trouver d'autres investisseurs potentiels. Dans l'affaire, nous avons perdu 2,7 % des fonds propres d'Apollo Invest, ce qui n'est pas dramatique.

Ces dernières semaines ont été marquées par plusieurs échecs retentissants, comme celui de Clust ou de Boxman. Comment les analysez-vous ?


L'échec de Clust, même s'il fait suite à une série de restructuration de la part de plusieurs acteurs du group buying, ne signifie pas que le concept de l'achat groupé soit mort. Simplement le marché n'est pas mature. Néanmoins, ce que l'on peut reprocher à Clust, c'est d'avoir péché par orgueil en sous-estimant la puissance des centrales d'achat de la distribution. Dire "moi puissance nous, et après nous le déluge" était présomptueux. Tout comme l'ont été ceux qui pensaient que France Télécom allait disparaître avec l'arrivée d'AOL. Lorsque l'on arrive sur un marché déjà occupé par des acteurs incontournables, mieux vaut la jouer profil bas plutôt que de leur rentrer dedans tête baissée.

Pourquoi n'avez-vous pas investi dans l'un de ces sites d'achat groupé ?


Ce n'est pas faute de les avoir rencontrés. Tous. Mais les marges qu'ils peuvent réaliser sont trop faibles pour pouvoir espérer gagner de l'argent. D'autre part, ces sites fonctionnent surtout grâce à leur produits d'appel. Or, ils ont tous les mêmes, c'est-à-dire des Palm Pilot, des trottinettes, des poussettes à trois roues etc. A bien y regarder, ils n'apportent aucune valeur ajoutée.

Et pour revenir aux malheurs de Boxman ?


La disparition de Boxman, si elle est confirmée, est due à une conjoncture malheureuse. Il était très difficile pour lui d'exister en partant de rien quand Amazon, CdNow ou la Fnac vendent des CD. On ne crée pas une marque avec comme unique plan de bataille un budget de communication de plusieurs dizaines de millions de francs. D'autre part, si l'on additionne le krach boursier, la crainte des investisseurs, et les pertes monumentales d'Amazon, qui fait figure de référence sur le secteur des produits culturels, cela fait beaucoup pour un canard boiteux.

Comment se fait-il alors que certains investisseurs l'aient soutenu sans mieux mesurer ces risques ?


D'abord parce que, à l'époque où le site s'est lancé, il y avait une frénésie autour des dotcoms. Et aussi parce que, à l'époque où Boxman a démarré son activité, ses concurrents comme la Fnac par exemple, ne vendaient pas encore de CD en ligne, et que la capacité des gros de la distribution à se positionner sur plusieurs créneaux a été sous-estimée. Et, lorsque l'on regarde les pertes d'Amazon, la retenue des investisseurs, le krach boursier... Boxman qui arrive derrière n'a aucune chance.

Est-ce que cette crise change les rapports que vous entretenez avec les sociétés que vous financez ?


Bien entendu. Nous leur demandons, par exemple, de mettre en place une maîtrise des coûts, de regarder les sorties industrielles et pas uniquement les sorties au Nasdaq, de regarder aussi les concurrents, et voir s'il y a des rapprochement possibles, et si ça ne va vraiment pas, de tenter de sauver les apparences pour faire une mariée qui soit belle.

Biographie


Xavier Schallebaum, 27 ans, est diplômé de l'Ecole Supérieure de Journalisme de Paris. Il débute sa carrière sur Internet en rejoignant l'Elysée où il s'occupe trois ans durant du site de la Présidence de la République. En mars 2000, il rejoint Apollo Invest avec un apport personnel de 120 000 francs. Il est aujourd'hui Directeur marketing et communication de la société de capital risque.

Apollo Invest


Créé en juin 1999 par Hervé Giaoui, qui a auparavant cofondé la société Universal Netcom devenue LibertySurf, et Laurent Asscher, ex-Directeur général du groupe Tekelec, Apollo Invest dispose d'une capacité d'investissement de financement de 140 millions de francs. Depuis ses débuts, la société de capital risque a pris des participations dans une vingtaine de start-up, parmi lesquelles DoubleTrade, StartupAvenue, Collego, Freever, AbCool, aufeminin.com, Net2One, Kazibao et plus récemment Bananalotto. Apollo regroupe 50 business angels qui financent les projets soutenus par la société. On y trouve par exemple Patrick Robin (Imaginet), Jean-Michel Billaut (l'Atelier), Patrice Magnard (Alapage), André Levy-Lang et Thierry Lhermitte.

 
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Tanguy Leclerc

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