« Notre force est d'avoir la plus grande communauté »
LA DG DE MEETIC FRANCE REVIENT SUR LES INNOVATIONS ET LA STRATEGIE FRANCAISE DE LA SOCIETE EN 2013. LE SITE REPENSE SON EXPERIENCE DIGITALE, SE LANCE DANS LE MULTICANAL, CHANGE DE LOGO ET ACCENTUE LA QUALITE DES SERVICES PROPOSES.
Je m'abonneQuel bilan tirez-vous de l'année 2012, année emblématique puisque Meetic a fêté ses dix ans?
Jessica Delpirou: Le bilan de ces dix premières années est très positif. Meetic est parvenu à inventer un marché qui n'existait pas, la rencontre en ligne. Avec succès, puisqu'aujourd'hui, 50 % des internautes ont déjà utilisé des sites de rencontre en ligne. On ne pouvait pas imaginer cela aux débuts de notre activité.
Globalement, le groupe se porte bien, les résultats au troisième trimestre 2012 sont bons et notre base de clients continue de croître. Le terrain est donc fertile pour l'avenir.
Qu'a changé le rachat de Meetic par Match il y a un an et demi? Existe-t-il des synergies au sein du groupe?
Ce rachat a changé de nombreuses choses, de manière très positive. Nous sommes passés du statut de start-up à celui d'entreprise qui a la chance de pouvoir profiter de toutes les synergies d'un groupe mondial, leader de la rencontre en ligne. Match fait partie du groupe IAC qui a de nombreuses autres participations dont le site OkCupid. Nous avons énormément travaillé notre produit, qui est un outil de conversation et de trafic, de manière à ce que la communication entre célibataires se passe bien. Les algorithmes ont nécessité beaucoup de développements analytiques et techniques.
Comment se comporte le marché des célibataires?
La France compte 18 millions de célibataires. Ce nombre a crû de 20 % en 10 ans, et le nombre des divorces a, parallèlement, explosé. Un mariage sur deux se solde par un divorce à Paris, un sur trois en France. Parallèlement, les célibataires ont de plus en plus de mal à rencontrer des personnes car la vie professionnelle est de plus en plus stressante, le temps est toujours compté, et les cercles d'amis sont finalement relativement autocentrés.
@ © Marc Bertrand
Parcours
Jessica Delpirou a acquis une expérience de plus de 12 années dans des entreprises de services, au sein d'organisations multinationales à forte culture business et digitale. Elle a dirigé des équipes de 10 à 50 collaborateurs et possède une expertise en stratégie/marketing. Formée à HEC, Jessica Delpirou a réalisé l'essentiel de sa carrière jusqu'alors dans des entreprises disruptives sur leurs marchés et à forte croissance, telles que Bouygues Telecom, ING Direct ou encore plus récemment, PayPal. En qualité de Country Manager France, elle a pour mission principale de développer le business de Meetic France.
Y a-t-il des changements sociétaux touchant le secteur de la rencontre en ligne?
Oui, bien sûr. Nous avons étudié ces phénomènes avec des sociologues. Il y a un déterminisme de plus en plus fort. On rencontre des gens dans son cercle d'amis proche, et l'ouverture est beaucoup plus difficile qu'auparavant. Les études sociologiques que nous menons confirment que la société reste très fermée. Nous sommes dans une société de communication poussée mais, contrairement à ce que l'on imagine, les comportements restent assez figés.
En temps de crise, le couple est une valeur refuge qui aide à lutter contre les difficultés économiques. On s'entre-aide, on se coache. Dans ce contexte, le secteur de la rencontre en ligne n'est pas près de connaître la crise!
Existe-t-il des particularités notoires dans la rencontre en ligne au sein des différents pays européens? Quelle est votre approche?
Meetic est présent dans 16 pays en Europe et le groupe Match est présent en Amérique du Sud et aux Etats-Unis. Nous constatons une vraie dichotomie entre les pays anglo-saxons et les latins. Les Anglo-Saxons sont encore un peu moins acquis à la rencontre en ligne. Alors que dans les pays latins, dont la France, nous n'avons plus du tout cette gêne... Des différences sont encore bien présentes dans la manière de percevoir la rencontre.
Nous travaillons notre offre pour l'adapter à chaque culture. Le "chat", par exemple, reste un service utilisé chez les Français ou les Italiens et moins chez les Britanniques...
Dans l'univers concurrentiel qui est le vôtre, les réseaux sociaux ont-ils pris une part du marché?
@ © Marc Bertrand
Oui et non, car les sites de rencontre qui s'appuient sur les réseaux sociaux sont des sites gratuits pour la majorité. En ce qui concerne Meetic, nous faisons payer l'utilisateur avec la promesse de lui apporter des vrais services et de la valeur ajoutée. Les modèles gratuits ciblent d'autres types de population et de rencontres, plus éphémères.
Quel est votre regard sur les sites de rencontre très communautaires?
Il s'en crée de nombreux en effet. Nous avons pris le parti de ne pas aller sur cette voie. Beaucoup de ces sites ont d'ailleurs du mal à atteindre la masse critique qui leur permet de déployer un modèle pérenne. Notre force est d'avoir la plus grande communauté et de proposer des rencontres inédites.
Vous avez parlé de 2013 comme d'une année qui apporterait un nouveau souffle à Meetic. Pourquoi?
En 2013, nous intensifions les innovations. En lançant les soirées organisées par Meetic et en repensant notre expérience digitale. C'est la raison pour laquelle j'emploie cette expression de nouveau souffle. Nous en avions besoin. Après dix ans d'existence, nous nous devons de montrer à nouveau la voie et d'innover.
Vous promettez de renouveler l'expérience digitale de vos membres: comment procédez-vous?
Nous avons revu l'ergonomie du site internet et avons repensé la navigation sur le site. Et cela afin de rendre l'ensemble de l'expérience digitale plus lisible et facile d'accès par les utilisateurs.
Nous avons également ajouté des rubriques. L'une d'entre elle, Le Mag, est très prometteuse. Il s'agit d'un contenu de marque édité par Meetic et rédigé en partie par une journaliste intégrée à l'équipe. Ces articles sont destinés aux utilisateurs de notre service et, plus largement, à l'ensemble des célibataires. L'objectif est d'apporter un réel contenu de marque autour du célibat, étayé par des points de vue d'expert, des témoignages, etc.
Votre stratégie de brand content vise telle à fournir un service additionnel ou à asseoir votre référencement?
Evidemment, il y a une notion d'aide au référencement car le contenu de marque influence de manière importante les résultats sur Google. Aujourd'hui, nous pensons avoir toute la légitimité pour lancer ce type de projet.
Vous investissez le monde des soirées et du off, pourquoi?
Nous avons effectivement lancé des soirées pour célibataires. Cela nous permet de rentrer dans la vie réelle des membres. Meetic ne se limite plus aux rencontres en ligne, nous faisons aussi immersion dans le off. L'originalité est que nous y entrons avec les méthodes du digital: de la segmentation, de la géolocalisation, de l'industrialisation grâce à notre capacité à envoyer des e-mails au plus grand nombre. Nous organiserons une cinquantaine de soirées par mois dans toute la France. Pas moins de 35 villes seront concernées et nous avons déjà noué des partenariats avec une centaine de bars. Le concept est le suivant. Vous êtes invité à une soirée, vous pouvez inviter jusqu'à trois célibataires et le jour J, Meetic s'efface pour laisser place à la rencontre. Nous mettons dans l'organisation de ces soirées beaucoup d'analytique afin de croiser les données pour que les gens se rencontrent...
Meetic
Lancé en 2001 en France, Meetic incarne la rencontre en ligne aujourd'hui en Europe. La marque réunit la plus grande communauté de célibataires avec plus de 767000 abonnés européens. Avec une notoriété globale, en 2012, de 91%, Meetic s'impose dans le paysage de la rencontre depuis plus de 10 ans. Les jeunes célibataires entretiennent d'ailleurs un lien particulier avec Meetic: 93 % des 18-25 ans en France connaissent la marque, laquelle a fait évoluer son logo fin 2012. Plus contemporain, il s'est doté d'une typographie plus ronde et moderne. Le coeur, symbole fort de Meetic, a été conservé.
Quid de votre stratégie sur mobile?
Le mobile est très lié à l'intime, c'est donc un canal de communication important dans notre activité. Nous avons lancé récemment un nouveau site mobile qui est l'exacte continuité de l'expérience que l'on peut avoir sur Internet. Le site mobile en HTLM5 nous permet d'offrir cette continuité car les fonctionnalités accessibles aux membres sont les mêmes qu'en ligne.
Site ou application mobile... avez-vous eu un dilemme?
Nous proposons les deux, bien sûr. Et notre vision à date est de nous dire que l'on va laisser le consommateur choisir. Les applications restent omniprésentes car les internautes ne sont pas habitués à avoir des sites en HTLM5 et beaucoup de sites mobiles ne sont pas au niveau. Quant à notre stratégie sur les tablettes, elle sera déployée l'année prochaine. A ce jour, plus de 14 % de notre acquisition se fait grâce au mobile, et plus de 40 % de nos utilisateurs se connectent une fois par mois sur le site mobile...
Le modèle économique de Meetic continue de bien fonctionner.
Quel est votre niveau de rentabilité?
Au troisième trimestre 2012, nous avons enregistré une croissance de 44,3 % de notre rentabilité par rapport à l'année dernière. Au niveau européen, nous avons dégagé un chiffre d'affaires de 178 millions d'euros et notre parc d'abonnés grossit. Il a atteint 767 000 clients au troisième trimestre. Les internautes peuvent s'abonner pour un «pass» de 1 à 6 mois proposé entre 34,90 euros et 14,90 euros par mois, en fonction de la durée. Meetic compte 450 salariés en Europe.
Votre organisation a-t-elle évolué?
Oui beaucoup avec l'arrivée de Match/IAC. Nous sommes organisés aujourd'hui comme un groupe américain, très matriciel, avec des équipes européennes qui travaillent sur le produit lui-même et sur la marque.
Nous avons plusieurs marques au niveau européen, Meetic, Match, Lexa, Dating Direct... et nous travaillons sur la cohérence d'ensemble de ces marques. La France continue de représenter, en termes de chiffre d'affaires, le plus grand marché européen pour Meetic.
Quels sont vos leviers d'acquisition principaux?
Meetic est l'un des plus gros investisseurs digitaux de la place de Paris. Nous investissons sans avoir recours à une agence. Les éditeurs sont approchés directement par nos équipes, c'est l'une de nos spécificités, et je pense que c'est unique pour un acteur de notre taille qui a un gros budget sur le Web. En 2012, nous avons dépensé, au niveau européen, environ 50 millions d'euros en marketing. Concernant notre communication, la télévision reste notre média phare. En 2012, nous avons également beaucoup travaillé la radio et cela a bien fonctionné. Sur le digital, nous menons des actions à la performance mais aussi sur des opérations de branding...
Quelles sont vos valeurs managériales?
J'ai une fibre entrepreneuriale relativement forte. J'essaie donc de trouver le bon équilibre entre une culture normée, héritée de ma formation à HEC, mon expérience en conseil et une dynamique d'entreprenariat très présente chez Meetic. Notre secteur a la spécificité de travailler énormément sur les données et leur analyse, dans une approche très ROIste, mais, en même temps, nous travaillons avant tout sur de l'humain...