« Le multicanal est au centre de notre stratégie »
YVES ROCHER A FAIT DU MULTICANAL SA MARQUE DE FABRIQUE. SES 17 SITES MARCHANDS, IMPLANTES DANS AUTANT DE PAYS, MISENT AVANT TOUT SUR LA VALORISATION DE LA MARQUE ET SUR UNE EXPERIENCE DE NAVIGATION EN LIGNE ALLIANT SIMPLICITE ET RICHESSE FONCTIONNELLE...
Je m'abonnePouvez-vous dresser le bilan de l'activité digitale d'Yves Rocher en 2011?
Ludovic Bonneton: L'année 201 1 a été une période de continuité. Le Web s'est renforcé dans le groupe et nous avons ouvert de nouveaux pays comme l'Ukraine, la Chine, le Kazakhstan. Nous avons aujourd'hui 17 sites d'e-commerce dans le monde. Nous sommes aussi dans une période de développement. Nous considérons Internet comme un pivot de la relation client et comme un média primordial pour véhiculer l'image de notre marque. Nous allons développer de nouveaux sites d'e-commerce, notamment sur les marchés de l'Est. Globalement, le marché se porte bien, il est même en progression. Et nous en sommes les leaders.
Quel regard portez-vous sur votre stratégie multicanal?
Le multicanal est nativement au centre de la stratégie d'Yves Rocher. Notre société se distingue sur le marché des cosmétiques par le fait que la relation client est dans nos gènes. La plupart des acteurs de la cosmétique ont des interlocuteurs issus du B to B: ils ont l'habitude de parler à des chaînes de distribution. Nous avons, pour notre part, toujours parlé à nos consommatrices. Quand l'Internet est arrivé, au lieu d'en faire un canal additionnel, nous l'avons mis au centre de notre stratégie. Chez Yves Rocher, en un mot, le multicanal n'est pas subi. Les newsletters de la marque renvoient par exemple vers les magasins et un espace sur les points de vente donne des informations pratiques. Il est très consulté. En fait, le site est conçu pour fournir une expérience utilisatrice utile.
Et c'est une vraie réussite. Actuellement, nous passons un cap pour être un portail de marque, au service de la cliente, avec une forte dimension internationale. Notre grand challenge est de parvenir à nous servir de l'Internet pour nous développer sur tous nos marchés, en répondant aux contraintes locales. En effet, nos différents pays d'implantation n'ont pas forcément les mêmes canaux dominants et la marque va alors y être représentée de manière différente.
Parcours
Ludovic Bonneton, diplômé de Science Po en 1995, a 43 ans. Il est expert en développement dans les business à forte dominante marketing. Il débute sa carrière chez L'Oréal, puis, en 1999, monte la start-up Immostreet, un portail immobilier aujourd'hui intégré au groupe Se Loger. Ludovic Bonneton a par ailleurs dirigé la vente directe du groupe Pierre et Vacances (150 millions d'euros de CA). Il y pilotait la vente directe traditionnelle et l'Internet avec pour mission de hisser le canal web à 20 % du chiffre d'affaires total du groupe. Il intègre Yves Rocher il y a un an et demi. Au sein de l'enseigne, il est à la tête de l'activité Internet monde.
Quel est le profil type de vos clientes?
Ce sont majoritairement des femmes de 35 ans. Les consommatrices sont légèrement plus jeunes sur le Web que dans le réseau physique. Mais les écarts ne sont pas vraiment faramineux. Nous sommes également présents sur le segment masculin, au travers d'une gamme de produits qualitatifs. Au total, nous commercialisons 800 références présentées simultanément en ligne, dans nos magasins et sur nos catalogues. Notre stratégie multicanal ne fait pas de différenciation sur des produits exclusifs par canaux.
Quels ressorts créatifs ont été privilégiés sur votre site? Avec quels résultats?
Le grand point fort de notre portail est qu'il est organisé autour de la marque et du produit. Il propose une expérience de shopping extrêmement riche. Si vous surfez sur le site, vous avez accès à beaucoup de conseils, à des leçons de beauté. L'expérience est à la fois simple et riche. Le site se veut le portail de la marque, un site de marque en quelque sorte, qui réalise aussi de l'e-commerce. C'est, en effet, le premier magasin de l'enseigne en termes de chiffre d'affaires.
Le digital compte-t-il des équipes dédiées au sein du groupe?
Chacun des 17 sites d'e-commerce a un patron local. L'équipe du site e-commerce français est par exemple basée à Rennes (Ille-et-Vilaine) et elle a en charge le chiffre d'affaires français.
Pour ma part, j'ai la responsabilité du digital à l'international. Ma mission est d'accompagner tous les marchés pour les aider à développer leur business. C'est une mission transverse et intrinsèquement multicanal. Dans nos équipes, nous sommes perpétuellement à la recherche de nouvelles compétences sur le Web.
@ © Arnaud Olszak
Quelle est la structure du réseau de points de vente d'Yves Rocher. Comment les magasins cohabitent-ils avec le Web?
Les magasins de notre réseau physique sont pour un tiers des gérances, pour un autre tiers des franchises et pour un dernier tiers des magasins qui sont la propriété de l'enseigne, en fonds propres. Globalement, je considère que nous sommes à la pointe pour aider les magasins à faire du business grâce à Internet. Nous allons de plus en plus vers de la personnalisation où chaque magasin pourra, au travers des réseaux sociaux par exemple, personnaliser son site, proposer des animations spécifiques pour rediriger du trafic en magasin. Aujourd'hui, l'Internet apporte beaucoup de trafic vers les magasins. C'est un média d'information très puissant.
Quel est votre degré de maturité par rapport au canal mobile? Et, plus particulièrement, faites-vous du m-commerce?
Notre stratégie est à la fois fixe et mobile. Nous considérons, concernant la mobilité, qu'elle doit servir deux objectifs. Tout d'abord, l'accessibilité de la marque à nos consommatrices. D'autre part, c'est une opportunité de travailler encore plus fortement le multicanal. Il s'agit d'un axe stratégique que nous souhaitons développer.
De manière automatique, nous pouvons déjà rappeler des rendez-vous. L'enseigne compte 580 magasins en France, un maillage extrêmement dense. Nous sommes le premier réseau de soin institut en France et, dans ce contexte, le mobile est un levier pour faire connaître nos atouts.
Concernant nos projets, nous développerons le volet marchand de nos applications prochainement. Beaucoup de choses se feront en 2012 et 2013, nous déploierons notre stratégie en ce sens.
Quels sont vos marchés phares à l'étranger? Et quelles sont les grandes particularités que vous remarquez?
Sur nos pays d'implantation, il y a un tronc commun dans le développement de nos sites. L'expérience utilisateur reste globalement similaire selon les pays.
Ce qui varie, ce sont les modes de livraison, de paiement, et les réglementations. Par exemple, chaque marché a ses spécificités au regard de la gestion des données et de leur utilisation.
Pour le reste, nous ne pouvons pas dire que nous fournissions des expériences différentes. Même en Chine, si vous surfez sur notre site officiel, l'expérience utilisateur est relativement classique. La grande spécificité chinoise est le "scroll". Dans ce pays, par rapport ce que l'on voit en l'Europe, il y a énormément de contenu sur une seule et même page.
Yves Rocher
C'est en 1959, dans son village natal de La Gacilly, en Bretagne, qu'Yves Rocher fabrique ses premiers produits de beauté à base de plantes. Au fil des années, Yves Rocher est devenu l'un des acteurs majeurs de l'agriculture bio dans l'univers de la cosmétique.
Quant à son jardin botanique, implanté face à l'usine de la Croix-des-Archers, c'est un véritable conservatoire végétal où sont répertoriées, étudiées et préservées plus de 1 000 espèces végétales.
Le réseau commercial est composé de 1 950 points de vente à travers le monde, dont 580 en France. Pas moins de 300 millions de produits sont vendus chaque année dans le monde entier. Yves Rocher compte 30 millions de clientes et réalise 2 milliards d'euros de CA (en 2011). Pour la cinquième année consécutive, les internautes ont placé la marque de cosmétique à la première place des sites de beauté préférés des internautes lors de la dernière soirée des Favor'i organisée par la Fevad, le 24 novembre dernier. Le site y a également obtenu le Prix de la performance.
Comment procédez-vous pour vous lancer sur un nouveau marché?
Quand nous nous implantons dans un pays, nous opérons un «mix» entre une logique d'expérience client commune et nos ambitions sur le marché visé. C'est une sorte d'équilibrage entre du local et du central. Sachant que, dans notre logique, le central est toujours au service du local. Nous travaillons avec des prestataires locaux dans chacun de nos pays et disposons de bureaux dans tous nos différents marchés.
Quels leviers privilégiez-vous pour exister en ligne?
Bien sûr, nous déployons tous les leviers d'acquisition sur le Net. Nous essayons aussi de nous adapter aux marchés que nous adressons. Les marchés européens sont complètement différents des marchés asiatiques, par exemple. En Chine, nous investissons beaucoup plus sur les réseaux sociaux en acquisition. C'est culturel: les Chinois sont à la pointe sur le social, le mobile, la consommation de contenus.
Le marché chinois ressemble, en termes d'usages et de consommation, à ce que nous imaginons atteindre en Europe d'ici cinq à dix ans. Et c'est assez étonnant. Car l'e-commerce ne se développe en Chine que depuis trois ans, c'est donc vraiment un secteur tout jeune. Dans le même temps, les internautes y sont représentés par une population qui est, elle aussi, très jeune. Les Chinois sont parvenus à faire avec Internet ce qu'ils ont fait avec les marques ou encore avec le TGV En fait, ils sautent une étape d'apprentissage. Ils sont passés tout de suite au Web 2.0.
Dans ce pays, on compte un demi milliard d'internautes, dont 300 millions conversent sur le réseau social Weibo. C'est faramineux! Et sur ce réseau, comme sur Twitter, vous ne pouvez vous exprimer qu'avec un nombre de caractères limité. Cependant, en chinois, avec 140 caractères, vous pouvez dire beaucoup plus de choses que dans les langues européennes. Vous pouvez tout dire en somme. Raconter votre vie et également poster des photos et des vidéos. Le Twitter chinois est un outil d'information colossal. Yves Rocher compte déjà 35 000 "followers" sur Weibo.
Un mot des chiffres-clés de l'activité on line?
Notre page fan sur Facebook compte 350 000 fans. Nos marchés dominants sont la France, la Russie et l'Allemagne. Et nous sommes également très dynamiques aujourd'hui sur nos grands marchés, et pas uniquement sur le marché que nous venons d'ouvrir.
De mon point de vue, Yves Rocher a complètement pris le vent de la digitalisation. A partir du moment où l'Internet est au centre de tous les canaux, il est au coeur de notre organisation.