« Déçu, mais pas amer »
Comment analysez-vous l'échec de Boo.com ?
Serge
Papo : Pour résumer, je dirais que nous avons vu trop grand, trop vite. Le
concept du site était ambitieux et nous nous sommes laissés déborder par les
contraintes à la fois techniques et commerciales du site. Il était visiblement
présomptueux de croire que nous pouvions lancer un site global réunissant
toutes les marques de la mode urbaine simultanément dans 18 pays. Nous avons
d'autre part été assez naïfs en pensant qu'un investissement massif en
publicité suffirait à imposer la marque.
Cela ressemble fort à un aveu d'insuffisance ?
S. P : C'est vrai. Mais il est inutile de se
voiler la face ou de se chercher de fausses excuses. L'échec est là. Il faut
l'assumer.
Que proposait le plan de redressement envisagé fin mai ?
S. P : Il était constitué de quatre points : un allègement de la
structure avec la fermeture des filiales les moins rentables ; l'ouverture de
la plate-forme logistique à des fournisseurs ou à d'autres sites marchands ; le
développement de partenariats avec des marques qui nous auraient permis
d'élargir l'offre du site à des objets de décoration et de design ; le
lancement en août d'une nouvelle version du site plus rapide dans laquelle les
contenus éditoriaux auraient été musclés. Malheureusement, ce plan n'a pas
convaincu les actionnaires qui ont préféré jeter l'éponge.
Que reste-t-il de Boo aujourd'hui ?
S. P : Malgré la liquidation, je
reste convaincu de la force du concept, et je suis persuadé que la marque n'est
pas définitivement morte. Boo possède un capital sur lequel un repreneur
pourrait tout à fait rebondir en s'en donnant les moyens. C'est moins le
concept que son exécution qui a coulé l'entreprise. Boo a su trouver son
public, et en France en particulier, nous avions su imposer la marque. Que l'on
nous déteste ou que l'on nous adore, nous ne laissions en tout cas pas
indifférent. Nous possédions même un capital sympathie extrêmement fort auprès
de notre coeur de cible.
Quels sont les sentiments qui vous animent aujourd'hui ?
S. P : Je suis déçu, bien sûr, mais pas
amer. Aussi courte et douloureuse qu'elle ait été, l'expérience méritait d'être
vécu. Si l'on tire un bilan de l'activité de Boo France, il n'y a pas lieu de
rougir. Etant donné les moyens financiers et humains qui étaient les nôtres -
10 MF consacrés au marketing et une équipe de 7 personnes - j'estime que nous
nous en sommes plutôt bien sortis. Nous avions quand même multiplié nos ventes
par trois en 2 mois, sur février-mars. J'en veux en revanche aux dirigeants du
site d'avoir à ce point manqué de lucidité dans la gestion et le management de
l'entreprise.