« C-mescourses est la priorité stratégique du groupe Casino »
A l'heure où la grande distribution se lance à l'assaut d'Internet, le directeur général de Casino Entreprise et du site C-mescourses fait part de son optimisme quant à l'avenir des activités on line du groupe stéphanois.
Je m'abonneComment est né Casino Entreprise ?
Nous sommes
partis du constat qu'il existait au sein du groupe Casino un certain nombre
d'actifs sous-exploités : une puissance d'achat en non alimentaire que nous
n'utilisions que dans nos hypermarchés, une logistique qui pouvait être
étendue, des systèmes d'information qui permettaient de créer des chaînes de
distribution assez rapidement... Avec en ligne de mire l'explosion des
nouvelles technologies et les profonds changements qu'elles allaient induire
sur les habitudes de consommation des Français et surtout sur l'organisation de
notre métier. Mais Casino Entreprise n'est qu'une petite partie de la stratégie
multimédia et Internet du groupe Casino.
Que regroupe l'entité Casino Entreprise ?
L'éventail de nos filiales actuelles renferme
deux sociétés click and mortar : Imagica, spécialiste du développement photo
express et Komogo, une chaîne de magasins multimédia centré autour d'Internet
qui vend de la micro-informatique, de la téléphonie, des logiciels, des jeux
vidéo, et du service, et dont le 4e magasin a été inauguré en mai à Paris. Le
reste est composé de structures on line. D'un côté, celles que nous avons
développées nous-mêmes, telles que C-mescourses, consacrée à l'alimentaire, et
C-online, qui regroupe tous les sites non-alimentaires, c'est-à-dire C-nouveau,
C-pourelle, C-vacances et C-sportif. Et de l'autre, celles qui existent à
travers des participations. Nous possédons aujourd'hui 15 % de Fresbee, 10 % de
Vitago, 51 % de CDiscount, et depuis le mois dernier 15 % de Télémarket.
Vous faites allusion au rapprochement que Casino a opéré avec le groupe Galeries Lafayette au mois de mai. Que vous apporte l'OPA-OPE réalisée sur Monoprix ?
A travers cette prise de participations, les deux
groupes souhaitent amorcer le développement de synergies communes, et posent
clairement la question d'un rapprochement à moyen terme. Maintenant, rien n'est
joué, et nous allons étudier précisément quelles sont les synergies que nous
pouvons privilégier, tout en respectant la logique de chacun des deux groupes
en matière de commerce électronique, et jusqu'où nous pouvons élaborer un
projet industriel commun. Mais c'est avant tout une alliance globale qui passe
d'abord par Monoprix, et qui a comme composantes marginales mais malgré tout
importantes, à la fois Cofinoga et Télémarket.
Quel jugement portez-vous sur l'activité on line du groupe ?
J'estime qu'il est
globalement satisfaisant. En termes d'audience, si l'on se réfère aux chiffres
publiés par NetValue, 7,7 % des internautes français sont passés sur l'un des
sites du groupe, ce qui fait de nous le deuxième ensemble de e-commerce
derrière le groupe PPR. En B to C, nous avons enregistré 7,5 millions de francs
d'achats sur le Web en mars, et environ 10 millions de francs en avril. D'autre
part, nous constatons qu'en termes de fréquentation du site et de commandes, le
fait d'avoir moins communiqué que nos concurrents ne nous pénalise pas outre
mesure. Nos investissements publicitaires ont certes été dix fois mois
importants que ceux de houra.fr par exemple, mais notre logique est de roder
l'outil logistique avant de communiquer dessus. En revanche, nous sommes très
rapides sur l'exécution, puisque nous sommes les seuls à posséder deux
plates-formes opérationnelles. Cela nous laisse donc un délai supplémentaire
pour préparer une communication ambitieuse qui sera lancée au moment
opportun.
Quelle est l'organisation logistique du site C-mescourses ?
Nous possédons deux plates-formes dédiées : une de
4 000 m2 à Lyon ouverte en septembre 99, et une autre de 5 000 m2 à Paris,
ouverte en février 2000. Nous réalisons également depuis quelques jours un test
de préparation et de livraison de commandes à partir d'un magasin physique
implanté à Pau. Cette expérience est motivée par notre volonté de développer
deux modèles logistiques : un modèle de plate-forme opérationnelle sur les
grandes villes, et un modèle de préparation en magasin sur des villes plus
petites.
Quel est le profil de votre clientèle ?
Elle
n'a rien de surprenant. Ce sont les femmes de moins de 35 ans, dont 65 % ont
des enfants, actives, et plutôt CSP +. Mais notre clientèle s'élargit. Nous
avons par exemple 9 % de seniors. Le panier moyen est de 650 F, soit trois fois
le panier moyen d'hyper, ce qui est flatteur sachant que nous ne vendons que de
l'alimentaire. Par ailleurs, 25 % de nos clients ont passé commande pour plus
de 900 F. Une fois qu'ils ont adopté le service, le rythme de commande normal
est d'une fois tous les 12 jours. Mais ce n'est pas une règle générale,
contrairement au panier moyen.
Quels enseignements tirez-vous de vos diverses expériences de e-commerce ?
Nous sommes situés à un
stade en amont du marché où il faut d'abord convaincre le consommateur que l'on
apporte un vrai service par rapport à un certain nombre de difficultés
logistiques. En ce qui nous concerne, j'estime néanmoins qu'il y a certains
points sur lesquels nous sommes encore très loin d'être au niveau. Le site
komogo.fr par exemple ne reflète pas le dynamisme des magasins. Il cumule une
offre et des tarifs satisfaisants, mais ne propose pas suffisamment de
services. En réalité, nous sommes engagés dans un défi quotidien dont la
principale difficulté est de marier l'autonomie et la réactivité
d'organisations indépendantes totalement dédiées au Web à des atouts d'un
groupe de distribution installé. Notre chance, c'est que nous sommes
multiformat et qu'un certain nombre d'éléments clés de notre organisation
migrent assez bien sur le Web.
Comment vous préparez-vous à l'arrivée d'Amazon en France ?
Il est certain que son arrivée va
secouer le marché et qu'il va faire très mal à la distribution spécialisée,
comme cela a été le cas aux Etats-Unis. Mais de notre côté, nous avons fait
attention à ne pas nous engager sur des secteurs vulnérables, comme les
enchères par exemple. A l'heure d'aujourd'hui, C-mescourses est la priorité
stratégique du groupe. Le seul site avec lequel nous serons en concurrence
frontale avec Amazon, c'est CDiscount, car il possède un positionnement
différent. Notre promesse est d'abord la réactivité à prix bas, là où Amazon
privilégie la largeur de gamme. Sur l'alimentaire, nous sommes sereins, car de
toute façon il faut plutôt aller chercher la concurrence du côté de Carrefour
et d'Auchan que du côté d'Amazon.
Biographie
François Véron, 30 ans, est diplômé d'HEC, de Sciences Po et de l'ENA, dont il est sorti en 1996. Il a passé deux ans à l'Inspection des finances avant de rejoindre Casino en 1998 en tant que directeur de la stratégie et du plan. Il a pris la tête de Casino Entreprise en juin 1999.