Christophe Bourbier, président de Limonetik : "Pour émerger en France, un moyen de paiement doit présenter un modèle économique viable"
Publié par François Deschamps le - mis à jour à
Le marché français des paiements en ligne est en pleine ébullition. Les modes de paiement se multiplient et les e-marchands doivent effectuer des choix en accord avec leur stratégie. Christophe Bourbier, cofondateur de Limonetik apporte son éclairage.
Quelle est la physionomie du paiement en ligne en France ?
Les paiements en ligne en France sont dominés par les cartes bancaires pour environ 80% des transactions. Les 20% restant concernent la multitude d'autres modes de paiement. La domination de la carte bleue en France résulte historiquement d'un phénomène de regroupement des banques dont l'objectif de négocier les couts des cartes Mastercard et Visa, afin qu'elles soient peu coûteuses. Aux États-Unis, un paiement par carte coûte entre 1,5% à 3% au marchand, alors qu'en France le coût est compris entre 0,3% à 0,5%. Concernant les 20% de paiements restants, ils reviennent en grande partie à PayPal, dont les commissions sont comprises entre 1,5% et 4%. Afin de séduire les e-marchands et les consommateurs, PayPal a dû faire valoir une vraie valeur ajoutée en termes de service. C'est le cas puisque PayPal propose une expérience utilisateur très adaptée à l'Internet et notamment au mobile, rapide, et sécurisée pour l'internaute.
Comment doit être abordé le paiement pour les sites marchands ayant des velléités de développement international ?
La plupart des gros sites marchands souhaitant se déployer à l'international, du moins à l'échelle européenne, ne doivent pas penser que la logique des 20/80 s'applique dans les autres pays. Par exemple, en Allemagne, la carte bancaire ne représente que 30% des paiements, en Belgique les consommateurs sont davantage équipés en carte de débit, moins en carte de crédit. Et dans chacun des pays adressés il existe ainsi des spécificités de paiements. Par ailleurs, les sites marchands dont les produits commercialisés sont des vêtements, de la cosmétique, ou des produits de puériculture peuvent avoir la volonté d'investir les marchés asiatiques. Et là encore, les moyens de paiement ne sont pas les mêmes, puisque les internautes asiatiques utilisent des wallets locaux de type Alipay.
De nombreuses solutions de paiement alternatives ont vu le jour mais peinent à émerger, ou disparaissent après quelques mois d'existence. Reste-t-il de la place en France pour d'autres moyens de paiements ?
En France, la question ne se pose pas en ces termes. Il s'agit plutôt de savoir si des solutions de paiement aux modèles économiques viables peuvent être mises en place, présentant des services innovants pour les utilisateurs et les marchands, avec de faibles marges. Il existe en effet d'autres wallets qui essayent de se démarquer de PayPal, notamment Paylib crée par BNP Paribas, la banque postale, et la société générale, ou encore MasterPass. Il y aussi eu Buyster porté par les opérateurs téléphoniques, mais qui n'a pas survécu. Et ce n'est pas tout, Google avait lancé un wallet mais a abandonné le sujet du paiement car le marché est très compétitif, et nécessite le développement de technologies, associés à des besoins d'ergonomie forts et de déploiement complexes qui peuvent prendre beaucoup de temps.
Chèques vacances, cartes cadeaux, paiement en trois fois sans frais... Les e-marchands ont-ils intérêt à implémenter ces moyens de paiement sur leur plateforme ?
Chacun de ces moyens de paiement va intéresser des e-marchands différents. Globalement, plus un marchand propose de moyens de paiements répondant aux besoins de ses utilisateurs, plus il a de chances d'augmenter son taux de transformation. Attention toutefois à ne pas trop encombrer la page de paiement, au risque de créer de la confusion dans l'esprit du consommateur. Il pourrait par exemple être pertinent de proposer du paiement en 3 fois sans frais sur les sites dont les paniers moyens sont élevés. Pour les voyagistes en ligne, souvent confrontés à des problèmes de plafonnements de cartes bancaires chez leurs clients, ils peuvent proposer le paiement par chèques vacances, dont la valeur globale en France est estimée à 1,4 milliard d'euros. Or les voyagistes en ligne sont encore aujourd'hui peu nombreux à proposer ce mode de paiement, notamment en raison d'une expérience client peu fluide. Mais Depuis cette année, l'ANCV propose des e-chèques vacances, dématérialisées, qui pourraient changer la donne. Cela permet de recruter des clients que le voyagiste n'avait pas forcément auparavant. Autre exemple, les cartes cadeaux, qui représentent 600 millions d'euros chaque année. Nos clients qui les utilisent constatent des paniers moyens supérieurs de 70% à 80% par rapport au panier moyen traditionnel.