[Tribune] L'influence des commerçants dans l'adoption des nouveaux moyens de paiement
Publié par Guillaume Ponsard (CentralPay) le - mis à jour à
A l'échelle des transactions mondiales, les nouveaux modes de paiement représentent un pourcentage extrêmement faible. Or, l'explication est moins à chercher dans le rejet des consommateurs que dans le manque d'information des commerçants.
Les habitudes des consommateurs ayant la vie dure, le numéraire n'a jamais vraiment été détrôné. L'un des effets indirects de la crise sanitaire mondiale, appelé de leurs voeux par tous les acteurs institutionnels et du paiement, fut d'accélérer les changements d'habitude. Et ceci jusqu'aux régions les plus réticentes à se séparer de l'argent liquide.
Phénomène apparemment mondial, que les observateurs constatent unanimement. La société de conseil McKinsey&Company signale à ce titre une augmentation de 40 % des paiements sans contact dont le paiement par mobile. Une tendance que les analystes voient se maintenir, soutenue par de nouveaux déploiements de solutions.
De nouveaux moyens de paiement, mais des habitudes bien ancrées
À ce titre, la France est le quatrième pays, au niveau mondial parmi les économies les plus solides, à utiliser le paiement sans contact, devant les États-Unis, avec un certain succès pour les puces NFC de nos cartes bancaires.
Les wallets Apple Pay, Google Pay ou encore Samsung Pay commencent aussi à tirer leur épingle du jeu, en contractualisant avec des banques françaises toujours plus nombreuses. D'autres pratiques et d'autres solutions se rencontrent ailleurs. Parmi lesquelles le QR code, très répandu en Asie, ou encore l'instant payment (virement immédiat), particulièrement adapté aux transactions B to B. On constate également une appétence croissante pour le paiement par lien, notamment dans le tourisme et la location, qui permet de payer à plusieurs.
On dit des nouveaux moyens de paiement que "les essayer, c'est les adopter". C'est en tout cas ce que confirme la récente étude Capterra sur le paiement sans contact et mobile. Ainsi, "92% des répondants ayant installé un portefeuille mobile l'ont utilisé pendant la crise". Tandis que "90 % d'entre eux souhaitent continuer à payer via portefeuille mobile une fois la crise sanitaire passée".
Des chiffres à relativiser toutefois: selon l'Observatoire sur la sécurité des moyens de paiement, si 45 millions de transactions ont été opérées via wallets mobiles en France en 2019 (tous opérateurs confondus), cela ne représente en réalité que 0,38 % des transactions en volume, et à peine 0,18% en valeur. Soit 794 millions d'euros (en nette progression: 190 millions d'euros en 2018), mais une goutte d'eau comparativement aux 600 milliards payés en carte bancaire sur la même période.
En d'autres termes, en matière de paiement tout du moins, les habitudes ont la vie dure. Du côté des consommateurs bien sûr, mais sans doute aussi du côté des commerçants eux-mêmes, dont la multiplication des moyens de paiement n'est pas forcément la priorité.
Accompagner tout le commerce dans l'innovation
En magasin comme en ligne, une offre variée de modes de paiement n'est pas si courante, au-delà des grandes plateformes. Beaucoup avancent les difficultés à consolider les paiements et à opérer le rapprochement bancaire, mais aussi et surtout les coûts liés à certains de ces nouveaux moyens de paiement.
Mais ces coûts directs sont à comparer aux coûts cachés liés à d'autres modalités: temps passé au dépôt de cash ou de chèques à la banque, sans compter les risques inhérents à ce genre de pratiques, délais de paiement des titres-restaurant papier, etc.
Résultat: l'absence d'informations sur les nouveaux moyens de paiement, la méconnaissance du panel de solutions existantes autour du paiement, et de façon plus globale, un certain manque d'accompagnement, conduisent les commerçants, qui devraient être prescripteurs par nature, à se faire plus volontiers contempteurs de l'innovation.
Un état de fait bien souvent dommageable pour leur activité, car la multiplication des moyens de paiement proposés aux consommateurs, c'est autant d'opportunités de vente quotidiennes. Et ça, les grandes plateformes l'ont bien compris. En bref, le travail de pédagogie et de conviction des commerces de proximité sera encore long, mais aussi pertinent si l'on souhaite maintenir les activités locales, notamment des centres-villes.
L'auteur
Guillaume Ponsard est président fondateur de la fintech française CentralPay. Créée en 2002, la plateforme de paiement CentralPay a d'abord opéré en marque blanche pendant 15 ans. Elle propose désormais des solutions pour automatiser des processus d'encaissement complexes et permet aux e-commerçants et plateformes/places de marché d'optimiser les transactions à l'échelle locale et internationale.