Oleg Tscheltzoff, p-dg de Fotolia : "Nous sommes l'un des leaders mondiaux de la photo libre de droits"
Publié par Martine Fuxa le | Mis à jour le
À la fois visionnaire et pragmatique, Oleg Tscheltzoff veut faire de Fotolia une marque internationale globale. Les explications de son cofondateur, également business angel réputé dans l'univers du Web.
Pouvez-vous dresser un bilan de l’année 2011 pour Fotolia ?(1)
Nous avons vécu une très bonne année, avec une croissance de 30 %, tant en chiffre d’affaires qu’en résultat. La crise profite à des entreprises telles que Fotolia, car nous vendons à des petits prix. Une photographie qui coûtait auparavant dans les 200 à 300 euros peut maintenant être acquise à très bas prix.
L’idée du lancement de Fotolia est née de ma précédente activité. J’étais le cofondateur d’Amen, société d’hébergement. Nous nous rendions compte qu’il y avait énormément de demandes pour des photographies dans les créations de site. Les photographies d’illustration coûtaient très cher à l’époque, d’où notre idée de lancer une plateforme. Au démarrage, notre positionnement n’était pas très bon. Les prix étaient de l’ordre de 10 à 20 euros la photo, en droit géré et non en libre de droits. Nous nous sommes repositionnés par la suite sur des petits prix, d'un à deux euros et en libre de droits. De plus, nous avons ouvert le site à l’international, en plusieurs langues : allemand, français, etc.
Le modèle a-t-il décollé rapidement ?
Cela a été un peu lent au démarrage mais nous avions des photographes qui uploadaient leurs clichés. La base de données a augmenté, et via tous mes contacts, nous sommes parvenus à faire des deals de vente indirecte. Notamment avec 1&1, le plus gros site d’hébergement au monde, qui offrait des crédits de photos à ses clients. À partir du moment où les premiers photographes ont commencé à gagner de l’argent, il y a eu un buzz important. En fait, cela coûte très cher de faire connaître une marque, et le modèle indirect nous a bien aidés au début, même si aujourd’hui, il représente une portion congrue du chiffre d’affaires. Actuellement, le site compte environ 16 millions de clichés.
Quel est le profil type de vos clients ?
Ce sont des gens qui utilisent des images, designers, webdesigners et également beaucoup de PME. Actuellement, le site compte 160 000 contributeurs. N’importe qui peut ouvrir un compte et uploader ses images. Des modérateurs vont vérifier leur qualité et leur légalité. Si la photo est acceptée, elle va rentrer dans le moteur de recherche de Fotolia, sera indexée, puis mise en vente instantanément dans toutes nos langues. Les personnes cherchent des images, tapent un mot-clé et, si elles achètent l’image, au moment ou la dépense est faite, nous payons une commission au photographe, de l’ordre de 30 à 50 %.
Combien perçoit le plus gros contributeur de Fotolia ?
C’est énorme. Il s’agit de Yuri Arcurs, un danois. Il gagne environ 1 million de dollars par an et dispose d’une équipe de photographes, embauche des mannequins, va en Afrique du Sud pour faire des shootings…
À quel niveau de chiffre d’affaires vous situez-vous ?
Nous sommes sur un trend de 100 millions de dollars de chiffre d’affaires, ce qui fait de nous l’un des leaders mondiaux de la photo libre de droits dans le monde. La société a été créée aux États-Unis, et nous avons une filiale en France, en Allemagne et au Japon.
Quelle est la structure humaine de l’entreprise, comment a-t-elle évolué ?
Fotolia est une société assez unique. Au début, quand nous avons créé l’entreprise, tout le monde était intégralement en télétravail, et cela a forgé une très bonne culture de communication au sein de l’entreprise. Quand vous êtes en télétravail, vous êtes obligé de communiquer. Nous avons développé des outils en interne pour communiquer, des mailings lists, généralisé l’utilisation de Skype. Par la suite, nous avons installé des bureaux à Paris, Berlin, Seattle, New York et Calgari. Au total, 80 personnes travaillent désormais au sein de Fotolia, dont la moitié en télétravail.
Quel est votre niveau de rentabilité ?
Nous réalisons environ 20 % de rentabilité, mais nous réinvestissons le profit dans de la croissance externe ou des développements. Il y actuellement 40 millions de PME dans le monde, qui pourraient être clientes de Fotolia. Nous pouvons encore grossir en théorie 40 fois par rapport à notre taille actuelle… Il y a encore beaucoup à faire pour expliquer les bonnes pratiques autour du droit à l’image. Notre plus gros concurrent, ce sont les gens qui utilisent les photos de manière illégale, sans respecter les droits d’auteurs…
Quels sont vos plus gros investissements ?
Ils concernent les serveurs. Les images sont stockées chez nous, cela a une énorme valeur. Les coûts marketing pour faire connaître la marque au niveau mondial sont également très importants, avec des investissements sur Google bien sûr, mais aussi dans des magazines ciblés, vers les designers et les TPE/ PME.
Vos projets à venir ?
Actuellement, nous rajoutons à notre plateforme des services verticaux, comme Wilogo, site participatif de création de logos, ou encore des services comme Flixtime.com, soft de création de vidéos…L’objectif est de créer une place de marché multidesign, dans la photo mais aussi dans le design, plus largement. Par ailleurs, nous sommes en train de travailler sur une version iPad de notre portail, qui devrait sortir en 2012.
Vous êtes également connu pour investir dans de nombreuses start-up de l’Internet. Quels sont les facteurs de réussite pour un projet web ?
J’aime beaucoup aider les jeunes entrepreneurs. On constate que des jeunes créent leur entreprise à la sortie de l’école, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans. Beaucoup de HEC, de centraliens, de polytechniciens se lancent désormais dès la sortie de leur école. C’est bien, car ce sont des têtes bien faites. Internet permet cela, il reste beaucoup de possibilités. J’investis en fonds privés, "friend&family", souvent avec un groupe d’entrepreneurs, dont le patron de Vente-privee, Steeve Rosemblum, de Pixmania ou encore Kima Ventures (Xavier Niel et Jérémie Berrebi). Actuellement, je participe financièrement à une quarantaine de projets. Parmi les plus prometteurs, je peux citer Beyond the Rack, site de vente privée au Canada, qui marche très fort. Ou encore Leechi, en France, site de cagnotte virtuelle très prometteur. C’est une idée originale et le site croît de 30 % par mois sur un beau modèle viral. Topmod, également, est un système de reconnaissance d’images via portable créé par des centraliens qui utilise une technologie extrêmement pointue. Je pourrais en citer encore bien d’autres…
(1) L'intégralité de l'interview à découvrir dans le prochain "E-commerceMag"...