La croissance du e-commerce au premier trimestre est tirée par la vente de services
Publié par Emmanuelle Serrano le - mis à jour à
Les ventes en ligne auront atteint 39,2 milliards d'euros sur les trois premiers mois de l'année. La croissance reste largement portée par les ventes de services (tourisme, voyage, hôtellerie), tandis que les ventes de produits montrent des signes de stagnation. L'inflation pèse sur le pouvoir d'achat des ménages, qui se tournent vers les discounters (alimentaire) et la seconde main (non alimentaire) pour compenser cette contrainte qui perdure. C'est un des grands enseignements retirés des chiffres du e-commerce au premier trimestre présentés et commentés par la Fevad aux côtés de NielsenIQ et Foxintelligence. Le tout organisé dans les locaux de Salesforce le 25 mai à quelques pas de la Tour Eiffel.
"Au 1er trimestre 2023, le e-commerce (produits et services) a enregistré une croissance de 20,2 % par rapport au 1er trimestre 2022 et atteint 39,2 milliards d'euros, soit 6,5 milliards de plus que l'an dernier.", a indiqué Marc Lolivier, délégué général de la Fevad. Le nombre de transactions s'élève à 577 millions contre 529 millions au 1er trimestre 2022. La croissance du e-commerce continue de s'appuyer sur le dynamisme des ventes de services qui atteignent un nouveau record, avec une progression de 36 % par rapport au 1er trimestre 2022. Cette croissance repose notamment sur les bonnes performances du secteur des voyages et loisirs qui enregistre un 6e trimestre de hausse avec une nouvelle progression de 52 % sur un an.
Les magasins physiques tirent leur épingle du jeu
Les ventes de produits sont stables (+1 %) par rapport à la même période l'an dernier. Cette stagnation tient notamment aux arbitrages de consommation opérés par les consommateurs en faveur du secteur de l'alimentaire, secteur moins présent en e-commerce. Un réflexe qui s'observe à peu près partout en Europe. a fait remarquer Daniel Ducrocq, VP Distribution Europe, NielsenIQ. "Après deux années de croissance exceptionnelle, les ventes online marquent le pas en Europe, avec une baisse de - 12 % au Royaume-Uni en 2022. Dans le contexte inflationniste actuel, les consommateurs européens font de plus en plus souvent leurs courses, réalisent des plus petits paniers, ce qui bénéficie aux magasins physiques dans leur ensemble. La France ne déroge pas au phénomène, avec des volumes vendus en e-commerce qui s'érodent de - 5 % en ce début d'année malgré un nombre de commandes en hausse." a-t-il affirmé.
Le e-commerce est particulièrement pénalisé par la rationalisation de l'offre : 7 % de références en moins pour des raisons de rentabilité, particulièrement pénalisantes pour l'univers online où l'offre est un élément différenciant. Le circuit subit lui aussi une nette descente en gamme, comme en témoigne la perte de parts de marché des produits bio, et le fort dynamisme des MDD premiers prix, en hausse de +65 %. Le commerce de détail s'en sort mieux que le e-commerce face à l'inflation car la part de l'alimentaire pèse plus dans ses sources de revenus, mais près de 25 % des foyers français ont fait un achat alimentaire online en avril 2023, relève NielsenIQ dans sa présentation. Au final, les enseignes online généralistes ont perdu 0,2 point de parts de marché depuis début 2023, alors que les supermarchés à dominante marques propres (SDMP) comme Aldi et Lidl sont les grands gagnants de la séquence.
La dynamique e-commerce repose donc actuellement principalement sur la croissance des services, tout en conservant l'essentiel des gains réalisés sur les produits durant la période de la crise sanitaire. Sur le panel ICE 100 de la Fevad, composé des sites leaders, concernant les produits hors PGC, on peut observer que les produits techniques sont en retrait de 13 % sur la période, tandis que les ventes de meuble-décoration progressent de 2 %, l'habillement-mode et la beauté demeurant stables.
Les ventes sur les places de marché qui avaient mieux résisté au cours des six derniers mois voient leur croissance ralentir au premier trimestre. Marc Lolivier, délégué général, Fevad.
Le montant moyen des transactions (produits et services) progresse de 10,1 % et atteint 68 euros, contre 62 euros au premier trimestre 2022. Cette hausse est principalement liée à l'augmentation du panier moyen dans les services. Le montant moyen des transactions en matière de produits reste relativement stable malgré le contexte inflationniste, ce qui induit des arbitrages de consommation sur certains produits. Le nombre de sites marchands actifs continue d'augmenter, à un rythme toutefois moins rapide depuis le 2nd trimestre 2022 avec une hausse de +5 % sur T1 2023/2022 contre +11 % sur T1 2022/2021.
Drive, livraison à domicile, livraison le jour même : des scénarios contrastés
Le Drive conserve un niveau de vente proche de ses records de la période Covid. Avec 3,5 milliards d'unités vendues dans le circuit ces 12 derniers mois, l'écart avec la période pré-Covid s'établit à +39 %. "Si les ventes en drive sont en léger repli à court terme, le circuit ne perd pas en attractivité, près de 40 % des foyers français y ayant fait un achat sur ces 12 derniers mois. Soit un niveau proche des records atteints sur la première année de la pandémie. Ce sont même 25 % des foyers qui effectuent chaque mois un achat alimentaire en drive ou livraison à domicile.", souligne Daniel Ducrocq, VP Distribution Europe, NielsenIQ.
Aux côtés du drive, la livraison à domicile de produits alimentaires se voit reconfigurée au gré de l'arrivée de nouveaux acteurs et des difficultés observées par d'autres. NielsenIQ apporte ainsi un éclairage sur l'enseigne Picnic, détentrice de performances significatives depuis son arrivée dans les Hauts-de-France : 20 % des dépenses sur l'univers alimentaire en livraison à domicile, 78 € de panier moyen en avril, 66 % de taux de fidélité... Grâce à la nouvelle solution de suivi tous circuits (Omnisales), Daniel Ducrocq révèle le poids considérable du e-commerce sur certaines catégories "web-perméables" comme les couches, la nutrition infantile ou l'alimentation pour animaux. Certains sites spécialistes comme Nespresso ou Zooplus captent ainsi respectivement 7 % du marché du café en France et 14 % des aliments pour chiens.
Comme la livraison à domicile "historique", le quick commerce a étendu peu à peu son territoire, via l'implantation de ses "dark stores"... avant d'affronter ces derniers mois des obstacles de taille (discussions juridiques, difficultés financières). Le quick commerce est désormais en panne de recrutement de nouveaux clients. Selon Foxintelligence by NielsenIQ, la curiosité et l'incitation à l'essai passées, le format se trouve désormais recentré sur ses afficionados : la taille de clientèle se limite sur le 1er trimestre à 2 % des ménages, contre 3,5 % il y a un an. Par ailleurs, le panier moyen est passé de 20 à 31 euros.
La situation parisienne est emblématique du phénomène. C'est en effet à Paris que la population a le plus largement accès à ces services, mais le quick commerce y perd 3 points de marché en 1 an, de 10 % l'an passé à 7 % cette année - au profit des pure players et des enseignes alimentaires généralistes comme Leclerc et Carrefour. Sur le créneau de la livraison à domicile effectuée le jour même de la commande, les plateformes de livraison de repas sont dominantes, Uber Eats en tête avec 21 % de part de marché en valeur selon Foxintelligence.
Sur les cosmétiques en particulier, si Amazon domine le marché online, en France comme en Allemagne et au Royaume-Uni, d'autres acteurs progressent significativement et sont emblématiques des enjeux (seconde main et social commerce) : Vinted est ainsi devenu le vendeur online n°3 en France, et TikTok n°4 au Royaume-Uni.