[#VISION 2021] Michel Campan conseil stratégique de grandes Maisons de luxe au sein d'H2O à Hong Kong, membre du Comité exécutif de Luxurynsight Paris
Publié par Marie-Juliette Levin le - mis à jour à
Chaque lundi, E-commerce Magazine donne la parole à des experts et leaders d'opinion de la communauté pour qu'ils exposent leur vision du rebond en 2021. Cette semaine rendez-vous pris avec Michel Campan conseil stratégique de grandes Maisons de luxe.
" Il est temps de regarder le monde en face ! "
Quel bilan peut-on tirer pour le secteur du luxe et du digital en cette année 2020 ?
Les secteurs du luxe, de la mode et de la cosmétique n'ont pas réagi de la même façon au Covid en fonction de leur degré de maturité face au digital. Mais, pour tous les acteurs, cette crise est une chance car elle a permis de prendre conscience de la fragilité des organisations, des structures héritées du passé. Dans les maisons de luxe, on a vécu pendant des années dans le confort avec des clientèles chinoises qui venaient acheter à prix fort des articles à Paris, qui occupait une place hégémonique dans l'univers du luxe. Et puis tout a volé en éclat. Or, ce secteur est très peu agile et a pris de très mauvaises habitudes. J'ai vu des marques empêtrées dans des organisations parce qu'elles n'ont jamais su prendre le digital à bras le corps, y compris l'activité e-commerce. La crise sanitaire a révélé l'urgence de s'équiper en outils et de digitaliser les entreprises. Il est temps de regarder le monde en face !
Comment a réagi le secteur du luxe face au Covid en Chine ? Y a-t-il un phénomène aujourd'hui de " revenge business " ?
Les chinois ont vécu le SRAS avant la Covid. Durant ces périodes, les grands portails internet grandissent et explosent. Certains secteurs du luxe, comme la cosmétique, réalisent 80% de leur business sur internet. D'où le succès de Tmall, où les marques déstockent tous les invendus, avec une baisse des prix qui fragilise le secteur. Depuis le déconfinement, les Chinois, qui ne voyagent plus, consomment des produits locaux et s'en satisfont. Même s'ils reviendront consommer en France quand ce sera possible, ils sont plus aguerris et achètent moins de manière frénétique.
Quelles leçons tirer de cette crise ?
Il faut faire voler en éclat les systèmes d'organisation. On ne peut plus se passer d'outils CRM efficaces et modernes. Au-delà de la data, la question est celle de la considération des collaborateurs. Il faut rendre de l'autonomie aux vendeurs des marques pour qu'ils gèrent la relation client à distance. Or, dans le secteur du luxe, c'est cela que le client attend : un vendeur smart, qui partage sa passion de la marque, qui joue la carte des services. Ce que nous annonce le Covid, c'est la manière de " faire " du commerce dans les prochaines années : les clients vont acheter sur Amazon et ils prendront rendez-vous en magasin pour vivre un moment très spécial avec la marque. Le CRM doit permettre de passer du quantitatif au qualitatif en termes de relation client. Par ailleurs, les services conciergerie vont s'imposer. Le service et encore le services sera présent au sein d'un écosystème digital qui ne signifie pas déshumanisation, bien au contraire.
Comment imaginez-vous le rebond de ce secteur en 2021 ?
On ne reviendra dans la vie d'avant. Il faut conquérir et se transformer. Il faut que le mindset des dirigeants soit orienté à plus de 80% vers le digital. Le monde a changé et il faut arrêter de reporter à demain. Sans e-commerce et sans digital, les entreprises ne survivront pas.