[Tribune] Mode : retailers et marketplaces de seconde main peuvent-ils s'entendre?
Publié par Maud Behaghel, directrice des opérations chez United Wardrobe le - mis à jour à
41% des Français prévoient d'acheter un vêtement de seconde main. Les soldes se démodent, la fréquentation en magasin est en baisse et les ventes en ligne sont à +11% en 2019. Avec la loi sur l'économie circulaire, les marques veulent recycler leurs invendus et avoir leur marketplace.
En ordre de bataille...
Selon l'IFM (Institut Français de la Mode), 4 Français sur 10 seraient déjà convertis à la seconde main. De leur côté, les grandes enseignes continuent de présenter un bilan beaucoup plus contrasté. Les soldes d'hiver 2019 ne font pas recette et n'ont pas su ralentir la baisse de fréquentation en point de vente. Selon l'Alliance du Commerce, celle-ci affleurait les 15% début janvier. C'est donc fortement bousculées par ce raz-de-marée, que les grandes enseignes essaient de se faire une place sur le marché de la seconde main. À raison, la part du gâteau est estimée à environ 1 milliard d'euros toujours selon l'IFM. Les exemples ne manquent pas. H&M a lancé la plateforme de déstockage de marques Afound. L'enseigne Camaïeu a lancé son vide-dressing en ligne. À son tour Ba&sh lance sa plateforme de recyclage pour vêtements neufs. Quand Kiabi lançait récemment des ateliers de Do It Yourself en boutique. Le phénomène n'est pas prêt de ralentir. En effet, la loi sur l'économie circulaire publiée le 11 février au Journal Officiel enjoint désormais les acteurs de mode à recycler leurs invendus dare-dare.
Non sans difficultés...
Cette frénésie responsable des grandes enseignes ne fait pourtant pas toujours recette. Excepté pour celles qui ont investi très tôt le créneau comme Veja. Pour d'autres, la mode écolo peine encore à convaincre. En effet, certaines initiatives a priori responsables, comme celle d'H&M offrant une réduction aux clients en échange de vieux vêtements. Tout comme la volonté de Zara de passer d'ici 2025 aux textiles 100% durables. Car le problème est là : il n'y a pas de remise en cause fondamentale de la surproduction dans leur stratégie d'entreprise.
Il n'y a pas de remise en cause fondamentale de la surproduction dans la stratégie d'entreprise des grandes enseignes.
Pour les acteurs qui souhaitent adopter un virage aussi stratégique qu'écologique, l'opération s'avère néanmoins bien plus complexe. L'exemple de Kiabi est significatif. Annoncé en juin 2019, le site de seconde de main n'est à ce jour pas encore en ligne mais teste des corners dans des magasins Auchan. Et de nombreuses marques ainsi que les grands magasins s'y mettent comme Auchan avec une phase de test de 3 mois. On estime qu'une plateforme prend minimum 2 ans pour être opérationnelle et fiable. N'est malheureusement pas lanceur de seconde main qui veut.
Côté des acteurs de seconde main, ils accusent aussi certaines difficultés : guerre des prix constante qui ravive une concurrence croissante des géants du e-commerce, un volume important et de forts investissements pour garantir une rentabilité pérenne. Le challenge est également d'ordre technologique : faire matcher l'offre et la demande, gérer le paiement intégré et offrir une expérience client sécurisée autant pour l'acheteur que le vendeur. De même pour la livraison qui doit répondre à un cahier des charges et aux besoins de chaque client par pays.
Une entente cordiale ?
C'est fort de ces disparités qu'une collaboration semble fortement souhaitable entre d'un côté des retailers contraints de changer de modèle de distribution et de production. Et de l'autre, des pure players en quête de légitimité et friands d'offrir à leur client une expérience utilisateur simple et sécurisée. En la matière, les marketplaces de seconde main s'invitent comme une alternative durable et rapide à mettre en place pour les invendus des grands groupes. Elles viendraient aussi facilement compenser les pertes de trafic en magasin à l'image du partenariat entre Pamelato et Vestiaire Collective ou entre Burberry et The RealReal. Elle peut également s'effectuer dans le cadre de partenariats (événement ou démarche plus profonde) comme Gap et ThredUp, de rachats par un acteur de la fast fashion ou encore de collaborations avec de nouvelles startups.
Entre le marteau et l'enclume, les retailers doivent se mettre au pas des nouvelles lois, enrailler leur manque à gagner et stopper la baisse de fréquentation mais aussi réfléchir sur leur production rythmée par les collections annuelles. Les pure players quant à eux, doivent gagner en maturité, en expertise consommateur et développer leur empreinte territoriale. A quand une collaboration cohérente entre les parties-prenantes et une démocratisation de la seconde main en ligne ?