Antoine Jouteau, CEO LeBonCoin : " Nous voulons toucher tous les Français "
Publié par Propos recueillis par Marie-Juliette Levin le - mis à jour à
Bientôt introduit en bourse à Oslo, le site LeBonCoin vaut de l'or. Antoine Jouteau, CEO LeBonCoin explique les enjeux à venir dans le numéro d'E-commerceMag à paraître le 4 mars. Extraits et explications des ressorts de l'introduction en Bourse.
Vous travaillez pour LeBonCoin depuis 10 ans (dont quatre en tant que CEO). Qu'est-ce qui, selon vous, a contribué au succès de cette marque en France ? L'absence de concurrence ?
Tous les marchés sont hyperconcurrentiels. L'expérience proposée par LeBonCoin en 2006 était disruptive face à des acteurs très puissants. LeBonCoin a changé les codes en proposant un concept de vide-grenier-brocante généraliste, offrant des produits disponibles au coin de la rue, via des annonces gratuites. Par ailleurs, nous avons permis aux professionnels et aux particuliers de cohabiter sur la même plateforme. En parallèle, la marque joue un rôle très important. Non agressive, positive, française et respirant la bonne affaire, elle s'est substituée à la petite annonce. Notre actionnaire a accepté que, les trois premières années, les équipes ne fassent pas de monétisation de la plateforme. Le concept du BonCoin, c'est l'antithèse des plateformes américaines : les actions partent du local. En 2009, nous avons trouvé notre business model, axé sur un modèle freemium pour les particuliers, un modèle payant pour les professionnels (en contrepartie de services) et, enfin, sur la publicité. Très vite, le site est devenu rentable et profitable la même année. Contrairement aux autres, c'est une start-up qui a très vite été lucrative. Enfin, les Français se sont saisis de notre concept, qui mixe authenticité, convivialité et "antigaspi".
Quelle est la place de la France dans le nouvel ensemble initialement baptisé MPI et rebaptisé Adevinta le 25 février qui sera coté en Bourse à Oslo au printemps ?
En septembre dernier, le groupe norvégien de médias Schibsted, propriétaire du BonCoin, a décidé de regrouper dans une filiale ad hoc ses activités de petites annonces hors Europe du Nord (Norvège, Suède et Finlande). Cette nouvelle entité, dénommée initialement MPI, et désormais Adevinta regroupera des actifs internationaux dans une vingtaine de pays, dont la France, mais aussi l'Espagne, l'Italie, le Brésil, le Maroc ou encore la Tunisie. Le siège devrait être à Barcelone. Cette entité, valorisée 5 milliards d'euros, va entrer en cotation à la Bourse d'Oslo, en avril prochain. Schibsted détiendra 60 % de MPI, qui réalise 700 millions d'euros de chiffre d'affaires. LeBonCoin pèse trois quarts de la valeur de ce nouvel ensemble. C'est un peu notre IPO ! Cette décision stratégique vise à mieux valoriser ses actifs à l'international. LeBonCoin porte la croissance de ce groupe norvégien, puisqu'il en représente la moitié de la valorisation totale.
Quelle est votre feuille de route pour 2019 ?
Déjà, je suis satisfait des résultats obtenus en 2018. Nous avons grandi en nombre d'annonces par univers et réalisé une croissance de 10 % sur l'audience du site. Nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 308 millions d'euros en France en 2018. En 2019, nous aurons trois principaux objectifs: proposer aux particuliers de réaliser leurs transactions directement sur le site avec la possibilité d'être livrés (pour les biens de moins de 30 kg), améliorer les services sur les verticales (emploi, immobilier et automobile) et amplifier la puissance de notre groupe, en mettant en commun les ressources de nos filiales. Cette année, nous allons recruter 250 personnes et le groupe franchira la barre des 1 000 collaborateurs. La nouvelle entité va chercher à se développer via des rachats en Europe. En France, nous avons réalisé quatre acquisitions en deux ans (la dernière en date est Vide.dressing). Nous allons en faire une ou deux autres en 2019 dans l'univers des marketplaces.
Vous devenez donc tiers de confiance dans ces transactions payées en ligne. comment vous organisez-vous en interne ?
On ne change pas de logique. C'est une option proposée aux utilisateurs, mais on laisse la transaction se faire en face-à-face, car cela crée du lien. On sait que sur les 110 millions de transactions réalisées chaque année sur le site, 20% se font à distance, soit à plus de 30 kilomètres. Cela permet d'élargir les échanges. On sait aussi que le règlement en liquide ou par chèque en face-à-face est un moment de tension. Depuis l'été dernier, nous testons donc le paiement en ligne sur quatre catégories. Et, dans les prochaines semaines, cette option sera ouverte à toutes les catégories, sauf l'emploi, les services, l'immobilier et l'automobile. En offrant le paiement en ligne et la livraison, nous améliorons notre expérience en tant que site généraliste. Pour ces deux nouvelles options, nous nous appuyons sur le savoir-faire de Vide.dressing. Les négociations sont encore ouvertes afin de trouver des partenaires pour la logistique. Par ailleurs, nous réalisons 15 à 20 modifications par jour sur nos différents médias pour offrir la meilleure expérience de vente de biens d'occasion.
Allez-vous lancer une nouvelle offre en 2019 ?
Oui, la location de vacances. C'est un nouvel univers pour LeBonCoin, axé sur le loisir, même si 4 millions de Français utilisent déjà le site, tous les ans, pour partir en vacances. C'est la deuxième offre de contenu du marché, moins chère que celles de nos concurrents. Le plus petit inventaire (en décembre) concerne 100 000 offres et, d'ici trois mois, nous en aurons 200 000 à disposition sur l'ensemble du territoire. Cependant, LeBonCoin ne garantit rien. Les responsables de la transaction demeurent les locataires et les propriétaires, même si nous allons proposer des assurances comprises et optionnelles, car nous avons conscience que les vacances, c'est un sujet sacré, et que nos utilisateurs ne veulent pas être déçus. Il nous manquait des services comme le paiement et la réservation pour nous confronter à l'ogre Airbnb. C'est chose faite. Nous espérons attirer les 10 millions de Français qui ne nous utilisent pas régulièrement ou pas suffisamment. Nous voulons toucher tous les Français !