L'algorithme publicitaire dopé à l'IA apporte la performance exigée par les e-commerçants
Publié par Emmanuelle Serrano le - mis à jour à
Les e-commerçants consacrent une part non négligeable de leurs budgets aux campagnes publicitaires digitales. Avec la mort annoncée des cookies tiers, les campagnes publicitaires reposent sur moins de données, elles doivent donc être plus performantes. L'IA peut constituer une parade à ce problème. L'occasion de faire le point sur ce sujet - et bien d'autres - en compagnie de Guillaume Cavaroc, directeur commercial retail & E-commerce chez Meta France.
Quelles sont les prochaines étapes chez Meta en matière d'IA ?
L'entreprise investit massivement dans l'intelligence artificielle, quasiment 30 milliards d'investissements par an (infrastructures, data centers, R & D). Depuis 2018, ce sont près de 90 milliards de dollars qui ont été injectés dans ce domaine. Début décembre 2023, le groupe a dévoilé outre-Atlantique des agents conversationnels MetaAI, des chatbots boostés à l'intelligence artificielle pour Messenger, Instagram et WhatsApp. Ils ne sont pas encore disponibles en Europe mais nous espérons que cela sera bientôt le cas. Nous avons également développé des IA personnalisées pour agents conversationnels avec par exemple un chef cuistot, une fan de voyage, un passionné de sport, etc. Tous vont pouvoir donner des recommandations à l'usager qui leur adressera des prompts en conséquence. Ces outils ont été développés en partenariat avec Microsoft, notamment son moteur de recherche Bing. Ils utilisent Llama, notre large language model (LLM).
Qu'apporte l'IA aux e-commerçants, alors que la mort annoncée des cookies tiers fait bouger les lignes de la publicité du « monde d'avant » ?
La disparition progressive des cookies tiers fait que la donnée utilisable dans un cadre publicitaire va décroissant. Or, le modèle économique de Meta, c'est à 96-97 % de la publicité. L'année dernière, sur les 118 milliards de chiffres d'affaires engrangés par la firme américaine, entre 112 ou 115 milliards ont été générés par la publicité. La performance de ses outils publicitaires est donc clé. « Aujourd'hui, nous avons besoin d'algorithmes publicitaires plus efficaces car il y a moins de données disponibles, donc l'intelligence artificielle doit nous permettre, via de la modélisation, de la prédiction, etc., d'avoir des modèles publicitaires toujours plus performants, parce que c'est ce que nous demandent les annonceurs. » C'est à un changement total de paradigme que l'on assiste. Pendant longtemps, les e-commerçants se sont dits par exemple « Je suis La Redoute, sur le prêt-à-porter, je suis plutôt féminin, et je m'adresse en priorité à cette tranche d'âge de clientes ». Aujourd'hui, on cible tout le monde : hommes, femmes, plus de 18 ans et c'est l'algorithme qui, au fur et à mesure de la campagne, dès les premières minutes ou les premières heures, va comprendre que sur tel type de produit, la meilleure audience, c'est celle-ci, ou celle-là pour un autre produit.
Sur le contenu, les acteurs de l'e-commerce se posent aussi beaucoup de questions. Qu'observez-vous ?
En effet, les sujets qui suscitent des interrogations quant aux bonnes pratiques à adopter sont nombreux. Est-ce qu'il faut faire de la vidéo, de la photo ou des catalogues produits ? Est-ce qu'il faut mettre un fil de réalité augmentée ? Est-ce indispensable que la vidéo dure 3 et pas 6 secondes ou bien doit-elle être plus longue ? Le premier contenu publicitaire, c'est votre catalogue produits. Quand vous êtes un e-commerçant, votre flux produit est téléchargé directement sur Facebook. Sur le même principe que celui de l'automatisation de l'audience, l'algorithme va petit à petit comprendre que la vidéo de 3 secondes plaît à la Gen Z, donc il va la surdiffuser sur une cible de moins de 25 ans, tandis que le catalogue produits, lui, attire plus des personnes un peu plus âgées. Le contenu est diffusé en fonction des goûts et appétences des uns et des autres. La véritable valeur ajoutée humaine sera plus centrée sur la ligne éditoriale, les créations, les plans médias. En amont et surtout en aval, on comprendra mieux quels sont les canaux les plus efficaces, les plus rentables. Nous passons beaucoup de temps avec les équipes de data scientists des grandes enseignes de distribution à essayer de comprendre quel est le retour sur investissement de chaque campagne, de chaque canal afin de déterminer ce qui fonctionne le mieux. L'analyse post-campagne va permettre de savoir que 79 % des acheteurs sont en fait des acheteuses, que 21 %, sont des hommes vivant dans ou telle région de France et qu'ils ont acheté tel ou tel produit, etc. Car la finalisation de l'achat, la transaction se passe soit sur l'application, soit sur le site de l'e-commerçant (data site-centric). Ce qui est certain, c'est que les outils vont continuer à s'améliorer. La version 3 de Llama devrait ainsi arriver dans le courant de l'année.
Quels sont les futurs enjeux auxquels feront face les e-commerçants ?
Ce que nous observons en tout cas de notre fenêtre chez Meta, ce sont des gens très pragmatiques et innovants qui optent pour des solutions basées sur l'intelligence artificielle car elles leur apportent de la performance. Quand un budget marketing d'un e-commerçant peut représenter près 3 % de son volume ou de son chiffre d'affaires, ce n'est pas anodin. Pour les e-commerçants, une partie substantielle de ce budget est mécaniquement affectée au digital. Ils procèdent donc à une analyse qualitative et quantitative minutieuse de l'impact de la publicité. Leurs protocoles de test pour mesurer le ROI sont de plus en plus avancés. Avec CDiscount, par exemple, nous avons fait des tests GeoLift, qui permettent de vérifier l'impact d'une campagne publicitaire sur le chiffre d'affaires réalisé dans telle ou telle région.
Côté RSE, l'essor de la seconde main change-t-il quelque chose à votre stratégie ?
On voit en effet de plus en plus d'annonceurs intégrer la seconde main dans leurs offres comme La Redoute, avec son offre « La Reboucle ». Cette nouvelle proposition prend plus ou moins de place dans l'assortiment produits en fonction de l'importance que l'enseigne veut lui donner. Aujourd'hui, elle peut très bien décider, par exemple, si c'est une priorité pour elle de faire une campagne spécifique où elle ne mettra en avant que son offre de seconde main ou elle pourra aussi vouloir communiquer de manière très ciblée sur les engagements RSE d'une marque en faveur de l'environnement, sa stratégie sociétale, etc.