[Lab Postal] Les entreprises traditionnelles peuvent-elles échapper à l'ubérisation ?
Publié par Floriane Salgues le | Mis à jour le
Pour faire face au phénomène d'ubérisation, les entreprises en place doivent comprendre les enjeux de la transition numérique. Voici les 5 étapes du processus dévoilées à l'occasion du Lab Postal.
Confrontées à la transformation numérique de leur filière, les entreprises en place sont-elles condamnées à disparaître ? "Jamais, dans aucune filière où une entreprise numérique est entrée, les entreprises plus "traditionnelles" n'ont pu enrayer leur montée en puissance", tranche Nicolas Colin, co-fondateur de l'accélérateur de startup The Family, à l'occasion de l'événement Lab Postal du groupe La Poste, les 8 et 9 février. Pour preuve, le spécialiste cite Amazon et sa part de marché de 23 % des ventes en ligne aux Etats-Unis (plus que ses 12 principaux concurrents réunis) ; Airbnb, désormais valorisé à 24 milliards de dollars quand l'historique Accor, fondé en 1967, n'en vaut que 10,5 milliards ; et, Uber et ses 500 millions de dollars de chiffre d'affaires à San Francisco, soit trois fois plus que les taxis.
Pour envisager de déjouer le processus d'ubérisation, encore faudrait-il que les entreprises sortent "du déni qui règne à toutes les étapes de la transition numérique", poursuit Nicolas Colin, qui détaille les 5 étapes clés de ce processus à mieux connaître pour s'en sortir.
1/ L'irruption numérique
C'est la première étape de la transition numérique d'une filière. L'irruption numérique se caractérise par l'intensification des efforts des innovateurs, dont certains commencent à sortir du lot et à gagner en puissance industrielle. Ces acteurs, qui agissent encore à la marge de la filière, se positionnent comme prescripteurs - il s'agit de prestataires de service et de fournisseurs de solutions ou de créateurs de startups positionnées tout au long de la chaine de valeur (création, production, distribution, vente, client final) - pour en combler les lacunes.
2/ L'éveil de la multitude
L'étape deux de la transition numérique correspond au réveil de la force. "L'entreprise numérique parvient à créer des liens privilégiés auprès du client final, faits d'intimité et de confiance, et lui fait prendre conscience qu'il mérite mieux que ce que lui propose l'entreprise traditionnelle", explique Nicolas Colin. Et d'ajouter : "Les premiers utilisateurs d'une application forment une avant-garde, particulièrement sensible à la proposition de valeur. A mesure qu'ils deviennent plus nombreux, la multitude se fédère autour d'un produit." L'éveil de la multitude provoque une fragilisation des entreprises en place, qui pensent reprendre l'avantage par le déploiement d'incubateurs ou de laboratoires d'innovation.
3/ L'établissement du rapport de force
Vient alors le temps du rapport de force. Les nouveaux entrants numériques ont commencé à forger une alliance avec la multitude. La réaction spontanée des entreprises en place se résume en ces termes : "Allons voir le ministre pour empêcher la concurrence déloyale", relève Nicolas Colin. Dans la filière du transport aérien, Expedia, agence de voyage en ligne, est un exemple de renversement du rapport de force existant avec les compagnies aériennes. De générateur de trafic supplémentaire, le pure-player s'est imposé comme une plateforme de réservation incontournable, en proposant un comparateur de prix complet et efficace.
4/ L'arrivée des géants
Les géants de l'économie numérique (apparus au cours des 20 dernières années) font l'acquisition des startups ayant réussies leur alliance avec la multitude, afin de rester innovant dans les filières où débute la transition numérique. Google, acquéreur de YouTube, en 2006, en est un exemple. Les entreprises en place fusionnent, avec plus ou moins de succès.
5/ La remontée de la chaine
L'impatience est au rendez-vous de la dernière étape. Impatientes d'attendre les mutations et de subir les résistances des entreprises "établies", les startups remontent la chaine de valeur dans l'objectif de remplacer les acteurs en place. L'un des exemples les plus caractéristiques est celui de Netflix, illustre Nicolas Colin. "Netflix a tenté de négocier auprès des studios de production l'accès des utilisateurs à tous les épisodes des séries en même temps - au lieu du traditionnel modèle d'un épisode par semaine. Devant le refus des studios et la concurrence de Google, Netflix remonte la chaine de valeur et décide de produire ses propres séries télévisées, comme House of Cards."