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Logistique du dernier kilomètre : entre adaptation et innovation

Publié par Jérôme Pouponnot le | Mis à jour le

Consigne colis - Quadient

Aussi délicate à orchestrer soit-elle, la logistique du dernier kilomètre s'adapte pour répondre aux exigences des consommateurs. Conscients des nombreux paramètres à prendre en compte, les logisticiens s'organisent pour fluidifier les flux tout en tirant parti des innovations apparues ces dernières années.

La logistique du dernier kilomètre est complexe, voire très complexe ! Les facteurs à prendre en compte sont nombreux. Par dernier kilomètre (km), on entend la dernière prise en charge du transporteur avant d'acheminer le produit au client final. Ce "dernier km" peut correspondre aussi bien à quelques kilomètres comme à plusieurs centaines. La gestion délicate des flux correspondants se traduit par une atomicité des points de livraison qui peuvent être éparpillés et par les spécificités inhérentes à chaque livraison. "En règle générale, la zone de couverture des points de chute est très large. Il est fondamental de l'adapter à de nombreuses contraintes : environnement rural vs univers urbain, attentes / exigences du consommateur final, promesses de livraison en matière de rapidité, etc.", souligne Matthieu Bonenfant, directeur marketing de Woop, plateforme de livraison last mile. Pour autant, il ne faut pas que cette complexité fasse oublier les innovations et la façon dont la logistique est censée opérer pour fluidifier les flux.

Multiplier ses partenaires et jouer la carte de la digitalisation

Il est primordial de choisir ses partenaires de livraison en fonction du type de produit à livrer. La livraison doit ainsi prendre en compte le poids et la nature du produit (froid, surgelé, chaud) pour mettre en face le bon véhicule. En conséquence, le donneur d'ordres a une importante question à se poser : suis-je en mesure d'internaliser cette logistique du dernier kilomètre ou devrais-je plutôt l'externaliser ? Tout en sachant que le temps où un seul partenaire pouvait suffire est révolu. "Face à la complexité du dernier kilomètre et aux exigences des consommateurs, il est désormais plus que nécessaire de s'appuyer sur une large palette de partenaires. Il y a donc un besoin de développer un réseau pour pouvoir répondre aux contraintes et aux attentes grandissantes des consommateurs", complète Matthieu Bonnefant. En outre, afin de garder une certaine souplesse pour pouvoir s'adapter à ces nombreux impératifs, il devient primordial de digitaliser ses activités. En effet, le dernier kilomètre subit les retombées des bouleversements sociaux / sociétaux. Il doit aussi tenir compte de l'impact du développement durable et de l'attitude des consommateurs de plus en plus acteurs et attentifs à la manière dont "leurs" marques agissent sur le plan environnemental. Il est conseillé par ailleurs de ne pas sous-estimer les enjeux RH. Les métiers du transport sont non seulement sous tension mais également souvent perçus négativement (l'image du livreur "pressé" et stressé, par exemple). Sans parler des contraintes liées aux zones à faibles émissions (ZFE) et autres lois (voir encadré). En digitalisant les process à l'aide de solutions logicielles adaptées, les logisticiens gagnent en souplesse et en rapidité d'exécution.


Le grand flou des zones à faibles émissions (ZFE)

Un flou certain existe autour des ZFE et c'est un euphémisme ! Il y a quelques mois, les échéances étaient fixées au 1er janvier 2025 pour leur mise en place dans les agglomérations concernées, c'est-à-dire, les villes de plus de 500 000 habitants. Un calendrier désormais décalé à 2030... pour le moment. Cette incertitude se traduit par le manque d'harmonie aussi bien sur l'échéancier qui ne cesse d'évoluer que sur les villes concernées. A priori, il s'agit toujours de celles qui comptent plus de 500 000 habitants mais la "jauge" reste incertaine... Certes, les édiles auront désormais plus de temps, mais les règles pour se mettre en conformité n'ont pas été strictement établies au risque de voir certaines villes imposer des contraintes beaucoup plus rigoureuses. À Paris, à compter de début 2025, les voitures porteuses d'une vignette Crit'Air 3 ne pourront plus accéder aux 77 communes de la métropole, à l'intérieur de l'A86. Ce manque de visibilité n'arrange pas les acteurs de l'électromobilité comme Watèa by Michelin. "Ces modalités assez hétérogènes complexifient la logistique du dernier kilomètre pour les professionnels du transport, sans compter la prise en compte de la Loi d'Orientation des Mobilités (LOM). En effet, ce texte impose aux gestionnaires de flotte des quotas de verdissement des véhicules", explique Martin Thiollier, cofondateur et vice-président ventes et opérations chez Watèa by Michelin.

Livraison collaborative, consignes automatiques...

Selon la Fevad, 70 % des particuliers qui achètent en ligne se font livrer en point relais ou en livraison collaborative, au moins une fois dans l'année. Pour mémoire, deux cas de figure définissent la livraison collaborative : il y a celui où une personne, comme un voisin par exemple, est choisie afin de réceptionner le produit et celui où une personne, là aussi désignée, se déplace pour récupérer le produit. On parle alors de co-transportage. Des plateformes web, à l'instar d'un shopopop.com ou d'un yper.fr, se sont développées pour assurer cette mise en relation. Un des avantages du collaboratif est de tisser du lien social, en favorisant des rencontres plus fréquentes entre voisins, notamment en milieu rural. Un acteur tel que agrikolis.com, ferme-relais pour colis supérieurs à 30 kg, fonctionne sur ce modèle en "activant" des points relais spécialisés dans les zones rurales.

Autre innovation apparue ces dernières années, la consigne automatique (Mondial Relay, Quadient...) qui rencontre un certain succès. "Côté destinataire, la simplicité et la sécurité de récupération des colis sont soulignées. Côté expéditeur, il est beaucoup plus facile et économique de centraliser un point de livraison sur une consigne automatique : la consigne est souvent très bien implantée et elle est, par définition, toujours présente et disponible !", souligne Katia Bourgeais-Crémel, directrice Europe consignes colis automatiques chez Quadient. Ce dernier a d'ailleurs signé cet hiver un partenariat avec GLS France, prestataire de transport de colis express en Europe, pour mettre en place des consignes automatiques en France.

Électricité et multimodalité en puissance

En matière de transport, l'électricité devient peu à peu incontournable. Les logisticiens doivent par conséquent composer en s'adaptant. Le dernier kilomètre n'y fait pas exception. Avec une autonomie en hausse, les logisticiens n'hésitent plus à s'équiper, comme l'explique Thomas Effantin, cofondateur et directeur général de Trusk, société spécialisée dans la livraison de colis volumineux - plus de 30 kg - sur le dernier kilomètre : "Avec la flotte électrique opérée pour un célèbre distributeur de mobilier, nous avons dû doubler les tournées quotidiennes pour permettre des recharges intermédiaires et augmenter ainsi de 35 % le nombre de commandes livrées par jour et par véhicule électrique". Les logisticiens prennent en compte la montée en puissance des vélos électriques et particulièrement les vélos-cargos qui se multiplient au coeur des grandes agglomérations. D'autres acteurs se positionnent pour améliorer leur autonomie, à commencer par Zeway qui a mis en place un service de "swap" de batteries. L'objectif ? La changer... au lieu de la mettre en charge, ce qui élimine le temps perdu lié à l'immobilisation des vélos. Dans les airs en revanche, les expériences réalisées avec les drones ont du mal à se concrétiser, du moins en France, en raison notamment des conditions très strictes en matière de couloirs aériens. Seuls des cas très précis comme la livraison de médicaments, par exemple, pourraient justifier son exploitation. Et si le dernier kilomètre en multimodal ne constituait pas finalement l'organisation la mieux adaptée ? En effet, ces dernières années, les livraisons se sont multipliées autour d'associations de véhicules thermiques, puis électriques et une fin de parcours assurée par des vélos de type cargo. Dans les hypercentres des grandes agglomérations, le fluvial est même utilisé comme un des maillons de cette chaîne du dernier kilomètre. "Les logisticiens et les enseignes s'intéressent de plus en plus aux solutions d'intermodalité de manière, notamment, à répondre aux contraintes liées aux ZFE", conclut Sarah Gimenez-Fauvety, directrice des opérations chez Trusk.