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Fini l'Internet muet... Le son fait vibrer la Toile

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Qui imaginerait une émission de télévision ou de radio sans un habillage sonore étudié avec soin ? Cette règle d'or ne s'applique pas encore au média Internet mais les premières expériences de sites ou de publicités sonores font leur apparition. Etat des lieux des débuts de l'Internet parlant.

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«Le décalage entre le mutisme des pages web et l'embellie sonore des CD-Rom est impressionnant. » Cette remarque de Gérard Uzan, chercheur au laboratoire d'ergonomie informatique de l'Université parisienne René Descartes, ne semble pas évidente à tout le monde. Car les débuts du Web ressemblent fort aux premiers pas du cinéma. Il est encore bien muet, ce réseau multimédia qui s'affirme comme l'une des grandes révolutions de la communication. Si l'image et le visuel ont jusqu'ici imposé leur loi à l'Internet, le son devrait bientôt venir en renfort. Gaël Chatelain, P-dg de la société Getsound.com, a mené son enquête auprès des plus grosses web agencies françaises. « J'évalue à 5 % du Web fran-çais le nombre de sites sonorisés, explique-t-il. Cependant, la situation devrait rapidement s'améliorer. D'après les directeurs de production, dans deux ans, 60 % des sites comporteront des éléments sonores. » Ni les éditeurs de sites ni les publicitaires ne se sont vraiment emparés du potentiel de la sonorisation on line, alors que personne dans le off line n'imaginerait lancer une marque sans une recherche sonore étudiée. Ce retard du son sur l'image s'explique de plusieurs façons. Tout d'abord, par le jeune âge du média. Les sites ont commencé à réellement se développer à partir de 1996 et les problèmes de programmation et de graphisme ont été les premiers à être traités. La seconde raison évoquée est d'ordre technique : l'ajout de son sur une page l'alourdit et ralentit son téléchargement, et les techniques utilisées n'assurent pas toute la synchronisation entre le son et l'image. L'équipement et le comportement des internautes entrent également en compte. Les connexions à domicile ont lieu le plus souvent grâce à un modem et, tant que les accès à haut débit ne seront pas démocratisés, les éditeurs resteront prudents sur les avancées technologiques de leurs sites. Enfin, dans un cadre professionnel, la consultation de pages sonorisées n'est pas forcément adaptée, même si au travail, la qualité de l'accès est bien souvent meilleure.

Le son fait la force de l'image


Ces différentes raisons confinent encore le son à quelques sites : soit ceux de marques qui veulent frapper fort en communication et recréer on line tout leur univers, soit ceux qui s'adressent à un public particulièrement sensible à la musique et au son, comme les adolescents, les enfants ou les mélomanes. Les premières réalisations prouvent, s'il le fallait, la force de la sonorisation. Des sons, et particulièrement des voix, peuvent guider l'internaute, comme dans un CD-Rom, à travers le site. La société Kotontige l'a mis en pratique sur le site de Morgan : lorsque la souris passe sur un lien, une voix précise le contenu de la rubrique. « Si on sonorise, par exemple, trois liens sur les quinze de la page, vous êtes assurés que les visiteurs iront en priorité visiter les rubriques dont les liens sont sonorisés », remarque Kais Sellami, le gérant de Kotontige. Appliquée à des sites de commerce électronique, cette fonctionnalité pourrait être particulièrement intéressante : une voix pourrait guider l'internaute dans le catalogue de vente ou encore lui décrire les produits. Cependant, il faut veiller à utiliser cet effet avec parcimonie. Particulièrement adapté pour des internautes novices ou des nouveaux visiteurs, le guidage vocal peut aussi lasser au bout de quelques visites. « C'est comme si vous entriez dans un supermarché et que, lorsque vous cherchez un produit, un vendeur apparaisse en bout de rayon en vous disant : "c'est ici !". La première fois, vous trouverez ce service formidable mais, lorsque vous connaîtrez le magasin, vous commencerez à trouver cela très désagréable », remarque Gérard Uzan. Outre le guidage, la sonorisation peut soutenir l'atmosphère, l'ambiance du site. A condition que le choix de la musique et sa variation au cours des rubriques soient soigneusement étudiés. Le studio de design sonore La Cuisine a mis en son le site de Watoo, une agence web. Le thème sonore de la page d'accueil évolue lorsque l'on passe la souris sur les rubriques ou lorsque l'on entre dans l'une d'entre elles. « Nous travaillons en multicouche. Par rapport à l'évolution dans le site, le son s'enrichit différemment, explique Hugo Vermandel, le responsable de La Cuisine. On ne doit jamais utiliser le son pour le son, mais réfléchir à la constitution d'un véritable univers sonore. Vous remarquez de toutes façons que, si à la télévision, par exemple, l'image se brouille un peu ou saute légèrement, cela peut passer inaperçu. En revanche, un son qui craque un tout petit peu se remarque aussitôt et agace. »

Bannières audio : l'effet nouveauté


Comme certains sites, des bandeaux publicitaires commencent à faire entendre leur voix. D'après Eric Santos, directeur de création chez Numeriland, une bannière sonore attire fortement l'internaute et déclenche sa curiosité. Mais les bandeaux audio sont rares et les premiers annonceurs à tenter l'expérience bénéficient d'un effet nouveauté. Le portail mesfinances.fr a réalisé une campagne en ligne sur le site de Voila avec des bandeaux sonores réalisés par Western International Média. « Nous avons constaté un taux de clics trois fois supérieur sur la bannière audio, explique Isabelle Simon, responsable marketing de mesfinances.fr. Nous allons certainement réitérer l'expérience. La seule limite provient des régies publicitaires qui refusent encore, pour la plupart, les bannières audio. » Le risque de la bannière sonore imposée à l'internaute est de l'agacer plus vite que de le l'attirer. Les bannières qui passent en boucle le même son en permanence ont toutes les chances de provoquer l'effet inverse à celui souhaité. Un simple son, joué une seule fois, peut suffire à attirer l'attention de l'internaute. Le portail animalier Aniwa a réalisé une campagne en ligne avec Numeriland. Les visiteurs de Lycos ont ainsi vu se promener sur leurs écrans un petit chien, qui poussait un aboiement à l'ouverture de la page. Le son est venu en renfort de l'animation mais ne s'enclenchait qu'une seule fois. « Interpeller l'internaute avec un petit son est intéressant. Mais sinon, je préfère qu'une bannière audio ne se déclenche pas seule », remarque Kais Sellami. Séduire par le son sans l'imposer est ainsi une règle d'or sur l'Internet : le choix peut être laissé à l'internaute en lui proposant, par exemple, de cliquer sur le bandeau pour entendre le message complet.

Gare à la cacophonie !


Donner le choix est important, non seulement pour ne pas être perçu comme intrusif, mais aussi pour ne pas transformer l'Internet sonore en cacophonie. Car il est possible, si l'internaute a ouvert deux fenêtres sur son écran, l'une par exemple pour un site sonorisé et la seconde pour un portail acceptant les publicités sonores, qu'un étrange concert débute. Les éditeurs devront ainsi établir leurs propres règles, du moins pour gérer les publicités sonores. Le studio La Cuisine a sonorisé le site de La Cellule, société de conseil et de production multimédia. « Dans sa rubrique "Références", La Cellule indique ses clients et les liens vers leur site, explique Hugo Vermandel. Si vous cliquez sur l'un des liens, une nouvelle fenêtre s'affiche. A ce moment-là, le son de La Cellule diminue progressivement : cela permet, si jamais l'un des sites référencés est sonorisé, de ne pas faire entrer en conflit les deux musiques. » L'adaptation du son à l'Internet s'avère ainsi plus délicat que dans le cas du CD-Rom, où l'univers reste le même au cours de la navigation. Tandis que sur le Web, l'internaute peut se promener dans des atmosphères sonores très variées et s'y perdre. « Chaque voiture a ses bruits particuliers qui sont autant d'indications pour le conducteur. De la même manière, chaque site a potentiellement sa propre iconographie audio, ses icônes sonores, remarque Jonathan Broadbent, ergonome chez Icon Medialab. Il y a un risque que, très vite, se crée une cacophonie conceptuelle car chaque son aura une signification différente sur chaque site. » Si le son est inévitablement l'un des prochains chantiers des sites web, il va falloir en user avec professionnalisme. Ne serait-ce pas le son et le vocal qui combleraient enfin sur les sites marchand le manque de contact humain ?

Surfez en stéréo !



Morgan chuchote à l'oreille de ses visiteurs


"Par ici l'émotion", indique la première page du site Morgan, mis en musique par Kotontige. Ce premier lien, porté par le son d'un battement de coeur, invite le visiteur à découvrir l'univers de la marque. Accueilli par une voix qui lui souhaite la bienvenue, l'internaute arrive sur la page "Sommaire" du site. Sur un fond musical, la même voix lui décrit en quelques mots le contenu des rubriques. www.morgan.fr

Watoo joue la séduction musicale


"Mon ordinateur est en vie", indique l'agence web Watoo dans le descriptif de son métier. C'est bien l'impression qu'a l'internaute en se promenant dans ce site, simple mais porté par un graphisme et une musique étudiés. Le studio sonore La Cuisine signe ici une très jolie réalisation. Le fond musical, qui varie en fonction de la navigation de l'internaute, joue un rôle à part entière. www.watoo.net

La banque Bred guide les internautes à voix haute


Les banques sont de plus en plus tentées de renouer le dialogue avec leurs clients et, à sa façon, la Bred a emboîté le pas de cette mouvance sur son site web. Sonorisé par Tout'ouie, la visite guidée du site bred.fr permet à l'internaute de découvrir les services en ligne de la banque. Présentée par une voix féminine et une voix masculine, cette visite de quatre minutes a pour but de favoriser la compréhension des offres du site. La qualité du son est irréprochable, mais on peut regretter que cette animation ne soit annoncée nulle part. www.bred.fr

 
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Paule Schanders

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