Le pouvoir de la data pour connaître ses clients
Publié par Lisa Henry le - mis à jour à
Pour améliorer leur relation client, les retailers se doivent d'optimiser en permanence leur connaissance des consommateurs. Pour cela, la data reste un outil puissant et incontournable, offrant d'infinies possibilités aux marques.
Au pays du retail, le client est roi, mais c'est la data qui règne. Pour un commerçant, les données consommateurs représentent une véritable aubaine, lui permettant d'acquérir une connaissance fine et approfondie de sa clientèle. Un des cas d'école les plus parlants en la matière est celui de Walmart. Le géant de la distribution américain engrange des résultats impressionnants grâce à sa maîtrise de la data. En effet, ses ventes ont progressé de 6 % en 2023, générant 648,1 milliards de dollars. Si le distributeur attire toujours plus de clients, c'est en partie grâce à son positionnement omnicanal, cherchant à fournir le même niveau de service en physique que sur le web. Pour cela, Walmart a recours à toute une panoplie de technologies pour connaître ses acheteurs. Un défi plus complexe à relever en magasin que sur un site e-commerce. Ainsi, dans ses points de vente, des QR codes apparaissent au fil du temps, pour prodiguer plus d'informations aux consommateurs et permettre le "scan and go" (encaissement automatique). En plus de fluidifier l'expérience d'achat, ces solutions offrent la possibilité à l'enseigne de récupérer des données sur les habitudes de consommation. De plus, les déplacements des clients dans les rayons commencent à être monitorés depuis que le distributeur a installé des étiquettes digitales et des écrans équipés de détecteurs de mouvement. Ce système permet de détecter le moment où des clients s'approchent d'un produit ou d'une publicité. Cette approche data change la façon dont les conseillers gèrent la relation client. En effet, l'IA automatise les tâches rébarbatives et permet de libérer une grande partie du planning des équipes des magasins. Pour Mark Ibboston, senior advisor chez Mckinsey ayant travaillé avec Walmart, décharger les collaborateurs des tâches "ingrates" leur permet un retour aux sources du service client : "Laisser à l'IA le travail répétitif et peu valorisant offre aux collaborateurs de prendre le temps de servir les clients avec le sourire et d'humaniser leur relation", détaille-t-il. Pour Thierry Gadou, CEO de VusionGroup, dans un magasin, c'est surtout l'humain qui fait la différence, la technologie n'étant qu'un biais pour automatiser une partie des tâches à exécuter au cours de la journée de travail.
Une mue qui nécessite d'investir dans la formation du personnel
Mais pour cela, il est nécessaire de former les collaborateurs à l'usage de ces technologies. Chez Walmart, une académie forme aux "digital skills", afin que les vendeurs soient en capacité d'utiliser les tablettes dont ils se servent pour faire leur travail. "Les employés les plus réticents visà-vis de la technologie - ce sont parfois aussi les plus âgés - nous remercient chaque jour de les avoir poussés à s'ouvrir à ces outils, raconte Mark Ibboston, car ce savoir leur simplifie la vie." Ainsi, si ces formations permettent à l'enseigne d'optimiser l'efficacité de ses équipes, elles aident aussi à améliorer l'expérience collaborateur, tirant vers le haut la marque employeur de l'entreprise. "Ce n'est pas une recette miracle, commente Mark Ibboston. Lorsque les collaborateurs sont mieux formés, mieux payés, font montre de plus d'agilité, le métier devient attractif. Il est alors possible pour un retailer de fournir un meilleur service client. C'est la technologie qui permet cette humanisation." En France, Carrefour adopte un positionnement similaire à celui du géant nord-américain. Dans sa feuille de route pour 2026, l'enseigne place l'e-commerce et la digitalisation au coeur de sa stratégie. Ainsi, Carrefour intègre la solution IA de Salesforce à son CRM avec pour but de traiter sa data client. Grâce à cet outil, la multinationale dispose d'un tableau de bord détaillé sur chacun de ses clients et connaît les préférences individuelles des membres d'un foyer habitué à faire ses courses dans ses rayons. Par conséquent, chaque communication sur des réductions ou des événements est ciblée et personnalisée. Sur un plan stratégique pur, un des effets directs de cet accent mis sur l'e-commerce par Carrefour est la décision du distributeur de s'alléger de 305 magasins cédés à des repreneurs en location-gérance. Ce changement de mains devrait s'opérer cette année et concerne près de 23 000 salariés.
Monétiser et univsersaliser la data client
L'utilisation de la data permet de connaître ses clients, mais aussi de monétiser des services qui n'étaient jusqu'alors que des centres de coûts. Ainsi, l'objectif de Walmart est de se transformer en "tech-company", en mettant la revente de solutions data au coeur de son business model. Plusieurs enseignes de distribution en France suivent cet exemple. Monoprix prévoit ainsi de vendre ses données logistiques à ses fournisseurs. L'idée est de partager les bonnes pratiques afin d'optimiser l'expérience client mais aussi, au passage, de retirer un bénéfice de cette précieuse data. Ces initiatives se multiplient dans le paysage du retail français en raison de la fin prochaine des cookies tiers, prévue courant 2024. Surfant sur ce nouveau besoin de récolte de datas sans cookies, Equativ lance une marketplace pour les e-commerçants, offrant un accès aux données first-party. Le premier retailer à intégrer cette solution est Cdiscount, qui vise à offrir la plus large couverture d'audience possible tout en préservant un ciblage affinitaire. Traditionnellement, le retail media était limité aux marques vendant sur le site de Cdiscount qui diffusait leurs campagnes exclusivement sur la page que l'enseigne leur dédiait sur sa marketplace. En intégrant la data marketplace, l'e-commerçant met à disposition de l'ensemble des annonceurs la pertinence et le volume de ses segments d'audience, ouvrant de nouvelles opportunités de monétisation et d'universalisation de données concernant les habitudes de consommation des clients. Christophe Blot, directeur de Cdiscount Advertising, commente : "Ce partenariat vient compléter nos offres de retail media en permettant aux annonceurs et aux agences activant du display programmatique d'améliorer le ciblage de leurs publicités".
Vers une démocratisation des chariots connectés ?
La nature des innovations liées à la donnée varie d'un pays à un autre, notamment en raison de la diversité des attentes des clients, mais aussi des différences culturelles qui les séparent. Depuis un certain temps déjà, les caddies connectés sont apparus en Asie et font désormais partie du quotidien des consommateurs de cette partie du monde. Ces chariots permettent aux acheteurs de faire leurs courses et de payer en toute autonomie, à la manière d'une caisse automatique sur roulettes. Alors que ces dernières connaissent un recul en Amérique et qu'Amazon a annoncé en avril 2024 fermer ses magasins autonomes, les caddies connectés font doucement leur apparition outre-Atlantique. C'est notamment pour remédier aux problématiques de vols que les retailers américains remplacent peu à peu leurs caisses par des caddies automatiques.
Au-delà de la fluidification du parcours d'achat, ces outils récoltent de la data client en direct de façon bien plus efficace qu'avec les caisses en libre-service traditionnelles. Ils permettent de monitorer les mouvements des clients dans les rayons. Les store managers voient en direct les rayons les plus fréquentés et ceux évités par la clientèle. Ils peuvent alors agir stratégiquement en poussant des promotions sur les produits boudés par les acheteurs. De plus, en y connectant un compte client, ces derniers reçoivent des promotions ciblées, grâce au traitement des données récolté par leur caddie.
Aux États-Unis, 2 300 magasins wholesale déploient cette technologie portée par Instacart. En France, c'est le retailer de proximité Monoprix qui s'est équipé des caddies proposés par A2Z Smart Technologies Corp., dont la solution CustMate 3.0 devrait équiper les points de vente Monop'.
En traitant sa data, Clarins veut réveiller ses clients endormis
Pour optimiser son expérience client, l'enseigne de produits de soin Clarins est en pleine phase de tests d'une IA développée par la start-up Notify. Son fonctionnement est simple : à travers l'analyse de data client et externe, la solution identifie le canal de communication privilégié d'un client en fonction du moment de la journée. Ainsi, les notifications push, email et SMS, sont entièrement personnalisées afin d'éviter une sursollicitation, pas toujours efficace. Pour Stéphanie Catarino, directrice e-commerce, acquisition & CRM du groupe Clarins, l'idée est de "baisser notre pression marketing pour contacter nos clients de façon plus intelligente". En somme, la solution branchée au CRM de Clarins vient agir comme une gare de triage, régulant la quantité parfois très importante de push promotionnels que peuvent recevoir les clients. "Un excès de communication fait perdre l'efficacité du message qu'une marque veut faire passer, commente Ous Ouzzani, directeur général associé de Notify. En connaissant les consommateurs à l'aide des données des marques et des nôtres, nous pouvons déterminer qu'un client préfère les SMS au réveil, un autre des push réguliers dans la journée et un troisième va vouloir des e-mails hebdomadaires." Depuis la mise en place de cette IA de traitement de data, Clarins observe une baisse de 50 % de sa pression marketing, qui entraîne une augmentation de 20 % de son taux de conversion web, ainsi que sept points de rétention supplémentaires. En 12 mois, la marque a réactivé 49 % de sa base client dormante.