Pour gérer vos consentements :

E-commerce : le Conseil du Commerce de France exige des mesures contre la concurrence déloyale

Publié par Elsa Guerin le - mis à jour à

Face à la montée en puissance des plateformes e-commerce internationales, le Conseil du Commerce de France (CDCF) appelle le gouvernement à agir sans délai afin de garantir le respect de la réglementation et d'assurer une concurrence équitable pour les entreprises françaises.

Lors d'un point presse organisé ce mardi 18 mars, en présence notamment de son président Yves Audo, de Marc Lolivier (délégué général de la FEVAD), de Pascal Malhomme (président de la Fédération française de l'équipement du foyer - FFEF) et de Yohann Petiot (directeur général de l'Alliance du Commerce), le CDCF a tiré la sonnette d'alarme. Les représentants du secteur demandent des actions immédiates pour restaurer un équilibre concurrentiel et mettre un terme aux pratiques déloyales de certaines plateformes situées hors de l'Union européenne.

Des distorsions de concurrence qui mettent en péril les entreprises françaises

Le CDCF dresse un constat alarmant : les plateformes de commerce en ligne asiatiques investissent massivement le marché non alimentaire et profitent d'avantages concurrentiels injustifiés. Cette situation met en danger le tissu commercial français, qui subit une concurrence déloyale à plusieurs niveaux :

- Non-respect des normes de sécurité : de nombreux produits vendus en ligne ne répondent pas aux standards européens, exposant les consommateurs à des risques. 95 % des jouets testés sur Temu sont non conformes aux normes de sécurité.

- Contournement des obligations fiscales : certaines plateformes échappent aux taxes et réglementations, fragilisant les entreprises locales. Selon le CDCF, 20 000 emplois pourraient être menacés à court terme et 50 000 sur le moyen terme.

- Exonération des droits de douane pour les colis de moins de 150 euros : un avantage qui favorise l'importation massive à bas coût. En 2024, 4,6 milliards de colis importés en Europe avaient une valeur inférieure à 150 euros, dont 91 % en provenance de Chine. Un chiffre presque deux fois supérieur à celui de 2023.

Une urgence sociétale

Pour Marc Lolivier, délégué général de la FEVAD, : "Il existe des réglementations en France que nous pourrions appliquer à ces plateformes. Nous attendons que le gouvernement s'en saisisse rapidement." Il rappelle l'urgence d'intervenir sur l'exonération fiscale dont bénéficient ces acteurs asiatiques et souligne également les aides du gouvernement chinois apportés aux acteurs de l'e-commerce afin de les doper et favoriser leur exportation.

Yohann Petiot, directeur général de l'Alliance du Commerce, exprime son inquiétude. Le secteur de l'habillement est l'un des plus impactés, avec Shein représentant désormais 3 % du marché (quand les leaders peinent à dépasser les 6 %). En 2024, 1 600 magasins ont fermé en France. "Nous attendons toujours les résultats de l'étude de la DGCCRF, lancée en 2022 par Bruno Lemaire pour contrôler ces plateformes", déplore-t-il.

Pascal Malhomme, président de la fédération française de l'équipement du foyer (FFEF) apporte son appui à cet appel. Si son secteur n'est pas affecté par ces plateformes, il sait pertinemment que cette concurrence arrive et interroge sur le modèle de société que nous souhaitons.

Un impact écologique et éthique majeur

Au-delà des enjeux économiques, le CDCF pointe du doigt l'impact écologique de ces plateformes : plus de 9 000 tonnes de marchandises sont transportées chaque jour, soit l'équivalent de 90 avions-cargos Boeing 777. Selon Philippe Wahl, PDG de La Poste, 35 % des colis traités par l'opérateur proviennent de Shein, Temu et AliExpress. Autre sujet d'inquiétude : la protection des données. En 2024, Temu proposait à ses clients d'exploiter à vie leurs données personnelles en échange d'argent et de bons d'achat. Le 20 septembre 2023 un américain a notamment lancé un recours collectif contre Temu devant la Cour fédérale de New York qui aurait échoué à protéger les données personnelles de ses utilisateurs, y compris les informations financières et biométriques.

Côté droits humains, la question des conditions de travail illégales reste en suspens. Shein a été accusé de s'approvisionner en vêtements dans la région du Xinjiang, sans être en mesure de prouver qu'ils n'étaient pas issus du travail forcé de la minorité ouïghoure.

L'Europe, cible facile

Certains pays, comme l'Indonésie et le Vietnam, ont déjà interdit Temu. De leur côté, les États-Unis durcissent leur réglementation douanière, laissant l'Europe vulnérable. La Commission européenne a bien lancé, le 5 février dernier, une enquête sur Shein afin de vérifier le respect des règles de protection des consommateurs. Mais pour Yves Audo, président du CDCF, "le calendrier de mise en oeuvre pose question". Tous appellent à des mesures fortes, à l'image de celles prises contre la plateforme Wish en 2021, comme le rappelle Marc Lolivier : "Des règles existent déjà, il suffit de les appliquer."

Si la Commission européenne a exprimé sa volonté de réviser le code douanier, il appartient désormais aux États membres de s'en saisir. La France doit prendre l'initiative et rassembler une coalition contre un dumping économique qui ne cesse de s'intensifier à une vitesse alarmante.

"Face à ce constat, il devient urgent de prendre la mesure du danger qui nous guette. La Chine est déjà l'usine du monde, nous ne souhaitons pas qu'elle devienne le magasin du monde. Les outils juridiques existent : il suffit de les appliquer pour garantir une concurrence équitable. L'enjeu est économique, social et sociétal." rappelle Yves Audo.

Une mobilisation nécessaire

L'arrivée d'un acteur comme TikTok Shop en sur le marché français doit interroger le gouvernement français sur l'urgence à avancer sur ces réglementations.

"Nous demandons au gouvernement d'agir au niveau européen pour pousser les présidences polonaise et danoise à inscrire la révision du code douanier à l'ordre du jour du Conseil et du Parlement européens. Nous réclamons l'application anticipée de cette réforme avant 2028, notamment avec la suppression de l'exonération des droits de douane pour les colis de moins de 150 euros", plaide le CDCF.

Le secteur demande également un renforcement des contrôles par la DGCCRF et des sanctions exemplaires à l'égard des plateformes asiatiques. "Nous exigeons que ces entreprises soient soumises aux mêmes règles que les nôtres, avec la même rigueur et diligence", conclut Yves Audo.

L'enjeu est clair : protéger les entreprises françaises et garantir les droits des consommateurs face à un e-commerce mondialisé aux pratiques controversées. Par ailleurs, La Fédération Française du Prêt-À-Porter Féminin (FFPAPF) continue de plaider pour l'application de la loi sur l'ultra fast fashion, adoptée il y a un an à l'unanimité au Sénat.



La rédaction vous recommande

  • La fast fashion de Shein détrône Vinted, le triomphe des petits prix
  • Shein, un empire de la mode qui inquiète
  • Fast fashion : pourquoi la France reporte la loi tant attendue ?