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Enrique Martinez (Fnac-Darty) : "Notre objectif est d'atteindre deux millions d'abonnés Darty Max d'ici 2025"

Publié par Emmanuelle Serrano le - mis à jour à

Enrique Martinez, directeur général du groupe Fnac Darty

Enrique Martinez, directeur général de Fnac-Darty depuis juillet 2017, croit résolument dans la possibilité d'un modèle de consommation durable. Un axe fort du plan stratégique Everyday déployé depuis 2021 et un engagement pour le dirigeant qui n'en oublie pas le développement du groupe, notamment en Suisse, en Espagne ainsi qu'au Portugal.

Le plan stratégique Everyday a été lancé en 2021. Pouvez-vous faire un point sur les chantiers réalisés et ceux qui restent en cours ?

Tout avance, mais rien n'est fini. Nous sommes sur la bonne trajectoire et beaucoup de choses ont déjà été faites comme l'amélioration de l'expérience client, le maintien et l'optimisation de la qualité de l'offre de produits. D'ici 2025, 100 % de nos magasins seront rentables car ils auront le modèle adéquat. Un des piliers de notre stratégie est de faire de la durabilité et du service le coeur de notre modèle commercial (réparation, durée de vie des produits, accompagnement des clients vers des achats plus responsables). Promouvoir une économie du service et de l'abonnement permettra de consolider Fnac-Darty et de le projeter dans le futur. Notre objectif est de passer de 1,1 à 2 millions d'abonnés à Darty Max (service de réparation sur abonnement) d'ici 2025. L'an passé, nous avons réparé 2,5 millions de produits de petit et de gros électroménager, contre environ 1,6 million en 2018-2019. Près de 3 000 techniciens font de la réparation dans le groupe.

Avec Darty Max et Fnac Vie Digitale, le groupe bascule vers une logique de services. Comment ce virage essentiel va-t-il continuer de se refléter dans votre offre ?

L'objectif est bien entendu de continuer à enrichir cette offre servicielle pour que cette valeur ajoutée facilite la fidélisation et le développement de notre clientèle. 2024 est d'ailleurs l'année des 70 ans de la Fnac et des 50 ans du contrat de confiance de Darty. Pour Darty Max, nous réfléchissons à ajouter des services pour le foyer comme des petites réparations de plomberie et d'électricité, des tests dans le domaine de l'efficience énergétique et de la bonne utilisation des appareils domestiques avec notre partenaire HomeServe. Côté Fnac, nous pensons à des offres dédiées au service, à la protection, à la cybersécurité et au contrôle parental, par exemple. En tant que consommateurs, nous sommes à l'aube de l'arrivée de l'intelligence artificielle (IA) dans notre quotidien. Avec la courbe d'accélération très forte de l'IA, de nouveaux territoires vont s'ouvrir à nous et à notre base de deux millions d'abonnés. Il ne s'agira pas forcément de services que nous développerons nous-mêmes mais nous pourrons nous associer à d'autres marques leaders dans leurs domaines, comme avec Microsoft pour la sécurité IT dans le cadre de Fnac Digitale. Dans l'univers de la domotique ou de l'efficience énergétique, nous pourrions être des agrégateurs de services, comme nous le faisons déjà pour d'autres activités.

Vous avez récemment publié un ouvrage intitulé "Et si on consommait mieux". Quelles convictions souhaitez-vous partager dans ce domaine ?

Le groupe Fnac-Darty défend l'idée d'un achat responsable - car réfléchi - et cette stratégie s'inscrit dans un cadre plus large, celui de la crise climatique. Notre industrie en est, en partie, responsable. Par conséquent, c'est aussi à nous de faire évoluer les comportements pour rendre possible la vie sur la planète et l'accès au confort, à la culture, à la technologie. La transition écologique doit se faire sans céder au radicalisme et elle ne doit laisser personne de côté.

En octobre, vous avez conclu un accord avec CEVA Logistics afin de créer une entreprise commune dédiée à la logistique e-commerce et au SaaS marketplace. Pouvez-vous faire un point d'étape sur sa mise en place ?

Weavenn, que dirige Jérôme Thil, vient tout juste d'être lancée, après la conclusion des dernières négociations. Le projet est clair : nous voulons aller plus loin dans l'expérience client autour de nos marketplaces, profiter de la technologie et de nos savoir-faire respectifs et des capacités logistiques incomparables de CEVA Logistics en Europe et dans le reste du monde. Notre ambition avec Weavenn est de réaliser un chiffre d'affaires de 200 millions d'euros en 5 ans. La logistique représente un des premiers centres de coût pour les e-commerçants. Weavenn proposera une offre dédiée aux vendeurs et marketplaces en France et au-delà des frontières nationales. Nous allons aider les vendeurs de notre marketplace à gérer leur logistique pour qu'ils puissent bénéficier des mêmes conditions que celles dont profitent nos propres vendeurs en direct. Ensuite, notre but est de commercialiser auprès d'autres places de marché et vendeurs toute la suite technologique avec un seul contrat et un seul interlocuteur à la clé.

Combien avez-vous de vendeurs intégrés sur la marketplace Fnac-Darty ?

Aujourd'hui, ils sont quelques milliers. Globalement, la marketplace, qui existe depuis une quinzaine d'années, draine entre 15 et 20 % de notre chiffre d'affaires digital. C'est un montant assez significatif mais qui vient en complément de nos propres vendeurs en direct. Cela nous permet d'avoir une présence digitale assez forte avec une offre multicanale présentant le même niveau de qualité, d'expérience client et de rapidité de service. Les vendeurs sont attirés par la crédibilité de notre base clients qui est unique en ce qui concerne les produits que nous proposons et sur lesquels nous sommes leaders. En retour, nous avons des exigences en matière de qualité et de prescription des vendeurs et des produits.

Fnac-Darty a racheté MediaMarkt Portugal. Quelles sont vos ambitions internationales en 2024 ?

Grâce à cette acquisition, nous étendrons nos activités dans ce pays où nous bénéficions d'une belle notoriété mais il nous manquait le volet Darty dans notre offre locale. Or, nous voulions aller plus loin dans le domaine de l'électroménager et du service pour proposer à la clientèle portugaise ce que nous apportons déjà en France avec Fnac-Darty. En Belgique, nous avons deux enseignes : Fnac et Vanden Borre, qui marchent très bien et suivent la même feuille de route qu'en France axée sur la durabilité et les services. Et puis il y a la Suisse et l'Espagne, où la dimension de notre modèle doit s'affermir. Notre objectif est que dans tous les pays, nos marques réalisent des volumes de chiffre d'affaires suffisants pour être pérennes. Ce n'est pas encore le cas en Espagne, mais nous y travaillons.

C'est-à-dire mieux positionner Darty dans les pays où la Fnac est déjà connue ?

Oui ou bien si le modèle de la Fnac a déjà la taille critique requise, venir la renforcer avec une offre complète. Mais dans les pays où ce stade n'est pas encore atteint comme l'Espagne pour la Fnac, il faut d'abord se poser les bonnes questions du type "Comment grandir sur le digital ou les magasins ? Quelle est la part de marché nécessaire pour s'y développer sereinement ?". Ce sont nos chantiers actuels.

L'Europe s'est dotée de nouveaux outils réglementaires comme le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA). Pensez-vous que cela vous donne les mêmes armes pour vous battre avec vos concurrents asiatiques notamment ?

Le cadre réglementaire est extraordinaire, mais il n'est pas respecté. Il y a pléthore de dispositifs de contrôle concernant l'origine et la qualité des produits, de nombreuses obligations d'homologation aux niveaux national et européen, d'innombrables normes sur l'électrique, les matériels, etc. Mais je vous mets au défi de trouver l'équivalent sur les plateformes asiatiques. Aujourd'hui, il y a d'un côté un marché où une pression réglementaire forte et justifiée s'exerce sur une partie des vendeurs et de l'autre un marché ouvert où rien n'est contrôlé, avec des plateformes qui arrivent et disparaissent très vite avec zéro contrôle. Les règlements ont un petit défaut : ils ne sont pas appliqués correctement à tout le monde.

Comment voyez-vous le futur de l'e-commerce en France ?

Le digital fait partie de notre quotidien avec des points de vente qui ont aussi leur place dans ce nouveau monde en permettant une certaine réassurance, mais aussi des expériences et découvertes irremplaçables. Les exigences de performance iront croissant sur le digital. À nous de trouver le bon rythme, en faisant évoluer notre modèle, tout en gardant la puissance du modèle commercial propre au point de vente physique. Nous avons des dizaines de milliers de collaborateurs et plus de 1 000 magasins. Cela représente du personnel et des coûts fixes. Le modèle doit être solide et rentable. Sinon, je pense que le commerce va se diviser clairement entre les acteurs focalisés sur le low cost et les aubaines et ceux qui vont tenter d'accompagner les clients avec un modèle beaucoup plus complet orienté sur les services, la valeur ajoutée, avec des achats plus réfléchis. Nous sommes par vocation une enseigne très populaire avec une quarantaine de millions de clients, nous devons trouver une réponse pour l'ensemble de cette clientèle. Une réponse qui rend nos offres et notre modèle intéressants à leurs yeux, quelles que soient les distorsions économiques existant par ailleurs ou les difficultés liées au pouvoir d'achat. C'est le gros défi auquel nous ferons face dans les années à venir.


Son parcours :

1988 : Enrique Martinez rejoint la Fnac avec pour mission d'implanter et de développer l'enseigne au Portugal.

2004 : Il intègre le comex de l'entreprise en tant que directeur général de la zone Ibérique.

2012 : Enrique Martinez prend la direction de l'enseigne pour la zone France et Europe du Nord.

2017 : Il est nommé directeur général du groupe Fnac-Darty et membre du conseil d'administration. Il conduit les premières synergies entre Fnac et Darty, tout en réalisant des acquisitions comme Nature & Découvertes et WeFix.