Jacques Baudoz (JouéClub) : "L'e-commerce est un outil pour satisfaire nos consommateurs"
Publié par Dalila Bouaziz le | Mis à jour le
Bousculés par les géants de l'e-commerce, les spécialistes du secteur - dont JouéClub - s'adaptent à cette nouvelle concurrence en renforçant leur omnicanalité. Jacques Baudoz, le P-dg, revient sur les transformations du marché et sur la stratégie de l'enseigne pour garder sa position de leader.
JouéClub a 67 ans, quelle ont été les grandes évolutions du secteur du jouet?
Dès la création de JouéClub, le centre-ville a été au coeur de notre stratégie. Puis nous nous sommes implantés en périphérie des villes et enfin dans les centres commerciaux. A la fin des années 90, début des années 2000, nous avons assisté à l'émergence de l'e-commerce dans le secteur du jouet avec l'arrivée du Web. Dès 1997, nous avons pris le virage du commerce en ligne en lançant notre site marchand. Aujourd'hui, internet a pris une part importante dans notre métier (NDLR: les ventes de jouets en ligne sont passées de 10 à 25 % en France, selon le cabinet d'études spécialisé NPD Group). Depuis cinq ans, les consommateurs ont pris l'habitude de consulter les produits sur le Web avant de se rendre en magasin. Ces nouveaux usages ont perturbé de nombreux acteurs du marché.
En effet, plusieurs enseignes du secteur comme Toys'R'Us ou La Grande Récré connaissent de grandes difficultés, comment l'expliquez-vous?
Toy'R'Us a confié la distribution de ses jouets à Amazon, en faisant de l'acteur américain son fournisseur officiel (NDLR: l'enseigne avait également abandonné son site internet au profit du géant américain avant de reprendre le contrôle). Aussi, lorsqu'Amazon s'est lancé -seul- sur le marché du jouet en ligne, ses connaissances du secteur et des clients étaient importantes. L'enseigne a contribué à se mettre en difficulté. Elle a ainsi été contrainte de fermer ses magasins aux États-Unis ainsi que ses filiales implantées à l'étranger, reprises depuis par différents acteurs (NDLR: selon Bloomberg, l'enseigne devrait rouvrir une demi-douzaine de points de vente aux États-Unis, ainsi qu'un site de vente en ligne d'ici la fin de l'année). Pour sa part, la Grande Récré n'a pas cru à l'importance du digital dans notre secteur. D'autres facteurs comme le développement trop rapide de points de vente ont également entraîné les difficultés que vous mentionnez.
"Nous centrons notre stratégie sur le client, cela a toujours été notre fer de lance"
Comment réussissez-vous à rester leader sur le marché?
Nous centrons notre stratégie sur le client, cela a toujours été notre fer de lance. Nous sommes une coopérative d'indépendants, qui regroupe 220 patrons de magasins en France, et JouéClub est également implanté à l'international (Belgique, Italie, Liban, etc.). Nous adoptons les nouvelles technologies mais conservons notre ligne et nos objectifs. Notre but est de proposer un parcours client sans couture pour que le consommateur puisse accéder aux produits où il veut, quand il veut.
Comment s'est déroulé le premier semestre 2019?
Le premier semestre est satisfaisant, nos résultats progressent de 1% alors que le marché du jouet recule de cinq points. Nous connaissons une croissance importante sur le digital, avec un chiffre d'affaires en hausse de 10%. La fréquentation de notre site a également augmenté de 23%. En 2018, nous avons réalisé une bonne année avec un chiffre d'affaires consolidé de 640 millions d'euros, même si le mois de novembre a été très compliqué en raison des mouvements sociaux.
À ce sujet, observez-vous de nouveaux temps forts en France avec l'apparition des fêtes commerciales américaines Black Friday et Cyber Monday?
Depuis trois ans, nous remarquons un changement dans le comportement d'achat de nos clients. A présent, ils attendent le Black Friday pour bénéficier d'offres intéressantes. Néanmoins, le plus gros du chiffre d'affaires continue d'être réalisé en décembre. La saison commerciale s'est juste décalée d'une dizaine de jours.
Noël en chiffres clés par NPD Group :
Comment développez-vous l'omnicanalité?
Dès 1997, nous avons lancé notre site e-commerce et en 2012, le click-and-collect était proposé dans l'ensemble de nos points de vente. Nous disposions de deux sites, l'un dédié au e-commerce B to C avec la livraison à domicile pour les clients et l'autre destiné aux magasins avec le click-and-collect et renvoyant aux 221 sites de nos adhérents. Nous avions besoin de simplifier le parcours des clients et de pouvoir gérer un panier multicanal. Aussi, en octobre 2018, nous avons mis en place une plateforme de commerce unifié avec Proximis et l'intégrateur SQLI, avec pour objectif de regrouper sur une même plateforme -JouéClub.fr- l'ensemble de nos offres et services. À présent, nos clients peuvent choisir de se faire livrer chez eux ou en click-and-collect dans l'un des magasins du réseau, en fonction de la disponibilité des produits, grâce à une synchronisation des données de stock en temps réel de nos 300 magasins. Nous avons également procédé à la refonte de notre PIM, soit la gestion des informations produits, pour centraliser les données et procéder à la fusion des profils clients. Enfin, d'ici la fin de l'année, nos vendeurs seront équipés de tablettes afin de pouvoir effectuer du clienteling (relation personnalisée entre le conseiller et le client par le biais d'outils digitaux) en magasin et récupérer des informations sur nos acheteurs.
Quelle est votre stratégie expérientielle en point de vente?
Nous avons lancé en septembre un nouveau concept de magasin, développé dans notre laboratoire d'innovation à Bordeaux. L'objectif est d'offrir aux familles et aux enfants la possibilité de tester les jouets en créant un lieu expérientiel et de découverte. Nous voulons recréer dans nos magasins un espace féérique et festif, avec des animations régulières. Ce concept sera déployé progressivement dans nos points de vente.
Que représente l'e-commerce et quelle est sa place dans votre stratégie globale?
L'intégralité de l'offre de nos 300 points de vente est présente sur JouéClub.fr, soit plus de 50000 références. L'e-commerce représente 5% de notre chiffre d'affaires. A noter, le chiffre réalisé par le click-and-collect est rattaché à la zone de chalandise de chaque magasin. Chez JouéClub, l'e-commerce est un outil pour satisfaire nos consommateurs et répondre à leurs besoins. Nous le voyons également comme un moyen de favoriser la fréquentation des magasins. Notre métier reste le commerce de détail. Nous ne changeons pas le fond de l'activité, nous rajoutons de nouveaux outils pour l'exercer.
Comment intégrez-vous les réseaux sociaux dans votre stratégie?
Nous disposons de pages à l'échelle nationale pour toutes les informations communes à l'ensemble du réseau, comme une nouvelle campagne de communication. En parallèle, chaque magasin possède ses propres pages Instagram, Facebook, Twitter pour communiquer sur ses animations ou ses promotions localement. Notre but est d'être plus proche de nos clients, en créant une relation de proximité avec eux par ce biais.
Le marché de l'occasion se développe de plus en plus, est-ce un sujet de réflexion pour JouéClub?
La problématique est plus large pour JouéClub. Nous avons commencé à réaliser différents benchmarks sur ce marché. Néanmoins, nos clients étant des enfants, la sécurité des jouets est fondamentale. Nous voulons être certains à 100% de la qualité des produits revendus. Nous travaillons actuellement sur différentes solutions pour répondre à ces enjeux. Notre entreprise a également entamé une démarche écologique auprès des fabricants pour réduire le plastique dans les jouets. C'est un projet certes à long terme mais il nous tient à coeur. Nous voulons également renforcer nos partenariats avec les fabricants français et européens.
De plus en plus de distributeurs misent sur la numérisation et le ciblage géographique des offres de leurs prospectus, quelle est votre position?
Le catalogue reste notre média principal de communication pour recruter de nouveaux clients. Chaque Noël, notre prospectus est diffusé à 12 millions d'exemplaires. Nous ne pouvons pas le supprimer totalement car les jeunes enfants se servent du catalogue pour écrire leur liste de cadeaux en découpant les jouets désirés. Les outils numériques sont plus à destination des parents. Néanmoins, l'année dernière, nous avons proposé de la réalité augmentée sur notre catalogue à travers une application. Pour ce Noël, nous poursuivons cette expérience de manière plus importante.
Quelles sont les implications RH dans vos métiers ?
Nous avons une école de formation " L'école pratique JouéClub " à destination de nos vendeurs. Nous les réunissons régulièrement en session de formation dans les régions. L'objectif est de leur fournir les bons outils pour travailler et apporter les bonnes réponses aux clients. L'humain reste primordial dans les relations commerciales. Nous ne changeons pas le fond de l'activité, nous rajoutons de nouveaux outils pour exercer ce métier.
Quels sont vos axes stratégiques cette année?
Nous voulons asseoir notre position de leader sur le marché du jouet avec une nouvelle communication axée sur le digital, la télévision et la radio. Nous allons notamment accentuer notre présence sur le numérique au travers de publicités diffusées à l'occasion de notre campagne de fin d'année. Nous prévoyons également l'ouverture d'une quinzaine de magasins.
Quelles évolutions percevez-vous des attentes de vos consommateurs (présentation moins genrée des catalogues, etc.) ?
Depuis 4-5 ans, nous avons totalement changé notre façon de présenter les catalogues et le merchandising de nos magasins. Nous travaillons par univers et par héros/héroïne comme pour les figurines. Pour JouéClub, c'est à présent un non sujet. Ce phénomène de non genre est naturel pour nous.
Quelles sont les tendances du secteur du jouet pour la fin d'année?
2019 est une forte année de licences de jouets avec la Reine des Neiges, Fortnite et Star Wars, soit des cibles et des âges différents. Nous tablons sur un bon Noël 2019 car nous constatons un dynamisme des fabricants cette année en termes de nouveautés.
Né en 1967, Jacques Baudoz est diplômé de l'Institut d'administration des entreprises de Montpellier. Entré au sein du groupement coopératif en 1995, il dirige actuellement trois magasins en Franche-Comté, à Pontarlier et à Champagnole. Il a occupé différents postes au sein de la coopérative, notamment dans les achats comme sélectionneur, avant d'être nommé vice-président en 2016.
Mai 2018 : Il succède à Alain Bourgeois-Muller au poste de P-dg de JouéClub.