Fabien Versavau (Rakuten): "Nous observons des tendances contrastées au sein de notre marketplace"
Publié par Dalila Bouaziz le - mis à jour à
Depuis le début du confinement en France, de nombreux consommateurs se sont tournés vers l'e-commerce et notamment vers les places de marché. Fabien Versavau, CEO de Rakuten France, revient sur les conséquences de cette crise sanitaire et sur les ventes de sa marketplace.
Comment le Groupe gère cette crise en France mais aussi dans l'ensemble des 35 pays où vous êtes présents ?
Notre Groupe, d'origine japonaise, possède des bureaux dans différents pays d'Asie aussi nous avons été, dès l'origine, assez proches géographiquement du démarrage de l'épidémie. Nous avons suivi cette crise sanitaire dès début février et mis en place à ce moment-là une organisation spécifique via des réunions trois fois par semaine du top management en visioconférence afin de faire le point sur nos activités. Nous avons également créé une cellule de crise avec des représentants de tous les pays pour pouvoir suivre l'évolution de la pandémie et prendre les mesures requises pour nos salariés.
En Europe, nous avons bénéficié de l'organisation mondiale de Rakuten en observant ce qu'il se passait en Asie en janvier, nous avons pu anticiper que nous serions également affectés par cette pandémie. A partir de la mi-février, tous les voyages internationaux avaient été stoppés, les collaborateurs de retour dans des régions particulièrement touchées avaient été mis en "quatorzaine", enfin nous avions annulé notre participation à tous les événements de l'écosystème ainsi que ceux que nous organisions. Quant aux réunions internes, nous avions limité à cinq personnes le nombre de personnes dans une même salle et bien sûr fourni du gel hydroalcoolique. Dès les premières mesures du confinement en France, nous étions prêts en basculant directement en télétravail l'ensemble des services, en "full remote ".
Quelles sont les répercussions en termes de vente sur la marketplace?
Sur notre marché français, la situation est contrastée. Nous connaissons un très fort ralentissement des ventes C to C (particulier à particulier) de l'ordre de 20 à 25%. Nous sommes en effet l'une des principales plateformes de revente d'objets de seconde main - près de 35% de nos revenus en France et le confinement a fortement freiné cette activité.
Concernant la seconde part de nos activités, le B to C, nos vendeurs professionnels qui vendent à des particuliers, nous observons également des tendances contrastées en raison du recul de la consommation (NDLR : l'Insee indique une baisse de 35% de celle-ci depuis le 16 mars). En cette période de confinement, nous assistons à une déconsommation des ménages français et à l'inverse une hausse de l'épargne.
Les consommateurs décalent leurs dépenses pour certaines familles de produits : le dernier smartphone ou PC portable dernier cri.Parallèlement, comme tous les acteurs de l'e-commerce, nous assistons à une demande soutenue pour toutes les catégories liées à l'organisation de la vie dans la maison (télétravail, activités de loisirs avec des enfants, jeux de société et vidéo, entretien du jardin). Nous restons très prudents sur nos prévisions de vente dans les prochaines semaines car cela sera lié au redémarrage de l'activité économique.
Comment vous êtes-vous organisés avec vos commerçants ?
Contrairement à nos concurrents américain, chinois ou français, nous ne sommes pas un vendeur sur notre plateforme avec nos propres gammes. Nous n'avons pas cette notion de " vendeurs tiers ". Chez Rakuten, nous ne positionnons pas en concurrence avec eux, ils sont au coeur de notre activité. Nous sommes un pure player de la marketplace. Parmi les vendeurs, 25% d'entre eux -beaucoup de TPE-PME, ont interrompu leurs activités car ce sont essentiellement des réseaux de petits commerces qui ont vu leurs points de vente fermer. Nous avons également répondu à l'appel du secrétaire d'Etat au numérique Cédric O, dès la première semaine du confinement, en mettant en place un ensemble de mesures de soutien et d'accompagnement à destination des entreprises pour celles qui avaient la possibilité de transférer une partie de leurs activités physiques vers le numérique.
Nous avons simplifié nos systèmes de référencement et d'intégration de catalogues et la création de boutiques sur notre plateforme française. Une partie des équipes a été réaffectée dans l'accompagnement des marchands -via le tchat, le mail et le téléphone- pour la création de leurs catalogues, la configuration de leurs boutiques personnalisées... Pour le volet économique, nous leur avons proposé de rejoindre notre plateforme via une exemption d'abonnement jusqu'en mai (NDLR : Rakuten a prolongé jusqu'en septembre prochain) et des frais de commission réduits entre 4 et 5%. Nous avons également mis en place notre solution technologique " Rakuten Instore ", notre solution de click and collect, pour les enseignes qui rouvrent certains de leurs magasins pour effectuer du drive (piéton ou sur le parking du point de vente) et réaliser ainsi un retrait sécurisé sans contact en une heure.
Etes-vous impactés sur la livraison ? Quels sont les délais actuels ?
Nous observons chez nos vendeurs, vu que Rakuten ne dispose pas d'entrepôts, une augmentation des délais de livraison sur 40% des volumes. Actuellement, nous sommes sur une moyenne de 8 jours versus 4 jours avant le confinement. Néanmoins, nous constatons une prise en compte des opérateurs logistiques pour diminuer les délais.